vendredi 9 septembre 2011

Des vies d'oiseaux de Véronique Ovaldé

Mais qui saura d’où je viens ?
 
Une douce mélancolie en toile de fond saupoudrée de quelques touches d’humour teintées de tendres ironies, l’auteur nous emmène une nouvelle fois dans un pays imaginaire de l’Amérique latine, vaste territoire offrant tous les contrastes (géographiques, climatiques, sociaux) propices au déploiement de l’imagination de l'auteur.
 
Ce roman commence là où se terminent en général les contes de fées : un beau prince charmant sort sa princesse d’une ville pouilleuse au milieu du désert pour l’emmener dans son château de la Coline Dollar. Vingt ans ont passé, le beau prince charmant s’est transformé en roi toujours aussi clinquant que superficiel et creux, le palais de la reine vacille tandis que la princesse, leur fille Paloma de 18 ans, s’est fait la malle avec un mauvais garçon.
 
Vida s’est demandé, « Mais d’où vient-il ? D’où vient ce drôle de garçon ? ». Alors que ce n’était pas du tout la bonne question, la bonne question était, « Mais où va-t-il emmener ma fille ?
 
C’est que la Reine Vida a payé le prix fort pour s’extraire de sa condition sociale : femme docile, atone (au point qu’elle aimerait se glisser dans le jardin et disparaître entre les pierres et les agaves dans ses voiles verts), elle s’est contentée de vivre à l’ombre de son mari qui ne s’est jamais intéressé à autre chose qu’aux apparences. La blessure occasionnée par la fuite de Paloma va fissurer à tout jamais cette cage dorée. L’arrivée du lieutenant Taïbo, venu constater que des intrus s’étaient installés sans rien voler dans la somptueuse villa de Villanueva en l’absence du couple, ajoutera sa pierre à ce bel édifice branlant...
 
L’importance des origines et de la transmission, les liens familiaux et conjugaux, la rupture nécessaire pour se débarrasser de ses derniers oripeaux, l’envol indispensable pour déployer ses ailes, l’émancipation des femmes tout simplement.
 
Il n’y a donc jamais d’autre solution que de partir.

Véronique Ovaldé aime ses personnages et nous les aimons à travers elle. Notamment Taïbo, ce flic placide à l’empathie encombrante qui n’aime pas poser des questions qui fâchent, souffrant par ailleurs d’un chagrin d’amour qui dure depuis 10 ans. Un homme tranquille mais néanmoins résolu qui sait regarder ce qui l’entoure.
 
Quel beau roman de la rentrée littéraire 2011, peut-être le meilleur à ce jour de Véronique Ovaldé, qui passe à la vitesse supérieure. Nous ne sommes plus dans la fable comme dans son précédent roman : les personnages nous sont plus proches, plus réels, plus palpables, il n’y a plus ce miroir sans tain qui pouvait frustrer certains lecteurs à la lecture de son précédent roman, Ce que je sais de Vera Candida

Mention spéciale pour l’écriture qui contient beaucoup d’incises intercalées entre parenthèses, l’art de la digression qui donne toujours sens, qui précise ce qui a été dit précédemment en apportant une nuance bienvenue, un éclaircissement ou au contraire une interrogation.
 
Une très belle réussite et un très bon moment de lecture. 

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