mardi 31 août 2010

La grande nuit d'André-Marcel Adamek

Présentation de l'éditeur
 
Le Château rouge est une grotte souterraine qui vient d'être ouverte au public. Lors d'une visite, un séisme violent emporte les passerelles et les galeries s'effondrent. Seules deux personnes survivent à la catastrophe : Anton Malek, un spécialiste du comportement animalier, et Marie, une vieille dame venue de Bruges. Les rescapés attendent en vain du secours, mais aucun signe de vie ne parvient de la surface.
 
Né en 1946 André-Marcel Adamek a accompli différents métiers en parallèle de celui d'écrivain : nègre, imprimeur, éditeur. Ses romans ont remporté de nombreux prix et ont été largement traduits : « Le Fusil à pétales » (prix Rossel, 1974), « Un imbécile au soleil » (prix Jean Macé,1984), « La Fête interdite », « Le Maître des jardins noirs », « Le Plus Grand Sous-Marin du monde » (Prix du Parlement de la Communauté française, 2000) et « Retour au village d'hiver ». « La Grande Nuit », qui a remporté le Prix des Lycéens en 2005, est son dixième roman.
 
Nous apprendrons assez rapidement que ce séisme n’est qu’une des conséquences parmi d’autres d’une explosion nucléaire dont nous ne connaîtrons jamais l’origine. Seuls quelques-uns survivront, dont Malek qui remontera à la surface et rejoindra une petite communauté de survivants.
 
Les rescapés feront-ils preuve de sagesse, de discernement et de bon sens ? Un monde à reconstruire s’offre à eux, mais ont-ils vraiment appris de nos erreurs ? Il y aura autant de réponses à cette question qu’il y a de survivants mais sachez qu’il n’est pas facile pour l’homme d’échapper à sa nature animale, et ce n’est pas Malek, spécialiste animalier des loups organisés en meute, qui le démentira.
 
Si le sujet de ce roman ne brille pas par son originalité (« Malevil » de Robert Merle mais aussi « La route » de Cormac McCarthy ont déjà brillamment traité de l’après-nucléaire), il ne faudrait pas pour autant sous-estimer André-Marcel Adamek qui se révèle une fois de plus un excellent conteur. Sans effet de manche, dans un style simple mais au combien prenant et interpellant, « La grande nuit » se lit d’une seule traite tant il est difficile d’interrompre sa lecture avant le mot fin.
Un vrai bonheur de lecture malgré quelques passages difficiles (les âmes sensibles sont prévenues).  
« De cette grande nuit qui s'était abattue sur la terre, ils se réveilleraient un jour, blessés, difformes sans doute, les mains écorchées et les yeux sans couleur, mais éblouis par la pureté regagnée des limons et des sables. Dans les vestiges du monde des apparences, ils reconnaîtraient la vérité d'un regard ou d'une voix. »

lundi 23 août 2010

Le journal d'un fou, Le portrait et La perspective Nevsky de Nicolas Gogol

Le Journal d'un fou

Poprichtchine, insignifiant fonctionnaire dont le seul talent consiste à tailler les plumes de son supérieur hiérarchique, s’amourache de la fille de ce dernier. N’ayant pas vraiment la stature nécessaire pour se prévaloir d’une telle prétention, Poprichtchine, déjà un peu fêlé de la cafetière, sombre dans la folie la plus totale lorsqu’il se rend compte que les chances de courtiser la belle sont nulles et non avenues. Poprichtchine en mal de grandeur et la couronne espagnole en mal de tête couronnée, notre petit fonctionnaire ne tarde pas à résoudre tous ces obstacles en se prenant pour le successeur du trône d’Espagne. Mais c’est une cour plutôt particulière qui lui rendra ses premiers et derniers hommages.

Lorsque l’envie et l’orgueil se fracassent à la dure réalité de la vie, il ne reste que la folie avec son convoi d’hallucinations et de bouffées délirantes pour suppléer au néant de l’existence.

Le portrait

Tchartkov, artiste fauché mais très prometteur, utilise malgré lui ces dernières pièces de monnaie à l’achat d’un tableau chez un brocanteur. Il s’agit d’un portrait d’un vieil homme au regard extraordinairement vivant, donnant l’impression de suivre des yeux celui qui contemple la toile. La nuit, Tchartkov fait un étrange rêve qui changera à jamais sa destinée.

L’appât du gain se substituant à l’art sans compromission, c’est en vendant son âme au diable que la folie nous rattrape.

