lundi 13 février 2012

Lune de loups de Julio Llamazares


Quatrième de couverture
 
Quatre jeunes gens traqués par la haine fratricide tâchent de survivre dans la montagne, cachés dans les cavernes et les bois. La guerre civile passe au fond de ce récit avec sa cohorte de détresse, de violence et de mort. Mais au fond seulement. L’histoire de ces hommes, de ces animaux nocturnes et solitaires, est plutôt celle d’un mauvais rêve, celle d’un voyage intérieur vers les sources mêmes du lyrisme et de la transfiguration poétique du réel. Loin de nous enfermer dans la nuit sans issue d’un maquis condamné, le récit ouvre sur un autre monde, moins visible et plus incarné à la fois, plus élémentaire et plus dense.
 
Hommage à ces hommes de l’ombre refusant de se rendre aux franquistes en se cachant pendant des années dans les montagnes, ce premier roman est de toutes les fébrilités : de la détermination jusqu’au boutisme dans l’âpreté et la privation à la chasse à l’homme et aux jeux de cache-cache, « Lune de loups » de Julio Llamazares tire sans cesse sur le fil ténu de la déraison et de la perdition.
 
Roman sur la fuite, l'abandon, la solitude et la peur, roman sur le temps qui passe et la mémoire des hommes, roman sur la mort qui ne cesse de guetter ses proies, il est aussi avant tout porté par une belle écriture poétique, sombre et dense à la fois.
 

« À midi, la pluie qui s’est calmée, la boue qui a envahi la rivière et les chemins, les aboiements des chiens et les cloches de La Llánava, entrent me chercher jusqu’au fond de la grotte, jusqu’au coin glacial où, des heures durant, j’ai essayé en vain d’oublier le glapissement de ce chien qui se nourrit de sang à l’intérieur de mon cœur.
Devant la porte de ma maison, sous les parapluies, les gens attendent la dernière sortie de mon père. Ils sont comme des ombres noires, gommées par la pluie et la distance à travers les jumelles. Des ombres lointaines, sûrement en train de commenter à voix basse ce que tout le village doit déjà savoir : que moi, hier au soir, je suis allé là-bas. Que moi, hier au soir, pendant qu’ils dormaient, tandis que le vent frappait sur leurs carreaux et que les chiens hurlaient dans leurs étables, pressentant l’arrivée de la mort, j’ai abandonné ma cachette dans les entrailles de la forêt, j’ai traversé les cercles concentriques de la nuit et de l’oubli, et, subitement, je me suis présenté dans ma maison afin de dire un dernier adieu à cet homme qui en sort à présent, sur les épaules de ses voisins, pour n’y jamais revenir. »

Un auteur à suivre de près ! 




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