vendredi 31 août 2018

Bilan littéraire du mois : quelques essais

Montaigne d'Arlette Jouanna ****
Éditions Gallimard, 2017

Je trouve qu'il est toujours important d'inscrire une oeuvre philosophique dans son contexte, que ce soit l'histoire d'un pays, d'un terroir spécifique ou l'évolution d'une pensée, mais aussi l'histoire individuelle ou le vécu familial. Et celui de Montaigne n'est pas à dédaigner : ancien magistrat, maire de Bordeaux, seigneur de Montaigne qui connu la tourmente des guerres de Religion et qui décida un beau jour de se retirer dans sa demeure natale pour écrire ses pensées. Arlette Jouanna nous offre son regard d'historien prudent et assez neutre, qui se traduit par un texte aussi intéressant qu'intelligent. Arlette Jouanna maîtrise excellemment son sujet et c'est un plaisir de découvrir Montaigne en sa compagnie. Indispensable avant d'aborder les Essais de Montaigne ? Peut-être bien.

Présentation chez Gallimard : c'est ici que cela se passe.


Nietzsche devant ses contemporains ****
Monaco, Éditions du Rocher, 1959

Certes, ce recueil de textes réunis et publiés par Geneviève Bianquis autour de Nietzsche, écrits par ceux-là même qui l'ont côtoyé de près (lettres et textes d'amis, de camarades d'école, de ses étudiants, de la famille, de proches ou de moins proches), n'est pas des plus récents. N'empêche, il demeure très intéressant, puisqu'il nous offre un regard multiple sur la personnalité de Nietzsche, allant de l'enfance à sa mort, par ceux-là même qui ont vécu à ses côtés.  Une personnalité hors norme, une intelligence très vive et un destin tragique lorsqu'il tombera dans les gouffres de la démence, souffrant peut-être du même mal que Baudelaire ou Maupassant (beaucoup de controverse quant à l'origine de la démence de Nietzche subsistent). Le dernier chapitre de sa vie est saisissant, poignant et d'une grande tristesse. Non, la folie n'est pas romantique, elle est déchéance et souffrance, y compris pour les proches. Dans la même collection, nous retrouvons Baudelaire devant ses contemporains. Je l'emprunterai probablement dans les mois qui viennent.


Noblesse de l'esprit  (Goethe - Chamisso - Richard Wagner - Freud - Dostoïevski - Tolstoï - Cervantès) de Thomas Mann ***
Éditions Albin Michel , 1960 

Il s'agit d'un recueil de textes écrits à différentes périodes de la vie de Thomas Mann. Il revient sur des personnalités pointues, qu'elles soient littéraires, musicales ou qui ont marqué d'une manière ou d'une autre leur époque.  C'est plaisant à lire.  Le chapitre consacré à Goethe est le plus important du recueil, mais je retiens surtout celui consacré à Freud. On sait à quel point Freud rechignait bien volontiers à citer ses sources ou ses influences dans le développement de la conception des théories psychanalytiques.  Mais Thomas Mann remet en quelque sorte l'église au milieu du village - sans pour autant dénigrer le génie de Freud - en citant deux auteurs très importants qui ont dû l'influencer (inconsciemment ou pas, soyons ironique sur ce coup-là) : Nietzsche et Schopenhauer. 



Journal d'Hiroshima : 6 août-30 septembre 1945 de Michihiko Hachiya ****
Éditions Tallandier, Collection Texto, 2015

Oubliez tous les écrits politiques, historiques, militaires ou propagandistes, genre  c'était nécessaire pour arrêter le conflit au plus tôt.  Vivez Hiroshima à l'heure de la bombe et les quelques semaines qui suivirent "de l'intérieur", par l'intermédiaire du journal du docteur Michihiko Hachiya, qui survécu à l'explosion tant bien que mal, et qui se rendit au plus vite à l’hôpital, dont il est directeur à l'époque, pour assurer les premiers soins. Un langage simple, épuré, à hauteur d'homme et qui va à  l'essentiel, celui de la condition humaine après une telle horreur. Nous sommes au plus proche des victimes, au jour le jour, et c'est émouvant et effrayant à la fois. Plus jamais ça ? A voir.  Important à lire ? Certainement. Car nous sommes également au plus près de la pensée japonaise, avec quelques passages assez surprenants pour nous, occidentaux. Comme toutes les considérations sur l'Empereur ("J'ai mal dormi la nuit dernière. Je me faisais du souci pour l'Empereur et j'avoue que son bien être occupait davantage mon esprit que le spectacle de la défaite."), dont l'épisode  concernant "la terrible responsabilité" de protéger l'effigie de l'Empereur en cas d'urgence. Une autre époque aussi, assurément.  Quoi qu'il en soit, Michihiko Hachiya impose le plus grand respect et nous offre un témoignage qui n'a rien perdu de sa pertinence. Le Journal est bien encadré par la préface de Didier Le Fur, l'Avant-propos de Warner Wells (15 mars 1955) et, pour terminer le Journal, par l'Avant-propos à l’Édition Américaine de 1995 par John W. Dower.

Présentation chez Tallandier : c'est ici que cela se passe.

4 commentaires:

  1. De grandes lectures. Si j'en avais le courage, je me plongera dans le Thomas Mann. En revanche, j'avoue que je recule devant le Journal d'Hiroshima. J'ai lu Le convoi de l'eau de Akira Yoshimura, prenant, une atmosphère particulière.

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    1. Le Thomas Mann est très facile à lire. Si cela peut te rassurer, Michihiko Hachiya est un médecin, du coup, il décrit un peu platement tous les symptômes après la bombe et je dois dire que ce ton assez distancié aide à la lecture. Cela reste éprouvant, bien entendu. Mais c'est un témoignage très précieux.

      Je ne t'ai pas encore relancée pour Kenzaburo Oé, car j'ai l'impression que c'est du lourd. Je postpose encore un peu, histoire de lire quelque chose de plus léger avant (enfin, façon de parler, je me rends bien compte que je ne lis pas grand chose de léger).

      Ah mais je me souviens que j'avais déjà noté Le Convoi de l'eau de Akira Yoshimura. Je vais le rajouter dans ma LAL.

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    2. C'est vrai que K.Oe, ce n'est pas du léger ( et que tu ne lis pas franchement léger ). Pause aussi de ce côté là, comme une envie d'autres horizons maintenant. Tu me diras quand on se relance, ça me décidera.

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    3. On fait comme ça ;-)

      Bon dimanche !

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