mercredi 26 avril 2017

Ghost in the Shell de Rupert Sanders

Ghost in the Shell de Rupert Sanders
Avec Scarlett Johansson, Michael Pitt, Takeshi Kitano, Michael Wincott, Juliette Binoche, Pilou Asbæk, Kaori Momoi 
États-Unis, 2017


Synopsis

Dans un futur proche, le Major est unique en son genre: humaine sauvée d’un terrible accident, son corps aux capacités cybernétiques lui permet de lutter contre les plus dangereux criminels. Face à une menace d’un nouveau genre qui permet de pirater et de contrôler les esprits, le Major est la seule à pouvoir la combattre. Alors qu’elle s’apprête à affronter ce nouvel ennemi, elle découvre qu’on lui a menti : sa vie n’a pas été sauvée, on la lui a volée. Rien ne l’arrêtera pour comprendre son passé, trouver les responsables et les empêcher de recommencer avec d’autres. 


Mon avis

L’adaptation du manga Ghost in the Shell de Mamoru Oshii par Rupert Sanders est nettement plus fidèle dans la forme (quelques scènes clés sont scrupuleusement respectées) que dans le fond. Alors que le film d’animation était plutôt destiné à un public de niche à tendance geek, fasciné par son propos volontairement hermétique suscitant chez le spectateur maintes réflexions sur l’apparition mystérieuse, excitante et inquiétante d’une nouvelle forme de conscience (nous projetant donc vers le futur dans un mouvement allant de l’avant), le film de Rupert Sanders s’adresse quant à lui à un plus large public, revenant à des enjeux sans doute moins ambitieux et plus balisés. Ce qu’il perd en complexité, il le gagne en compréhension et il va même jusqu’à nous proposer un mouvement inverse, que je qualifierai de retour vers le passé, puisqu’il s’agit ici avant tout d’une quête identitaire posant son socle sur la mémoire et la recherche de son histoire individuelle. 

Nous sommes donc presque à l’opposé de l’original ! Ce parcours inversé et cette simplification ne m’ont pourtant pas gênée, car il ne manque pas de substance pour autant, le film nous amenant à  nous interroger sur des questions philosophiques assez intéressantes, comme la part de l’esprit et de la matière dans la construction de notre identité, le pouvoir et la violence, l’évolution de la connaissance technique qui ne fait que progresser sans que l’éthique ou la morale suivent, mais aussi la vérité comme dévoilement et enfin le concept de liberté, qui ne peut que s’acquérir dans la connaissance de notre rapport au monde avec tout ce qui nous rattache à notre personnalité, notre filiation et notre humanité, et dont l’accès ne peut se faire qui via de multiples transgressions. Ce retour à la matrice, à la mère, à la terre, ce questionnement quant à son identité lorsque la mémoire est falsifiée, mais aussi le recours au mythe de Prométhée modernisé et dans lequel le créateur posera un acte sacrificiel pour protéger sa créature, sont donc des concepts totalement neufs dans cette adaptation. Certes, tous ces thèmes sont à peine effleurés mais ils ont déjà le mérite d'exister.

Pour en revenir à la forme, les influences sont nombreuses et très facilement repérables. Est-ce un problème ? Pas forcément, tant l’ensemble est séduisant et ne manque jamais de cohérence.

Quelques mots sur les acteurs. Pilou Asbæk fait son job mais il le fait très bien. J’étais très contente de retrouver l’actrice japonaise Kaori Momoi (dans le rôle de la mère biologique), une star au Japon et que j’ai vue dernièrement dans Fukushima, mon amour (Grüße aus Fukushima) de Doris Dörrie.  Et Scarlett Johansson dans tout ça ? J’avoue que je n’ai jamais été une grande fan de cette actrice, son apparence froide ne parvenant jamais à m’émouvoir. Force est de constater qu’elle est absolument parfaite pour ce rôle, à voir absolument en VO pour savourer sa voix sexy, qui donne tout de suite une autre dimension à sa plastique cybernétique. Contente aussi de revoir Juliette Binoche et Takeshi Kitano, même si ce ne sont pas eux qui remportent la palme côté interprétation.

Alors certes, Ghost in the Shell de Rupert Sanders est un divertissement haut de gamme et ce qu’il perd en poésie, métaphysique et opacité, il le gagne en efficacité et en beauté visuelle. Il n’empêche, j’ai savouré ce film avec gourmandise et on peut apprécier la nouvelle monture même lorsqu’on fait partie des fans de la première heure.  A voir au cinéma (pas vu en 3D par contre).  



 

12 commentaires:

  1. très bon article complet et puisque tu parles de geek je vais publier un commentaire sur le film Italien "on l'appelle JEEG robot" qui sortira début mai
    bonne continuation

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Alex ! Curieuse de lire ton commentaire, d'autant plus que je n'ai jamais entendu parler de ce film avant ce jour. A bientôt.

