lundi 20 novembre 2017

Le Joueur d'échecs de David Sala, d'après Stefan Zweig

Présentation de l'oeuvre chez Casterman

Les premiers pas furent un fiasco, je n'arrêtais pas de m'embrouiller, cinq, dix, vingt fois, je dus reprendre le début de la partie. Mais j'avais tout mon temps... Moi, l'esclave du néant... 

1941. Dans les salons feutrés d'un paquebot en route pour l'Argentine, le champion du monde d'échecs affronte lors d'une ultime partie un aristocrate viennois, dont l'incroyable maîtrise du jeu est née dans l'antre de la tyrannie. Cette dénonciation poignante et désespérée de la barbarie nazie est le dernier texte écrit par Stefan Zweig avant son suicide.


Mon avis

Ce dernier récit de Stefan Zweig, écrit depuis sa retraite de Pétropolis, sur les hauteurs de Rio de Janeiro, est également le seul et unique texte de l'auteur qui se réfère directement à l'histoire contemporaine, sans la transposer. Une atmosphère de suspense et de confrontation, nourrie par un arrière-plan historique, celui du nazisme et de la Gestapo,  mettant en scène un aristocrate viennois qui a appris à jouer "mentalement" aux échecs pour mieux surmonter les conséquences psychologiques de son enfermement dans l'isolement complet d'une chambre d'hôtel.  Des parties mille fois rejouées, qui sont autant de tentatives pour lutter contre l'entreprise de déshumanisation des nazis,  mais menant progressivement au seuil de la folie. Rejouer une ultime partie, après sa libération, face au champion du monde d'échecs, ne sera pas sans danger...

Cette adaptation de la nouvelle de Stefan Zweig est une oeuvre d'art à part entière. La beauté des aquarelles de David Sala, qui compense par la diversité des couleurs (vert, rouge, mauve, rose) la noirceur du texte, donne une légèreté, un flou et une luminosité bienvenue au récit.  Tout en respectant la nouvelle de Stefan Zweig, David Sala arrive à rendre en images les affres de l'enfermement en quelques séquences visuelles qui ne sont pas décrites dans le texte mais qui illustrent brillamment la solitude et le désespoir du personnage principal, aux confins de la folie. Un univers visuel qui est également un hommage à l'Art Nouveau ou encore à l'Art dégénéré (selon les nazis) des peintres tels que Gustav Klimt ou Egon Schiele (voir liens en fin de page). Le motif récurrent du damier des décors procure également un sentiment d'étouffement et d'aliénation très bien rendu.

David Sala est un artiste de talent et nous le prouve une nouvelle fois avec ce petit bijou que constitue cette très réussie adaptation en images du Joueur d'échecs d'après Stefan Zweig.




Sur ce blog, vous trouverez également :

* David Sala et son adaptation de La Belle et la Bête, d'après Jeanne-Marie Leprince de Beaumont
* Le portrait chez Egon Schiele
* Stefan Zweig : Fouché, Marie Stuart, La peur
* Gustav Klimt : Portrait de Sonja Knips et Ondines



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