Owen Brynmor ne comptait plus retourner dans la Pennsylvanie
profonde de son enfance, pays provincial et rétrograde partagé entre "
Habits rouges " et " Bataves ", autrement dit entre beaufs
américains et amish rigoristes. Mais à peine engagé comme reporter
au journal local, il décroche un scoop : le retour du Démon de Blue
Ball, cette bête mystérieuse qui jadis ravagea la région. À
moins qu'il ne s'agisse d'un canular... Or, si son enquête l'amène à
exhumer la légende du Kornwolf, ce loup-garou qui hanta l'Europe du
dix-septième siècle, elle croise aussi, à chaque pas, la
trajectoire d'Ephraim Bontrager, un orphelin muet qui vit en marge
de sa communauté religieuse. Mais où s'incarne vraiment le Mal ? Dans un
monstre quelconque, ou parmi les humains qui le
pourchassent ? Dans ce dernier roman, Tristan Egolf renoue avec la
veine truculente et enragée du Seigneur des porcheries. Tout en
pastichant la littérature fantastique, il manifeste une verve
gourmande et une énergie langagière de tous les instants pour offrir
une peinture vengeresse d'une Amérique dégénérée, dont seuls les parias
méritent d'être sauvés. On n'est pas près d'oublier la
puissance visionnaire de cette écriture torrentielle.
Tristan Egolf renoue avec les thématiques déjà présentes dans son
premier roman Le seigneur des porcheries, à savoir une figure
désignée en marge de sa communauté qui cristallise toutes les
peurs, haines et rumeurs malveillantes, ainsi que le rejet de cette
incarnation du mal par la communauté humaine dans la violence, la victime
devenant bien malgré elle le catalyseur de toutes les bassesses
humaines.
Cette figure sacrificielle prend ici les traits d’un jeune garçon
innocent atteint de lycanthropie, maladie dégénérative qui lui a été
transmisse par héritage familial. Une fois de plus, personne
n’est épargné dans ce roman, ni la communauté Amish ni les « Gens
simples » ni les « Habits rouges » et encore moins la police locale.
Même la plus petite structure humaine, à savoir la famille,
est totalement défaillante : tout n’est qu’asphyxie, paralysie,
destruction et désolation. L’auteur n’est décidément pas tendre envers
le genre humain !
Un roman moins puissant que l’excellentissime « Le seigneur des
porcheries » mais qui séduira néanmoins le lecteur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire