vendredi 31 mars 2017

Bilan du mois de mars

Mes préférences du mois / Films


Fukushima, mon amour (2017) de Doris Dörrie
Katalin Varga (2008) de Peter Strickland
Shotgun Stories (2007) de Jeff Nichols
Blow out (1981) de Brian De Palma
Obsession (1976) de Brian De Palma
La fugue (Night Moves, 1975) d'Arthur Penn
Solaris (1972) d'Andreï Tarkovski
Jugement à Nuremberg (Judgment at Nuremberg, 1961) de Stanley Kramer




J'ai bien aimé / Films

Lion (2017) de Garth Davis 
Noces (2017) de Stephan Streker
Patients (2017) de Grand Corps Malade et Mehdi Idir
Marie et les naufragés (2016) de Sébastien Betbeder
Kubo et l'armure magique (2016) de Travis Knight
En équilibre (2015) de Denis Dercourt
Avalon (2001) de Mamoru Oshii



Mes préférences du mois / Lecture


Avril brisé d'Ismail Kadaré ***
Dictionnaire amoureux de Saint-Pétersbourg de Vladimir Fedorovski ****
Les Rêveurs du Louvre de Daisuke Igarashi, Shin'ichi Sakamoto, Katsuya Terada, Mari Yamazaki, Chang Sheng, Richard Metson, TK, et Ah Tui ***
Paul à Québec de Michel Rabagliati ****


J'ai ai / Lecture


Station Eleven d'Emily St. John Mandel ***
Les larmes de Pancrace de Mallock ***
Le principe de parcimonie de Mallock ***
Mary Reilly de Valerie Martin **
L'affaire Arnolfini de Jean-Philippe Postel ***
Rouge Karma d'Eddy Simon et Pierre-Henry Gomont ***
Collection Apprendre à philosopher, Platon
Collection Apprendre à philosopher, Nietzche
Collection Apprendre à philosopher, Descartes


mardi 28 mars 2017

Arthur Penn et Melanie Griffith dans Night Moves

Arthur Penn et Melanie Griffith sur le tournage Night Moves (La fugue)

Arthur Penn (1922 - 2010) est un réalisateur américain qui connu de grands succès public et critique mais également quelques échecs. Il a fait tourner les plus grands acteurs : Paul Newman (Le Gaucher), Anne Bancroft (Miracle en Alabama), Jane Fonda & Robert Redford & Angie Dickinson (La Poursuite impitoyable), Warren Beatty & Faye Dunaway (Bonnie and Clyde), Dustin Hoffman (Little Big Man), Marlon Brando & Jack Nicholson (The Missouri Breaks).  

Night Moves, film noir, amer et désenchanté, fait partie de cette catégorie qui n'avait pas réussi à rencontrer son public à sa sortie, en 1975.  Il est vrai que l'intrigue (plus un prétexte qu'autre chose) met du temps à se mettre en place et que l'imbrication des affaires intimes du détective privé Harry (joué par Gene Hackman) pouvait en dérouter plus d'un. Côté action, il faudra attendre la dernière séquence maritime finale pour y trouver son compte, une dernière séquence néanmoins très réussie et qui mérite le coup d’œil. 

Gene Hackman dans Night Moves (La fugue) d'Arthur Penn

Mais pour le reste, l'intérêt est ailleurs, notamment dans les introspections du détective et les sous-intrigues plus psychologiques et sociales, que ce soit entre les protagonistes ou dans le propre passé de Harry, que du côté du regard peu amène du réalisateur envers la société américaine des années 70. Arthur Penn se permet même au passage une critique acérée du système hollywoodien, qui exploite (dans tous les sens du terme) les femmes jeunes et jolies, avant de les jeter comme de vulgaires produits périmés. Alcool, solitude, dépression et goût de lucre à l'arrivée (voir le personnage interprété par Janet Ward, une ex-actrice d'Hollywood aujourd'hui vieillissante et qui n'est autre que la mère de la jeune fugueuse Delly, jouée par Melanie Griffith).  Il met en évidence également la société gouvernée par le fric et la déliquescence familiale et sociale (dans cette Amérique en manque de repère, tout le monde couche avec tout le monde, y compris un ex-beau-père avec son ex-belle-fille),  ce qui donne lieu à un dialogue étonnant et dans lequel Gene Hackman se révèle, une fois de plus, excellent  (ah il faut voir son regard qui en dit bien plus que de longs discours).

