lundi 27 octobre 2014

Les larmes du Diable de C.J. Sansom

Deuxième tome des aventures de Matthew Shardlake, brillant avocat bossu et donc parfois cruellement raillé par son entourage. Il est chargé par Thomas Cromwell de lui rapporter « les larmes du Diable », qui n’est autre que le feu grégeois inventés par les alchimistes byzantins et dont on pensait avoir perdu la formule de composition. Le ministre Cromwell n’a que douze jours pour offrir cette arme redoutable au roi Henry VIII, au risque d’y laisser sa peau tant sa position est menacée au gouvernement : le roi, âgé de près de cinquante ans, veut divorcer de sa quatrième épouse (l’allemande Anne de Clèves) et convoite la jeune et séduisante Catherine Howard, nièce du duc de Norfolk. Ce dernier est à la tête des conservateurs religieux à la cour et voit l’occasion rêvée de restaurer la foi catholique en Angleterre par son influence grandissante auprès de roi. Le duc de Norfolk devient de ce fait le plus grand ennemi de Thomas Cromwell, qui s’efforce de renforcer la Réforme dans le pays mais qui sent que le vent tourne. Parallèlement à cette quête du feu grégeois, qui permettrait de renforcer la position de Thomas Cromwell auprès du roi, Matthew Shardlake décide de prendre la défense de la jeune Elizabeth Wentworth, reconnue coupable du meurtre de son jeune cousin de 12 ans.

Comme souvent dans ce genre de roman, ce n’est pas tant l’enquête qui importe le plus mais le contexte historique tant l’époque est absolument fascinante par les enjeux politiques, historiques et religieux. Extrêmement bien documenté, nous sommes véritablement plongés dans cet été caniculaire (le plus chaud du siècle) de l’année 1540. La Dissolution des monastères a enrichi le roi Henry VIII et la Bible est imprimée pour la première fois en anglais (la fameuse Bible de Tyndale) : la parole du christ est donc à la portée du peuple, qui peut y accéder individuellement sans passer par le truchement des pères de l’Eglise. Fini également les cérémonies en latin. Cela n’a l’air de rien mais c’est une véritable révolution et le pape n’est pas content du tout du tout. A côté de ces grands enjeux politiques, que l’auteur parvient à nous décrire très habilement au fil des pages, nous découvrons des anecdotes amusantes, surprenantes et souvent peu ragoutantes sur cette époque troublée qui  ne faisait pas dans la dentelle tant les pendaisons, buchers, décapitations, tortures et autres joyeusetés étaient légion.

Un bon polar historique pour s’immerger complètement dans cette Angleterre du roi Henry VIII, un monstre de choix dans mon panthéon de personnages historiques, aussi répulsif que captivant et qui aura profondément bouleversé son pays. Et tout cela pour la bagatelle et des histoires de cœur ! Enfin, c’est plus complexe que cela, évidemment ;-)

Extrait :

« Ah ! Shardlake, dit-il avec cordialité, j'espère que vous aimez le sucre. Il y en a toujours à profusion dans les banquets de Lady Honor.» Il avait à l'évidence décidé de se montrer affable ce soir.« Je ne suis pas vraiment un bec sucré et je tiens à prendre soin de mes dents.
- Je vois que, comme moi, vous avez encore toutes les vôtres, dit Marchamount, en secouant la tête. Je trouve insupportable cette affectation qui pousse les femmes à se noircir délibérément les dents pour faire croire qu’elles ne mangent que du sucre le plus fin.
- Une mode bien disgracieuse, en effet.
- J’en ai entendu certaines dire que la douleur en valait la peine, si cela accroît la considération qu’on leur porte ».

Les larmes du Diable de C.J. Sansom, Editions Pocket, suite du premier tirage décembre 2013, 734 pages. 


 Note


A lire au préalable le premier tome de la série, Dissolution de C.J. Sansom.


2 commentaires:

  1. J'adore ce genre de livre d'histoire bien documenté et pas trop romanesque c'est vrai que l'époque ne devait pas être de tout repos Joli commentaire qui donne envie de le lire.

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    1. Bonjour Alex et merci pour le compliment :-)
      J'adore aussi me plonger dans le passé à travers la lecture, particulièrement quelques époques que j'affectionne particulièrement car elles font travailler mon imagination, dont celle-ci, qui m'a toujours fascinée. Thomas Cromwell est un personnage très particulier également, malheureusement assez monolithique et peu développé dans ce roman. Je suis donc très contente d'avoir lu auparavant les deux premiers tomes de la trilogie Dans l’ombre des Tudors de Hilary Mantel (le dernier doit encore être traduit en français), qui explique bien la grandeur et la dureté aussi de ce personnage hors du commun et complétement au service du roi, qui ne le lui rendra guère...

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