jeudi 11 décembre 2014

Le challat de Tunis de Kaouther Ben Hania



Tunis, 2003. Un homme en mobylette, muni d’une lame de rasoir à la main, balafre les fesses des femmes qui arpentent les trottoirs de la ville. Surnommé le Challat (la lame), cet homme suscite des réactions très diverses auprès de la population : objet de terreur chez les femmes, il devient un objet de fascination et de fantasme chez les hommes, qui voient dans le Challat le parfait défenseur des valeurs machistes de la société tunisienne. Légende urbaine ? Rumeur ? Mise en scène politique ? Il sera en tout cas arrêté sans que personne ne sache vraiment qui il est. Dix ans plus tard, après le Printemps Arabe, une jeune réalisatrice décide d’élucider le mystère du Challat de Tunis. 

Le Challat de Tunis aborde un fait divers réel au sujet délicat (la représentation de la femme dans la société tunisienne) par le biais d’un documenteur foutraque, désopilant et parfois totalement surréaliste. Il faut voir la fameuse femme en boîte, ou encore le nouveau jeu vidéo qui fait fureur chez les hommes du quartier (on gagne des points en balafrant les femmes aux fesses moulées dans des vêtements occidentaux, on perd des points en balafrant les fesses des femmes voilées), sans oublier le fameux virginomètre qui mesure le degré de virginité de sa promise en analysant son urine à l’aide d’un appareil totalement improbable. Autant de séquences hilarantes si ce n’est qu’elles témoignent d’un malaise bien réel, qui s’accentue lorsque 2 des 11 victimes de l’agresseur témoignent de leur traumatisme lors de l’agression. 

Le portrait que dresse la réalisatrice de la société tunisienne est sans concession et surprend pour un pays réputé plus tolérant et ouvert que ses voisins. Un seul constat s’impose : il reste encore beaucoup à faire pour améliorer le vivre ensemble et combattre les préjugés les plus tenaces. Les idées préconçues ne sont par ailleurs qu’un des aspects du problème, car il s’agit également de lutter contre l’ignorance ou la méconnaissance de l’autre. 

Un docu-fiction qui se disperse parfois un peu mais plein d’humour pour aborder un enjeu de taille, celui de la place de la femme tunisienne dans une société qui peine à se défaire du poids des traditions.

Le Challat de Tunis a été séléctionné dans la section de l'Acid au Festival de Cannes 2014. Il a reçu le Prix  FIPRESC au Festival du Film d'Amiens 2014 et le Prix Spécial du Jury au Festival Cinéma Méditerranéen de Bruxelles 2014.

Ce film a été vu dans le cadre de Festival Cinéma Méditerranéen.


Titre : Le challat de Tunis
Réalisatrice : Kaouther Ben Hania
Acteurs : Jallel Dridi, Moufida Dridi, Mohamed Slim Bouchiha plus
Genre :    Drame , Comédie
Nationalité : Tunisien , Français , Canadien , Emirats Arabes Unis
Date de sortie en France : 1 avril 2015
Durée : 1h30min

2 commentaires:

  1. Bonjour Sentinelle.

    Il a l'air curieusement "mélangé", ce film. Je ne suis pas sûr que ça me plairait, mais je ne jurerai pas du contraire, vu que je ne l'ai pas vu ;-)

    Pour ce qui est de l'image de la société tunisienne... je ne saurai pas dire ce qu'il en est aujourd'hui. Je me souviens toutefois qu'il y a une quinzaine d'années, j'avais eu l'occasion de suivre une conférence commune de journalistes - il y avait une Espagnole, un Algérien, un Marocain et une Tunisienne. Pour ce qui concerne les trois du Maghreb, je me souviens qu'ils avaient pris nos idées préconçues à rebours. L'Algérien nous avait dit que la presse pouvait à peu près s'exprimer dans son pays, vu qu'elle était un jour descendue dans la rue de manière à peu près unanime pour le réclamer. Le Marocain nous avait assuré pouvoir écrire sur tous les sujets, sauf sur le roi et sur le Sahara ("sauf si vous dites qu'il est marocain"). La Tunisienne, elle, avait passé un temps en garde à vue, accusé d'être une militante islamiste radicale - "Ils m'ont dit ça alors que je portais une mini-jupe".

    Bien sûr, après les Printemps arabes, ce que je raconte n'est sans doute plus vraiment d'actualité. Je me demande d'ailleurs comment les cartes ont été redistribuées et ce que pourraient dire les mêmes personnes aujourd'hui.

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    1. Re-bonjour Martin,

      Le film est effectivement surprenant, tant je ne m’attendais pas du tout à un documenteur, bien qu’il contienne également quelques séquences non fictionnelles. Ne connaissant pas spécialement la société tunisienne, j’ai eu parfois du mal à discerner le vrai du faux, quoi qu’avec du recul, cela semble nettement plus évident. Un ami marocain, qui m’avait accompagnée à cette séance et qui connait forcément bien le Maghreb pour y avoir vécu pendant une vingtaine d’années avant de venir en Belgique, arrivait d’emblée à beaucoup mieux distinguer le vrai du faux que moi. Le propos du film est forcément très ciblé, dénonçant le poids des traditions et le machisme des hommes tunisiens. Le propos se veut dénonciateur et militant, nous ne sommes donc pas dans la nuance mais dans la caricature et le surréalisme pour mieux en rire, même s’il reflète sans doute une partie de la réalité tunisienne.

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