Melanie Griffith dans Night Moves (La fugue) d'Arthur Penn

Gene Hackman accompagne par ailleurs excellemment les débutants que sont James Woods et Melanie Griffith.  Fille de Peter Griffith et de l'actrice Tippi Hedren, Night Moves est l'un des premiers films dans lequel participe la jeune Melanie.  Jouant une adolescente de 16 ans en manque d'affection aussi jolie que délurée et pas avare de ses charmes (= assez paumée et en voie de perdition), Melanie Griffith interprète dès ses débuts un rôle qui la catégorisera d'emblée dans celui des jeunes bimbos du septième art (Fear City d'Abel Ferrara, Body Double de Brian De Palma,  Something Wild de Jonathan Demme). Son rôle dans Body Double lui permet d'être nommée au Golden Globes de la meilleure actrice dans un second rôle. Elle rafle en 1989 celui de la meilleure actrice pour son rôle dans la comé­die Working girl de Mike Nichols. Elle connaîtra par la suite une certaine noto­riété et elle apparaîtra au géné­rique de nombreux films dans les années 90. Ces dernières années, il semblerait qu'on parle plus de l'actrice pour ses nombreuses chirurgies esthétiques et ses multiples divorces.  Mais c'est encore sa fille, Dakota John­son, qui semble prendre la relève avec la cul(cul)tissime série de films "Cinquante nuances de ..." .  C'est la dure loi du système hollywoodien et Arthur Penn ne disait pas autre chose dans son film.

Réalisateur : Arthur Penn
Titre original : Night Moves (titre traduit : La Fugue)
Année de sortie : 1975
Pays : États-Unis
Scénario : Alan Sharp
Avec : Gene Hackman, Jennifer Warren, Melanie Griffith, Susan Clark, James Woods, John Crawford, Ed Binns, Harris Yulin.


samedi 25 mars 2017

Extrait de la musique du film Avalon de Mamoru Oshii, composée par Kenji Kawai



L’Orchestre Philharmonique de Varsovie accompagne la cantatrice soprano polonaise Elżbieta Towarnicka sur la musique du film Avalon, composée par Kenji Kawai. 

Sorti en 2001, Avalon du réalisateur Mamoru Oshii est le premier film japonais entièrement tourné en Pologne (je me demande d’ailleurs si ce n’est pas également le dernier à ce jour). Un présent désenchanté et un futur condamné, un jeu vidéo illégal particulièrement addictif, le mythe arthurien et l’île légendaire d’Avalon où reposent les âmes des guerriers, un niveau caché nommé Spécial A ou encore Classe Réelle, des non-revenus (ou morts-vivants) à l’état végétatif dans les hôpitaux, sans oublier les Ombres, les Evêques, le Maître du jeu et les Programmeurs. Un film qui demeure assez opaque malgré plusieurs visions, tant il parvient à brouiller le monde réel et virtuel.

Une référence ? Sans doute du côté du film Stalker du réalisateur Andreï Tarkovski.




jeudi 23 mars 2017

Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa

Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa
Avec Teruyuki Kagawa, Kyôko Koizumi, Yû Koyanagi, Haruka, Igawa Kanji, Tsuda Kazuya, Kojima Inowaki Kai 
Japon, 2008


Tokyo Sonata revient sur le délitement progressif d’une famille japonaise, avec comme point d’appui le licenciement du père. Un père tout honteux d’avoir perdu son emploi et qui se garde bien de le dire aux membres de sa famille, continuant à faire semblant de se rendre tous les jours au bureau alors qu’il occupe son temps comme il peut avec une ancienne connaissance, lui-même au chômage depuis trois mois. Pendant que le fils ainé s’absente de plus en plus souvent de la maison, tout en exprimant son envie de s’engager dans l’armée américaine, c’est le plus jeune qui détourne l’argent destiné à la cantine de son école pour payer en cachette ses cours de piano. Quant à la mère, plus volontiers à l’écoute des besoins exprimés par ses enfants que le père, plus intransigeant et sectaire, elle semble tout simplement au bord du gouffre et bien dépassée par les événements.   

Les mensonges, les faux-semblants, la lâcheté, l’importance de sauvegarder les apparences... voilà un père qui a bien du mal à se redéfinir en dehors des rôles dévolus traditionnellement aux hommes par la société japonaise.  Ce sont finalement les enfants qui se révèlent les moins dupes et les plus courageux. Mais c’est encore le personnage de la mère qui se développe de la manière la plus surprenante, avec une dernière partie absolument inattendue, drôle et tragique à la fois. Ah il faut l’entendre aussi quand elle assène à son mari, sur un ton sans appel, un « j’emmerde ton autorité », moment charnière du film. Qui n’est pas dépourvu, ici et là, de petites touches d’humour.  

