Money, Mississippi, est le nom de la ville où se déroule l'histoire, du
début du XXe siècle jusqu'à nos jours. C'est aussi elle qui raconte son
histoire, celle de destins qui s'entrecroisent et confluent vers
l'assassinat du jeune Emmet Till, l'un des événements fondateurs du
mouvement des droits civiques des Noirs américains. L'élément
déclencheur, plusieurs dizaines d'années auparavant, c'est la mort
d'Esther, prostituée de son état et donc pécheresse, dont le fantôme
passe de corps en corps et influence le destin des différents
protagonistes. Dans une veine proche du réalisme magique, Bernice L. Mc
Fadden peuple son histoire de spectres, et excelle à évoquer le vieux
Sud à la voix grave et puissante, sa sensualité, mettant au jour les
forces mystérieuses à l'ouvre dans notre existence.
Ce roman a attiré mon attention pour deux raisons essentielles : un des
sujets abordés, le meurtre du jeune Emmet Till dans la région du delta
du Mississippi dans les années 50 et qui fut l’un des principaux
événements fondateurs du mouvement des droits civiques des Noirs
américains et la façon de l’aborder, à savoir l’utilisation du réalisme
magique à travers une conception animiste de l’existence et de la
croyance des âmes.
Le narrateur n’est autre que la ville
elle-même, Money (Mississippi), ville dans laquelle se déroule
l’histoire et qui nous raconte la vie et le destin tragique de trois
générations de femmes aux destins entrecroisés dont l’élément
déclencheur n’est autre que la mort d’Esther, prostituée et grande
pécheresse de son état dont le fantôme passe de corps en corps tout en
infléchissant le cours du destin des différents protagonistes.
A
travers la croyance des forces occultes, l’auteur fait revivre le vieux
Sud avec une grande puissance d’évocation. Un roman dont les héroïnes
sont tour à tour fortes, amoureuses mais aussi parfois diablement et
cruellement séduisantes. Un roman sensuel, violent, âpre et sans
concession.
Une relecture inspirée de l’histoire américaine et
un nom à retenir tant Bernice L. McFadden a une façon bien à elle de
nous raconter ses histoires. Une belle voix de la littérature noire
américaine.
Esther la catin était bien connue à Tulsa. On la voyait, de jour comme
de nuit, adossée aux réverbères ; elle aguichait les hommes d'un petit
signe du doigt et sifflait comme un serpent : "Psst, viens voir, j'ai
quelque chose qui va tout arranger."
Elle avait autrefois été belle,
avec une peau lumineuse, des jambes élégantes et un rideau de cheveux
qui retombait jusqu'à sa taille.
Esther.
Trop belle pour qu'une
femme veuille d'elle comme amie. Tellement belle que les hommes ne
songeaient pas à l'aimer ; ils ne faisaient que rêver de se glisser
entre ses cuisses crémeuses.
Pauvre Esther.
Un grand coup de coeur !