Un homme décide de se dépouiller
de sa vie : il quitte la femme avec laquelle il vivait sans amour
depuis deux années et renonce définitivement à son travail monotone au
ministère des colonies. C’est dans un petit village
italien, à l’embouchure d’un fleuve dont lui a parlé un chauffeur
lorsqu’il se rendait à Florence, qu’il trouvera le courage de se défaire
du poids devenu trop pesant de ce qu’était devenu sa vie
inodore et incolore. C’est là qu’il rencontre la belle Anna,
surnommée l’Américaine, jeune veuve richissime qui parcourt le monde à
bord d’un yacht avec quelques matelots à la recherche du marin
de Gibraltar, un homme qu’elle a aimé et qui a disparu depuis des
années.
Libre mais sans le sou, le narrateur se fait engager sur le bateau
pour partir à son tour en compagnie de la belle à la recherche de ce
marin évanoui dans la nature, passant de Sète à Tanger, de
Tanger à Abidjan, et d'Abidjan à Léopoldville. Il sait que le jour
où ils retrouveront la trace du marin de Gibraltar sonnera la fin du
couple qu’il forme à présent avec cette femme qu’il aime.
Quatrième roman de Marguerite Duras, dont le précédent « Un barrage
contre le Pacifique » lui avait valu une première reconnaissance de la
critique et du public, « Le marin de Gibraltar » fut
publié en 1952 aux Editions Gallimard. Si son précédent roman était
largement autobiographique, elle s’en écarte ici délibérément dans ce
qui peut apparaître comme une rupture dans son écriture,
annonçant par ce roman son œuvre future.
Proposant une narration lancinante et volontairement évanescente, on
finit par se demander si ce marin de Gibraltar n’est pas juste une
figure chimérique offrant de par son inaccessibilité un but
à l’existence trop monotone s’il n’existait pas dans l’imaginaire de
tous les personnages du roman. Chacun finit par avoir sa propre vision
du marin de Gibraltar et la poursuite de ces nombreux
avatars fournit le prétexte idéal aux diverses escales qui jalonnent
ce récit.
La quête de l’inaccessible où l’essentiel se situe du côté de la
recherche dans laquelle on finit par s’oublier que de l’opportunité de
retrouver l’objet en question. La place du désir dans la
passion. Car la meilleure façon de préserver un amour n’est-il pas
de le menacer toujours ? Et quelle meilleure menace que celle du retour
d’un hypothétique marin de Gibraltar ?
- Dites-moi, dit-elle, quel est le signe annonciateur de la fin d’un grand amour ?- Que rien, apparemment, ne l’empêche de durer toujours, dis-je, non ?
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