lundi 29 août 2011

Melancholia de Lars von Trier


Synopsis

Justine et Michael célèbrent leur mariage en grande pompe dans la somptueuse demeure que possèdent sa sœur et son beau frère. Pendant ce temps là, la planète Melancholia se dirige vers la terre…

Lars von Trier et moi, ce n’est pas le grand amour. Mais il ne me laisse jamais indifférente. Aussi n’étais-je plus allée le voir au cinéma depuis Dancer in the dark (2000), film qui m’avait énervée au possible avec ce personnage de suppliciée jouée (merveilleusement) par Bjork, personnage à qui j’avais envie de donner des claques tellement il m’était insupportable de l’accompagner sur son chemin de croix. Et Catherine Deneuve en ouvrière… aussi plausible qu'un Stéphane Bern en ouvrier du bâtiment.

Je l’avoue humblement, j’ai un réel problème avec ses personnages de femmes sacrifiées et humiliées, avec cette question lancinante : mais que cherche-t-il à nous montrer derrière ces images de saintes martyrisées ? En tout cas ces femmes suscitent toujours en moi de la colère et de l’énervement, finissant à chaque fois par me dire qu’elles n’ont finalement que ce qu’elles méritent, un comble. Et c’est ce sentiment-là qu’il génère en moi que je reproche au réalisateur. Oui je sais, je suis parfois bien compliquée (j'entends déjà mon mari me demander seulement parfois ? hmhm).

C’est donc avec beaucoup d’appréhension que je suis allée voir Melancholia. Et miracle, j’en suis sortie plutôt satisfaite : j’ai enfin ressenti non plus de la colère mais une certaine compassion envers Justine la mélancolique (jouée par Kirsten Dunst) et sa sœur Claire angoissée par l’éventuelle prochaine collision d’une planète avec la terre (jouée par Charlotte Gainsbourg).

Pourtant ce n’était pas gagné d’avance : un scénario qui tient sur quelques lignes, un esthétisme qui peut en rebuter plus d’un, un message douteux au possible, des lenteurs nombreuses et quelques redites, comme ce mariage foireux de la première partie qui fait immanquablement penser à Festen de Thomas Vinterberg : une cérémonie de mariage ratée durant laquelle les masques tombent pour mieux laisser la place aux visages grimaçants. J’entends bien la mélancolie de Justine qui a bien du mal à s’y retrouver entre un père aussi joyeux luron que lâche et inconsistant, une mère froide et cynique, un mari plutôt maladroit, une sœur/beau-frère enfermés dans leur tour d’ivoire et un chef opportuniste dans le milieu publicitaire. Première partie suivie d’une deuxième partie plus science-fiction concernant la fin du monde prochaine assez réussie, sans oublier une intro et un final qui valent à eux seuls le déplacement.

Un film donc qui me réconcilie avec les personnages féminins de Lars von Trier : une femme mélancolique qui demeure à distance de ses proches et des spectateurs, sa sœur plus proche de nous, attachée à la terre et à sa famille. Nous ne sommes plus face à des saintes sacrifiées parce qu’elles le veulent bien mais face à des femmes fragiles qui doutent, qui angoissent, qui se posent question mais qui agissent aussi, malgré le peu de marges de manœuvres dont elles disposent. Elles n’en seront pas moins sacrifiées avec le reste de l’humanité, nous sommes bien en terrain connu avec un Lars Von Trier qui ne semble toujours pas vouloir se réconcilier avec le genre humain. N'y aurait-il donc vraiment rien à sauver sur notre triste planète ?

Quelques mises en tableaux du film, sublimes :







Réalisateur : Lars von Trier
Acteurs : Kirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg, Kiefer Sutherland, Stellan Skarsgård, Alexander Skarsgård, John Hurt, Charlotte Rampling, Udo Kier
Origine : Danemark
Genre : Drame Science-fiction Thriller
Année de production : 2011
Date de sortie : 10/08/2011
Durée : 2h10



vendredi 26 août 2011

Le Seigneur des porcheries de Tristan Egolf

Quatrième de couverture
 
Ce premier roman singulier commence avec la mort d'un mammouth à l'ère glaciaire et finit par une burlesque chasse au porc lors d'un enterrement dans le Midwest d'aujourd'hui. Entre-temps, on aura assisté à deux inondations, à quatorze bagarres, à trois incendies criminels, à une émeute dans une mairie, à une tornade dévastatrice et à l'invasion de méthodistes déchaînés ; on aura suivi la révolte d'une équipe d'éboueurs et vu comment un match de basket se transforme en cataclysme. Tout se passe dans la petite ville de Baker, sinistre bourgade du Midwest ravagée par l'inceste, l'alcoolisme, la violence aveugle, le racisme et la bigoterie. Au centre des événements, John Kaltenbrunner, un enfant du pays, en butte à toutes les vexations, animé par une juste rancoeur. Comment John se vengera-t-il de la communauté qui l'a exclu ? Jusqu'où des années de désespoir silencieux peuvent-elles conduire un être en apparence raisonnable ? Dans un style flamboyant, Le seigneur des porcheries retrace l'histoire de cette vengeance, telle qu'elle est contée, après la mort de John, par un des « humiliés et offensés » qu'il défendait.
 