      Supprimer
  2. Bon, c'est pas mon trip tout ça ..... :-)
    Pas fan de la Scarlett non plus, je passe donc.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah si c'est pas ton genre, vaut mieux éviter, c'est certain :-)

      Supprimer
  3. Tu connais mon opinion plus mitigée sur le film, mais je reconnais quelques idées intéressantes que tu soulignes dans ce bel article. Voici donc le vieux mythe balisé du Prométhée ressuscité, la technophobie hollywoodienne bat son plein tandis que la vision d'Oshii, dirigée vers un avenir autre, laissait entrevoir une humanité refondée à travers les machines. Il y planait quelque chose du "2001" de Kubrick qui m'allait un peu plus.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je trouve qu’Oshii allait même plus loin, abordant la naissance d’une toute nouvelle forme de conscience, qui abandonnait volontiers ses derniers oripeaux humains. Tout l’inverse chez Rupert Sanders, qui reste attaché à la mère (j’ai envie de dire), une figure maternelle très présente (à plusieurs niveaux) et qui n’est jamais évoqué chez Oshii. On peut ne pas adhérer à cette proposition ou la rejeter, car trop différente de l’original, mais il faut reconnaître qu’il ne s’est pas contenté d’une pâle photocopie. Pour en revenir à ce que tu nommes la technophobie hollywoodienne, je n’avais pas spécialement trouvé le Puppet Master du manga particulièrement rassurant dans le premier opus (je n’ai pas vu Innocence). La nature ambivalente de la technique fait par ailleurs partie de notre patrimoine philosophique et culturel, il va de soi qu’elle s’exprime fréquemment dans les films, d’autant plus dans les films d’anticipation. Et puisque tu mentionnes « 2001 » de Kubrick, HAL peut être englobé dans cette technophobie, puisque son entrée dans l’humanité commence presque par le meurtre, à l’instar de nos ancêtres qui ont acquis une connaissance supérieure au contact du monolithe noir et utilise un de leurs premiers outils pour tuer afin de conserver une source d’eau. L'acquisition de la connaissance est toujours double dans ses effets. Petit clin d’œil en passant, La Sentinelle est le titre original de la nouvelle d'Arthur C. Clarke, qui a inspiré « 2001, l'Odyssée de l'espace » ;-)

      Supprimer
    2. Le Puppet Master est une entité d'emblée beaucoup plus ambiguë, dont les desseins n'apparaissent que progressivement, ne constituant pas l'antagoniste négativement marqué que réclame le scénario hollywoodien.
      Je suis d'accord avec toi sur la direction prise par le script filmé par Sanders sans pour autant valider totalement sa pertinence, tout du moins son originalité (le retour à la source).
      C'est vrai qu'en matière de technophobie, "2001" fait office de précurseur, mais la perspective finale transcende les notions de bien et de mal, poussant l'humanité vers un éveil nouveau. Nous sommes tous né de poussières d'étoiles, Clarke et Kubrick l'avaient bien compris.
      Je n'avais pas fait le lien entre les Sentinelle ! J'en prends bonne note :-)

      Supprimer
    3. Le Puppet Master est en tout cas une entité fascinante et je pense effectivement qu'elle n'est pas néfaste en tant que telle. Mais si elle se sentait en danger ? Ahah ! Je plaisante. Bien que ;-)

      J'ai vu hier soir Innocence, et j'ai trouvé ce film d'un compliqué ! J'ai suivi en gros mais beaucoup de détails m'ont échappée. Et je ne compte plus le nombre de citation (Socrate, Descartes, Dante, Milton et j'en passe).

      Pour en revenir à Sanders, je n'ai pas dit non plus qu'il était très original, juste qu'il allait dans une autre direction qu'Oshii et que j'ai passé un bon moment de cinéma. Un bon divertissement, pas bêbête sans pour autant côtoyer les sommets, nous sommes bien d'accord là-dessus ;-)

      Quant à 2001, je confirme le fait que la perspective finale pousse l'humanité vers un éveil nouveau. Ce qui est confirmé avec la suite "2010 : L'Année du premier contact" de Peter Hyams.

      Supprimer
  4. Je suis parti dans ce "Ghost in the shell" johanssonien sans a priori, étant donné que je n'avais ni lu le manga, ni vu les adaptations animées. Et ça m'a plu !

    Bon, je préfère "Blade runner", mais dans le genre, je ne regrette pas d'avoir vu ce film sur grand écran. Visuellement, c'est tout de même plutôt magnifique !

    Content d'avoir cette chronique à ajouter à la liste de mes liens ;-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah, je suis bien aise de l'apprendre, car je me sentais un peu seule sur ce coup là, jusqu'à présent ;-)

      Certes, pas de quoi détrôner Blade Runner (je crois d'ailleurs que ce n'est pas le but) mais je te rejoins totalement : visuellement, c'est magnifique. Je regrette de ne pas pouvoir le revoir en IMAX, car je n'hésiterai pas.

      Contente aussi :)

      Supprimer
  5. La BA m'a fatiguée. Je n'ai eu ni.le courage ni la curiosité d'aller plus loin.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu sais ce qu'on dit dans ces cas-là : surtout ne pas se forcer !

      Supprimer