vendredi 21 juillet 2017

Sortilèges de Michel de Ghelderode

Aujourd’hui, c'est la fête nationale belge. Une façon comme une autre de marquer le coup est de rendre hommage à un de nos auteurs. Place donc à Michel de Ghelderode et à ses sortilèges et autres contes crépusculaires, lus il y a quelques années. Mais je profiterai bien de cette nouvelle édition pour y revenir prochainement. Et poursuivre ma découverte, car d'autres textes viennent d'être réédités  récemment chez Espace Nord.



Quatrième de couverture

Chef d’oeuvre narratif de Michel de Ghelderode, Sortilèges est l’unique ouvrage fantastique du dramaturge devenu conteur. Délaissant le théâtre au profit du conte, Ghelderode écrit avec Sortilèges et autres contes crépusculaires un recueil inquiétant et fantastique. Un des personnages rencontre le diable au coeur de Londres, pendant qu’un autre enferme le démon dans un bocal. Un chat hante le jardin d’une maison étrange et les statues s’animent, se confondent avec le narrateur. Les ambiances cauchemardesques se côtoient et la Mort se laisse distraire de ses victimes. Ces textes condensent tout l’univers de Michel de Ghelderode dans une prose pleine d’épouvante et de frissons, mais surtout peuplée des lancinantes angoisses du célèbre dramaturge.

Sortilèges de Michel de Ghelderode, Editions Espace Nord, juin 2016



Mon avis

Auteur belge d’origine flamande mais d’expression française, Michel de Ghelderode (1898-1962) est surtout connu pour ses pièces de théâtre (La Balade du Grand Macabre, Fastes d'Enfer, La Farce des ténébreux). Comme leurs titres l’indiquent, l’auteur privilégie les thématiques récurrentes que sont la mort, les ténèbres, le monde du rêve et de l’imaginaire, la peur, l’angoisse et la déchéance.

Ce recueil de nouvelles ne contredira pas l’œuvre théâtrale tant nous y retrouvons les mêmes obsessions. Mais d’abord abordons le style de Michel De Ghelderode : très belle écriture poétique mais encore faut-il ne point pécher par excès tant cette écriture peut parfois mener à un certain raffinement un peu précieux si pas affecté.

Si l’ensemble du recueil présente une merveilleuse unité dans le style et les thématiques abordées, conférant par là une grande aisance dans la lecture, les nouvelles sont malgré tout loin d’être aussi réussies les unes que les autres.

Il n’empêche, de véritables petites pépites jalonnent ce recueil, dont les excellents « Le jardin malade » et « Tu fus pendu ». Paradoxalement, c’est une des moins intéressantes nouvelles, « Sortilèges », qui donne le titre au présent recueil, comme quoi…

Pour en revenir au contenu, beaucoup de thématiques funestes s’en donnent donc à cœur joie : les masques et les fausses apparences, la décrépitude et la putréfaction, l'isolement et l’abandon, l'insondable, le rêve et les fantasmagories, la contagion et l'envahissement... mais surtout cette mort omniprésente, cette mort en mouvement, cette mort récalcitrante, cette mort qui nous hante, qui nous tente et nous fait peur, cette mort qui se joue de nous.

La Mort et les masques, James Ensor (1897)

Et puis aussi ce rire fugace et tragique à la fois, parfois malicieux, souvent grimaçant tels ces masques de carnaval à faciès drôles et inquiétants à la fois.


Extraits

Pareille à une vague dressée et suspendue sur moi, la végétation me menace ; je serai roulé en elle, avec des silex et des ossements, un jour... Ma volonté mollit sous l'action de la chaleur. On ne saurait assez prendre garde aux lieux où l'on s'établit. 

Quelles herbes, connues des nécromants, fait naître cet humus et pourquoi cette végétation reste-t-elle moite et suante, comme si la sève ne circulait pas en ses réseaux, mais bien la charnelle putréfaction qu'elle pompe dans ce terroir funéraire ? J'imagine que ses racines traversent des cages thoraciques ; je songe, non sans perversité mentale, à tout ce que le sol peut contenir qu'on ne déblaya jamais. Vais-je resté hanté par ce cimentière ? Tout m'y ramène : cette odeur d'iodoforme induisant l'esprit à funèbres pensers et exprimée de tout : des pierres, des plantes, de moi-même ; les phosphorescences nocturnes ; ces plaintes, ces complaintes, comme si l'on officiait quelque part, au plus profond de la nuit. Il s'en faudra de peu ou je m'hallucinerai. 

[...] que j'eusse aimé être Pilatus, dans un éternel silence : un homme oublié des hommes, qui sait écrire merveilleusement et qui n'écrit jamais, sachant que tout est vanité. 



Présentation de l'auteur


Auteur de quatre-vingts pièces, d’une centaine de contes et de poèmes, Michel de Ghelderode (Bruxelles, 1898-1962) a connu un immense succès auprès du public avec La Balade du Grand Macabre, Mademoiselle Jaïre et Barabbas. Ses pièces triomphent à Paris dans les années 1947-1953 et Ghelderode meurt au moment où l’Académie suédoise avait décidé de lui décerner le prix Nobel.

Source : Espace Nord, Michel de Ghelderode





Bibliographie sélective :



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