Nous sommes à Baker, une sinistre bourgade du Midwest ravagée et fossilisée. Les habitants de la ville recourent volontiers à un révisionnisme local pour expliquer les faits tragiques qui s’y sont déroulés, rejetant la faute sur le bouc émissaire idéal, à savoir John Kaltenbrunner, né à Baker mais décrit depuis les faits comme une espèce de monstre abject sorti d’on ne sait où : 

Il était impossible que John Kaltenbrunner ait été un fils du pays. Rien à Baker n’avait pu produire une telle abomination… Il ne pouvait pas être un intrus nourri en notre sein, il ne pouvait pas avoir surgi de la cave et être entré par la porte de derrière sans prévenir. Il devait venir d’autre part – ou d’autre chose.
 
Et les rumeurs s’en donneront à cœur joie : John l’avorton/rat, l’immigrant, le fasciste, l’homosexuel, l’immaculée conception. Tout plutôt que de reconnaître John comme l’un des leurs, tout pour se dédouaner et présenter la communauté sous un jour plus seyant.
 
Mais John, figure christique un peu particulière, avait aussi ses apôtres et ceux-ci veulent témoigner par l'entremise d'une version non frelatée, bien qu’impartiale, « des faits tels qu’ils se sont passés ».
 
Nous revenons donc au début des événements et découvrons ce monstre littéraire qu’est devenue pour moi ce John Kaltenbrunner, un concentré d’humanité jeté à la figure, un personnage putride issu de la fange et de la déchéance sociale et communautaire auquel il appartient (n'en déplaise aux révisionnistes de Baker) et qui donnera un bon coup de pied au cul mérité à sa communauté.
 
Quel feu d’artifice, quelle énergie, quelle puissance ! Ce roman énorme, foisonnant, grotesque et démesuré n’offre aucun répit pour reprendre son souffle. Il se dévore, tout simplement. Ce nouveau testament à la Tristan Egolf avec comme figure christique ce John Kaltenbrunner m’a laissée pantelante. 

Un gros coup de cœur ! 


vendredi 19 août 2011

Crimes of the Future de David Cronenberg


Je crains cependant, qu'en restant ici plus longtemps, mon équilibre si précieux s'immobilise de façon morbide.

Adrian Tripod


Je viens de visionner un des premiers films de David Cronenberg , à savoir Crimes of the Future (1970). Film pour le moins expérimental et surprenant, d’une lenteur exaspérante sans aucun dialogue direct mais une voix-off parcellaire noyée dans un environnement sonore bidouillé à partir de sons provenant des fonds marins assez irritants et terriblement vieillots (j’avais parfois l’impression de me retrouver dans un des vaisseaux Enterprise de Star Trek), joué par des acteurs qui pour la plupart n’en sont pas (et c’est rien de le dire) et un personnage principal androgyne au possible (Adrian Tripod, directeur de la « Maison de la Peau », joué par Ronald Mlodzik). 




En deux mots, nous ne savons pas très bien ni dans quel pays ni à quelle époque nous sommes mais le monde tel qu’il est nous est montré à travers le regard d’Adrian Tripod, qui se présente comme le directeur d’une clinique résidentielle initialement destinée aux patients riches traités pour des maladies de la peau pathologiquement graves causées par les produits de beauté. Il aurait pris la direction de l’institut suite à la disparition de l’ancien directeur, institut particulièrement déserté d’ailleurs suite aux décès des patients et personnels soignants, conséquence d’une terrible épidémie (hégémonie de la maladie de rouge qui fait penser à la menstruation lorsqu’il mentionne que cette maladie ne frappait d’abord que des femmes post pubertaires avant de se propager à l’ensemble de la population). « Cette oppression stimulante du rouge » conduisant à une certaine confusion pour ne pas dire une confusion certaine chez d’Adrian Tripod. Bon là, on commence à se poser des questions sur l’état mental du directeur de la « Maison de la Peau » : n’est-il pas en plein délire d’interprétation ? Ne serait-ce pas plutôt un asile de dingue tombé aux mains des derniers survivants ? Car si la qualité générale de la « maison » se détériore nous dit-il, on ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec son état psychologique qui semble rejoindre dangereusement cette pente déclinante.

Je n’en dirai pas plus mais sachez qu’on retrouve tous les thèmes privilégiés de l’auteur : société cloisonnée et déclinante, isolement et manque de repère, folie et schizophrénie, épidémies, sociétés occultes, mutations et transformations des corps, dégénérescences évolutives mais aussi génération de nouvelles formes de vie, sexualité déviante, maladies néo-vénériennes, violence, du Cronenberg pur jus et hyper condensé.




Je ne peux pas dire que j’ai aimé et apprécié ce film, trop underground à mon goût mais son intérêt est ailleurs : nous retrouvons toutes les obsessions de l’auteur, obsessions bien mieux traitées par la suite mais tout est là, en attente de germination. A réserver aux fans donc, mais c’est réellement surprenant de constater à quel point l’auteur trimballe ses thèmes de prédilection depuis le début. Et quel chemin parcouru depuis !

Réalisateur : David Cronenberg
Origines : Canada, Royaume-Uni, France
Public : Tout public
Année de production : 1999
Durée : 1h37