samedi 1 janvier 2011

Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil de Haruki Murakami

« Abandonnant l’espoir d’être un jour quelqu’un de spécial, je devins un être ordinaire. »

Un homme ordinaire qui a réussi sa vie familiale et professionnelle, qui se rend régulièrement à la piscine et qui conduit une BMW en semaine et une Cherokee le week-end. Mais tout le monde sait bien qu’une vie trop confortable peut vite sembler creuse et monotone.

« En voyant mes filles grandir peu à peu, je me rendais compte que je vieillissais. Indépendamment de ce qui occupait mes pensées, les filles grandissaient. Je les aimais, bien sûr. Les voir pousser était un grand bonheur pour moi. Mais, par moment, en constatant leur changement si rapide, de mois en mois, je me sentais oppressé. C’était comme si un arbre poussait à l’intérieur de moi, étendait ses branches, ses racines, s’enfonçait dans ma peau, mes os, ma chair et mes entrailles pour assurer sa propre croissance, et se faire une place de force. Parfois, cette pensée m’accablait tellement que j’en avais des insomnies. »

La réapparition de son premier amour d’enfance, la très belle et mystérieuse Shimamoto-san, bousculera cette vie si bien rangée. Et ce n’est pas l’amour de/pour son épouse qui l’empêchera de succomber au charme de ce premier amour qui contenait aussi les premiers germes de ses fantasmes sexuels encore balbutiants à l'époque.

« Je ne savais pas que parfois un être humain peut en blesser un autre, par le seul fait d’exister et d’être lui-même. »

Haruki Murakami nous parle tout simplement du temps qui passe, des empreintes du passé, de nos désillusions mais aussi de nos ajustements et de nos accommodements. Et si nos manques nous définissaient autant que nos succès ? Leurs assouvissements sont-ils si nécessaires ? Surtout lorsqu’ils se font au détriment des êtres chers ? Mais à qui faut-il être fidèle ? A sa famille ou à soi-même ? Et si les deux se confondaient ? L’auteur nous invite à une jolie balade introspective où la passion et la raison se disputent une réalité imparfaite et par cela, toujours vulnérable.

« Il me semble que j’ai toujours essayé d’être quelqu’un d’autre. Il me semble que j’ai toujours voulu aller vers des gens et des lieux nouveaux et différents, pour m’inventer une vie nouvelle, devenir un être au caractère différent.

Mais pour finir, je ne suis arrivé nulle part. Je suis demeuré moi-même. Mes défauts restaient irrémédiablement les mêmes. Les paysages avaient beau changer, les échos, les voix différer autour de moi, je n’étais toujours rien d’autre qu’un être humain imparfait. J’avais les mêmes manques en moi, qui suscitaient une violente avidité d’autre chose. Une soif et une faim insatiables me torturaient, comme certainement, elles continueront de le faire. Parce que, en un sens, ces manques font partie de moi-même. Je le sais maintenant. »

Un roman tout en finesse, charmant, torride et languissant à la fois.

« Tout s'est trop bien déroulé jusqu'ici, nous étions sans doute trop heureux. Tu ne crois pas ? »


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