mercredi 17 juin 2015

L'oeuvre de Dieu, la part du Diable de John Irving

Quatrième de couverture

« Ici à Saint Cloud’s, nous n’avons qu’un seul problème. Il se nomme Homer Wells. Nous sommes parvenus à faire de l’orphelinat son foyer, et c’est cela le problème. » Dans l’orphelinat de Saint Cloud’s, l’excentrique Dr Larch officie de manière très spéciale. Il assure « l’œuvre de Dieu » en mettant au monde des enfants non désirés et réalise « la part du Diable » en pratiquant des avortements clandestins. Homer Welles, jeune orphelin et protégé de Wilbur Larch, ne se voit pas vivre ailleurs qu’à Saint Cloud’s. Auprès de ce dernier, il va apprendre le « métier » et peu à peu tracer son chemin en s’éloignant avec audace des plans du docteur.

N’ayant plus lu John Irving depuis « Je te retrouverai » (traduit en français en 2006 et lu en 2007), l’envie de revenir vers cet auteur me titillait depuis longtemps. Et c’est en tombant sur cette très belle édition Poche de la collection Signatures chez Points, incluant une préface inédite de Jean-Michel Guenassia, que je me suis laissée tenter par la lecture de ce livre assez épais (plus de 800 pages mais qui se lisent très facilement), considéré par beaucoup de lecteurs comme l’un de ses meilleurs romans*. Et ce n’est pas moi qui le contredirai, tant j’ai retrouvé tous les ingrédients des romans les plus réussis de John Irving : des personnages hauts en couleur et extrêmement attachants, une sexualité souvent peu satisfaisante mais n’empêchant aucunement les sentiments amoureux intenses et durables de s'épanouir, une culpabilité persistante qui n’exclue pas pour autant la possibilité de s’accomplir du mieux possible, et un humour jamais absent

Un des thèmes majeurs de John Irving, à savoir la paternité sous toutes ses formes possibles et imaginables, résonne également de manière très particulière tout au long de ce récit. Avec en toile de fond deux romans de Charles Dickens : David Copperfield et Les Grandes Espérances.  Dickens n'étant rien d'autre que l’auteur par excellence des petits orphelins et sans aucun doute un des pères spirituels de John Irving, qui lui rend ici un superbe hommage. Sans oublier le roman Jane Eyre de Charlotte Brontë, donné en lecture aux orphelines de Saint Cloud’s,  avant qu’elles ne s’endorment.

Mais le propre du roman est sans nul doute une défense ardente du droit des femmes à l’avortement, totalement illégal à l’époque du récit mais  constituant un sujet toujours aussi d’actualité de nos jours. Cité dans la préface, une interview de l’auteur : « Je suis convaincu que la résistance principale aux droits des femmes à l’avortement est fondé sur la conviction que des jeunes filles qui sont sexuellement actives et qui tombent enceintes doivent payer les conséquences. Il y a, derrière cette résistance au droit le plus strict, un état d’esprit punitif, critique et puritain. » Ou encore, à travers la voix du Dr Larch : « Comment peux-tu te sentir libre de refuser d’aider des êtres humains qui ne sont pas eux-mêmes libres d’obtenir d’autre aide que la tienne ? »

Il parait que John Irving a cité plusieurs fois ce roman comme étant son préféré, et ma foi cela ne m’étonnerait guère tant il distille toutes les préoccupations de l’auteur avec tellement d’humanité, d’empathie et de générosité. Et je dois bien avouer que John Irving m’a encore complètement cueillie sur la fin, tant je n’ai pas pu m’empêcher de verser de grosses larmes sur le destin de nos héros, et plus particulièrement sur celui de Melony, cette mastodonte tellement pleine de colère mais d’une fidélité finalement exemplaire.

Un grand coup de cœur !

* L'âge d'or du romancier étant habituellement situé entre 1978 et 1989, avec chronologiquement Le Monde selon Garp (The World According to Garp, 1978), L'Hôtel New Hampshire (The Hotel New Hampshire, 1981), L'Œuvre de Dieu, la part du Diable  et Une prière pour Owen (A Prayer for Owen Meany, 1989).

Ce roman a été adapté par Lasse Hallström et a obtenu deux Oscars, dont celui du Meilleur scénario adapté pour John Irving. 

☆☆☆☆☆

L'oeuvre de Dieu, la part du Diable (The Cider House Rules, 1985) de John Irving, Jean-Michel Guenassia (Préface), Françoise Casaril (Traduction), Guy Casaril (Traduction),  Éditions Points Collection Points Signatures, 11 septembre 2014, 821 pages



4 commentaires:

  1. un roman que j'ai énormément aimé et relu plusieurs fois
    je l'ai fait lire largement autour de moi et il a toujours rencontré des lecteurs enthousiastes
    le film est sympa mais pas vraiment à la hauteur du livre à mon goût

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    1. Je n'ai jamais vu le film et je ne pense pas le faire non plus, je tiens vraiment à ce que les personnes vivent en moi sans avoir les visages des acteurs qui se superposent. C'est en tout cas un superbe roman d'amour et d'amitié (comme toujours).

      Merci de votre visite Dominique !

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  2. Une petite cloche sonne maintenant dans ma tête pour me rappeler que je n'ai encore jamais lu le moindre John Irving. Merci ! ;)

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    1. Alors je ne peux que te conseiller de puiser dans les fameux romans parus durant son âge d'or ! Parmi eux, il me reste à lire L'Hôtel New Hampshire, qui est peut-être même son meilleur. Mais je relirai avant Une prière pour Owen, rien que pour mon plaisir ;-)

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