L’épilogue est de toute beauté, une façon comme une autre de se terminer sur une bien jolie note : à défaut de pouvoir tout reprendre à zéro, il n’est jamais trop tard pour évoluer, quitte à aller à l'encontre des schémas préétablis par un ordre moral, sociétal ou paternel en faillite. Comme il n'est jamais trop tard pour apprendre à mieux écouter l’autre.  

Troisième incursion dans la filmographie de Kiyoshi Kurosawa (après Shokuzai et Vers l'autre rive), et une nouvelle fois totalement convaincue par la proposition du réalisateur.  



lundi 20 mars 2017

Le peintre Jan Mankes

Jan Mankes (1889-1920) est un peintre néerlandais. Il réalise environ deux cents peintures, une centaine de dessins et une cinquantaine de copies d'œuvres, avant de mourir de la tuberculose à l'âge de trente ans. Il s'exerça à des genres picturaux variés : autoportrait, paysages et peinture animalière. Son œuvre est aujourd'hui essentiellement exposée aux Pays-Bas. Il est parfois rattaché au courant réaliste symbolique. En utilisant la peinture à l'huile, il parvenait à créer une impression de transparence, notamment en travaillant avec le blanc, donnant un lustre perlé à la couleur par des touches au pinceau doux.

Source : wikipedia
















samedi 18 mars 2017

Les marais de Dominique Rolin

Entre les murs d’une sombre bâtisse, Madame Tord et ses cinq enfants subissent quotidiennement la tyrannie d’un patriarche en mal de reconnaissance. Comme chaque jour, après le déjeuner de huit heures du matin dans la salle à manger où l’attendent ses cinq enfants, Monsieur Tord s’enferme dans son bureau en claquant la porte derrière lui. Les enfants sont priés de demeurer silencieux : le père travaille. Et gare à celui qui dérangera le père, jamais avare de coups de fouet, de gifles ou de coups de pied.     Sur les cinq enfants, seuls Ludegarde, Alban et la petite Barbe, plus indépendants, tentent d’échapper à l’atmosphère oppressante de la maison Tord. Ce qui n’empêche pas chacun d’être emmuré dans un silence et une grande solitude : peu de paroles échangées et beaucoup de non-dits, d’incompréhensions, de tyrannies contagieuses. Si la communication ne passe pas par le langage, il passe par la violence des corps, la rudesse, dans le décryptage des silences aussi. L'arrivée du jeune cousin violoniste ne changera rien à cet état de fait :

Elle ressentait pour ce garçon taciturne une attirance étrange. Lorsqu’elle était éloignée de lui, elle voulait le voir. Lorsqu’ils se trouvaient ensemble, elle aimait le blesser, mais elle parvenait rarement à constater la profondeur des blessures provoquées, car Ur ne laissait jamais transparaître la moindre émotion sur son visage.

L'une des manières de fuir cette ambiance sourde sera de se réfugier dans un monde imaginaire aux dimensions insolites. Pourtant les événements auront raison de chacun d'eux : la mort accidentelle de la petite Barbe, la fuite de Ludegarde qui cherche à se délivrer des « marais » de son enfance, la départ d’Alban auprès d’une jeune femme rencontrée au hasard de ses fugues, tout cela parviendra à briser leur rêve de liberté et l’univers visionnaire qu’ils s’étaient créés. Irrésistiblement, la maison Tord les ramènera, vieillis et désenchantés, entre ses murs.   

Ce roman possède une atmosphère toute particulière, on a parfois l’impression d’être transportée dans une sorte de rêve éveillé qui nous plonge dans une ambiance onirique, à l’orée du fantastique, du symbolisme et du conte.  Il a même exercé sur moi une sorte d’aura hypnotique très étrange qui me poussait à tourner les pages les unes à la suite des autres, sans pouvoir me détacher de ma lecture avant sa fin.   Un roman sur l’enfance meurtrie, sur la difficulté d’être à la fois à ce point unis et déchirés à l’intérieur d’une famille de laquelle on ne peut fuir.


Extrait de l'avant-propos du roman par Dominique Rolin

Lettre imaginaire à l'auteur de ce livre       

Tu as vingt-neuf ans en 1942 lorsque paraît ton premier roman, composé quatre ans plus tôt d'un seul trait. Je n'ai jamais désiré le relire. Je ne relis jamais aucun de mes livres d'ailleurs : j'éprouve à leur égard la plus grande méfiance. Je les laisse se ranger d'eux-mêmes hors des contraintes de ma mémoire, là où ils peuvent sommeiller ou s'agiter librement : leur existence ne dépend plus de ma volonté d'écrivain.  
  