La Perspective Nevski

Avenue principale de la ville de Saint-Pétersbourg, la perspective Nevski connait une grande affluence à toutes heures du jour et de la nuit, tant la diversité des flâneurs y est importante. Après cette présentation générale, le narrateur s’arrête un instant sur deux d’entre eux : le jeune Piskariov, peintre naïf et romantique, et le fier Pirogov, lieutenant vaniteux.

Lorsque les rêves et les désirs deviennent des obsessions, conduisant au mieux aux simples brimades, au pire à la folie et à la mort.

Observateur critique de la nature humaine et de la société pétersbourgeoise fortement hiérarchisée, Nicolas Gogol nous conte des histoires aussi étranges que singulières, la fantasmagorie n’étant jamais en reste et s’inscrivant sans peine dans le réel. Ces nouvelles n’auraient pu être qu’amusantes si elles ne révélaient les obsessions et les angoisses conduisant à la folie des hommes, conférant à l’ensemble un climat plus oppressant que burlesque. Trois nouvelles intéressantes et à propos desquelles il y a matière à discuter longuement tant les thèmes abordés y sont nombreux !


mercredi 18 août 2010

Le pingouin d'Andreï Kourkov

Quatrième de couverture

À Kiev, Victor tente péniblement de survivre. Journaliste au chômage, il a adopté Micha, un pingouin dépressif, rescapé du zoo. Lorsqu'un patron de presse propose à Victor de préparer des nécrologies de personnalités encore bien en vie, Victor saute sur l'occasion. Mais voilà que ces personnes se mettent à disparaître à une vitesse alarmante...

Crimes commandités par la mafia ou règlements de comptes politiques ?

Ce roman m’a décontenancée tant je m’attendais à un portait virulent et acide de la société post-soviétique, écrit sur un mode sarcastique déjanté mais néanmoins jubilatoire.

Si l’absurdité des rouages de la société ukrainienne est effectivement bien rendue sur un ton surréalisme et décalé, l’humour « tel que je m’y attendais » n’y avait pas vraiment sa place tant la tristesse et la mélancolie transpiraient à toutes les pages.

Avis en demi-teinte tant j’ai trouvé ce roman souvent longuet et terriblement cafardeux. Sans doute en aurait-il été autrement si mes attentes initiales eussent été différentes, attendant en vain du comique là où il n’y en a jamais eu. Ce roman n’en demeure pas moins original, traitant par l’absurde la déliquescence d’un état post-soviétique avec tout ce que cela entraîne comme lassitude, abattement et apathie désespérante.


lundi 16 août 2010

Un brin de verdure de Barbara Pym

Quatrième de couverture

Avec la discrète Barbara Pym, nous voici au cœur de l'Angleterre : villages écologiques, églises anglicanes hantées par de ténébreux pasteurs à marier et par de malicieuses bigotes, ventes de charité où l'on papote et l'on médit et l'on s'épie, salons de thé, bibliothèques, associations universitaires. Et sur tout le monde, la romancière jette un regard ironique et faussement naïf qui ébranle soigneusement les valeurs les plus solides d'une société sclérosée, un regard impitoyable : celui d'une ethnologue.

Des dialogues sans arrêt, très britanniques, l'air de ne pas y toucher. Barbara Pym a une prédilection pour le petit fait vrai.

Cette présentation de l’éditeur touche à l’essentiel de l’écriture de Barbara Pym : humour subtil et finesse psychologique dans les descriptions des personnages qui se dévoilent au détour d’une pensée ou d’un comportement qui pourraient relever de l’anecdotique s’ils ne démasquaient l’abîme existant entre les apparences souvent trompeuses et les révélations les plus intimes. J’ai beaucoup aimé sa manière de disséquer les petits faits et gestes d’une modeste communauté, de révéler les petites lâchetés, jalousies, rivalités mais aussi rêves enfouis des protagonistes. Et si Barbara Pym a une plume affuté pour dépecer les pensées de tout à chacun, ce n’est jamais sans se démunir d’une certaine bienveillance et sympathie envers ses personnages.

Un très agréable roman qui n’a peut-être pas la prétention de faire partie des meilleurs romans de Barbara Pym mais qui constitue une entrée en matière des plus prometteuses.


[p. 82] Elle était « bien fichue », pensa Emma, et elle avait manifestement été belle – mais le ver était dans le fruit, bien que ce ne fût pas une chose à dire au cours d’un apéritif. C’était certainement le mot « fleur » qui l’avait fait songer au fruit et au ver…

[p. 103 - à l’occasion de la fête des fleurs] « J’aime bien regarder les dames faire des bouquets », dit Adam. « C’était l’un des aspects de mon métier qui me plaisaient le plus ». Tom trouva que c’était une manière inhabituelle de considérer les devoirs d’un pasteur de village, mais il ne fit pas de commentaire.