« J'ai laissé partir mon père sans écouter ce qu'il avait à me dire, le combattant qu'il avait été, le Résistant, le héros. J'ai tardé à le questionner, à moissonner sa mémoire. Il est mort en inconnu dans son coin de silence. Pour retrouver sa trace, j'ai rencontré Beauzaboc, un vieux soldat de l'ombre, lui aussi. J'ai accepté d'écrire son histoire, sans imaginer qu'elle allait nous précipiter lui et moi en enfer... »
Marcel Frémaux, ancien instituteur et journaliste pendant six ans en tant que correspondant local pour La Voix du Nord, est aujourd’hui devenu biographe familial. A force d’écouter et de regarder la vie des autres, l’idée lui est venue de devenir biographe des ‘petits riens’ des gens, leur offrant des mots là où on lui prête une vie. Ni psychologue ni confesseur, juste un homme qui propose ses services pour mettre en mots les souvenirs des gens, les rédiger et ensuite les imprimer afin d’en faire des livres à compte d’auteur destinés exclusivement aux amis et membres de la famille du client.
Un travail tranquille jusqu’au jour où se présente à son bureau Lupuline Beuzaboc. Cette jeune femme lui demande de rencontrer son père, un homme âgé aujourd’hui de 85 ans et ancien Résistant qui lui contait - petite fille avant de s'endormir - ses exploits de résistant, afin qu'il écrive sa biographie pour offrir à son père en cadeau le récit de sa vie.
Une demande qui suscitera une implication inhabituelle dans son travail de biographe : le propre père de Marcel Frémaux, ancien Résistant lui-même, avait toujours refuser de se confier à son fils. Tant et si bien que cet homme simple, terne, cet homme aux gestes murmurés et au corps frêle avait fini par faire douter son fils de sa vaillance. Ce rendez-vous manqué avec son père, Marcel Frémaux compte peut-être le rattraper en devenant le biographe du père de Lupuline, un homme fort et attachant, un peu comme si partir sur les traces de ce père lui permettait de partir sur les traces du sien…
Mais très vite Marcel Frémaux se met à douter de la véracité des dires de Beuzaboc, et contrairement à son habitude, va commencer à enquêter pour vérifier les faits tels qu’énoncés par ce soi-disant Résistant…
Sorj Chalandon revient sur des thèmes qui lui sont chers : les liens familiaux, les êtres qui se croisent mais qui ne cessent de se manquer, le mensonge, le doute, le poids des choix que nous posons sur nos vies, l’engagement, la trahison, l’usurpation et la culpabilité sans oublier le pardon et le besoin de rédemption. La légende de nos pères, c’est aussi avant tout l’importance de la transmission de notre histoire, ce que nous sommes mais aussi ce que nous ne sommes pas, un ensemble parfois confus reprenant des éléments vécus personnellement ou pas mais qui témoignent tous de ce qui fut et d’où l’on vient. Un récit très dépouillé, aux phrases courtes et élaguées, taillées pour aller dans le vif des sentiments et des actes posés.
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