Quatrième de couverture

Il y a des familles sur lesquelles le malheur et la fatalité pèsent plus lourd que sur d’autres. Car le drame qui se joue au sein de la maison Tord est le pire de tous : celui qui se répète de génération en génération, imperceptiblement, sans répit.


Quelques mots sur l'auteur Dominique Rolin 

Dominique Rolin est un écrivain d’origine belge née en 1913 à Bruxelles et décédée en 2012 à Paris.  Auteur prolifique, Les marais est son premier roman, écrit entre 1939 et 1940. Il fut publié pour la première fois sous forme de feuilleton dans la revue Cassandre, avant d’être remarqué par l’éditeur français d’origine belge Robert Denoël, qui transmettra les épreuves à ses amis Jean Cocteau et Max Jacob, rapidement tombés sous le charme de la finesse et de la qualité surprenante de son écriture. Il sera d’ailleurs vite publié aux Éditions Denoël en 1942.  Cette première publication lance sa carrière littéraire et lui permet de s’installer définitivement à Paris à la fin de la guerre. Elle publie par la suite un roman tous les deux ans et reçoit le prix Femina en 1952 pour Le Souffle. Elle est également élue en 1988 à l'Académie Royale de Belgique, où elle succède à Marguerite Yourcenar en qualité de membre étranger, ayant adopté la nationalité française.  Elle publie près d'une quarantaine d'ouvrages parmi lesquels : Le Lit (1960, Denoël) ; Trente ans d'amour fou (1988, Gallimard) ; La Rénovation (1998, Gallimard) ; Journal Amoureux (2000, Gallimard). Les thèmes récurrents de Dominique Rolin sont la mort, le drame familial, l'amour, le couple et la solitude. Le Grand Prix Thyde Monnier de la Société des gens de lettres pour l’ensemble de son œuvre lui est décerné en 1991.

Les marais de Dominique Rolin, Éditions Luc Pire, Collection Espace Nord, Août 2008, 233 pages.

mardi 14 mars 2017

Lion de Garth Davis

Lion de Garth Davis
Avec Dev Patel, Rooney Mara, Nicole Kidman, David Wenham, Nawazuddin Siddiqui, Tannishtha Chatterjee 
Australie, Royaume-Uni, États-Unis  - Sortie 2017


Synopsis

Au milieu des années 80 en Inde, Saroo vit dans la plus extrême pauvreté. A 5 ans, il est séparé de sa famille et se retrouvé sans domicile fixe dans les rues de Calcutta. Bientôt recueilli par une famille australienne, il apprend l'anglais, intègre une autre culture, loin de ses origines. Devenu adulte, Saroo décide de retrouver la trace de sa mère... Adapté du récit autobiographique de Saroo Brierley. 


Mon avis

Il s'agit de la première réalisation de l'australien Garth Davis, qui s'est fait connaître grâce à la télévision en réalisant quelques épisodes de la série Top of the lake. En adaptant le récit autobiographique de Saroo Brierley, le réalisateur nous livre un mélodrame de facture très classique dans sa mise en scène mais soignée au niveau de la reconstitution. L'histoire à elle seule possède un fort potentiel lacrymal mais il faut reconnaître que le réalisateur arrive à doser plus ou moins ses effets, du moins dans une bonne partie du film (sur la fin, c'est tout autre chose, mais j'y reviendrai). 

Véritable épopée sur fond de quête identitaire, ce film est aussi et avant tout un hymne à la mère, qu'elle soit biologique ou adoptive. Si j'ai eu beaucoup de mal à m'habituer au visage botoxé et à la perruque frisée improbable de Nicole Kidman au début de la seconde partie du film, il faut reconnaître qu'elle est très émouvante dans ce rôle. Le jeune Sunny Pawar est une bonne surprise et je ne m'étais jamais rendue compte à quel point Dev Patel avait un si joli sourire (ça compte dans le métier). J'ai trouvé que le film fonctionnait plutôt bien, du moins jusqu'à la fin, qui aurait mérité un traitement plus sobre et plus dépouillé : déjà trop démonstrative à la base, la fin est agrémentée d'une (courte) séquence de téléréalité mettant en scène les vrais protagonistes de l'histoire. Ouille, ouille, ouille. Je garderai pour moi les noms d'oiseaux qui me viennent en tête mais c'est déplacé, impudique, voyeur. De la téléréalité donc. Mais pour le reste, ce mélodrame classique tient toutes ses promesses, pour peu qu'on aime le genre, bien évidemment.