mercredi 30 novembre 2011

L’appât de José Carlos Somoza

Roman construit essentiellement comme un thriller ‘classique’, l’histoire consiste à poursuivre deux dangereux tueurs en série, à savoir le Spectateur et l’Empoisonneur, dans la ville de Madrid légèrement futuriste. Mais c’est la méthode utilisée qui donne toute la saveur et l’originalité de ce roman : on ne poursuit plus la piste des meurtriers mais on les attire à l’aide d’appâts humains initiés aux techniques des Masques, techniques basées sur le décryptage des œuvres de Shakespeare et qui consistent à jouer des scènes en prenant certaines postures afin d’attirer pour ensuite neutraliser le meurtrier. Le grand écrivain et dramaturge de l’époque élisabéthaine aurait en effet fourni toutes les clés nécessaires pour décoder le genre humain et l’analyse de ses œuvres aurait permis de dégager une cinquantaine de philias, à savoir des catégories de profils psychologiques particuliers réagissant à certains stimuli spécifiques pouvant être reproduits à la ville comme sur une scène de théâtre. On ne dégaine plus son arme pour neutraliser un psychopathe mais on le paralyse momentanément en lui faisant subir une overdose de plaisir en le matraquant de stimuli adéquats, stimuli engendrant sur sa psyché des effets tout aussi immédiats qu’incontrôlables pour celui qui en subit les conséquences.
 
Mais il semblerait que le Spectateur échappe à toute catégorisation : il fait bien partie de la philia de l’holocauste mais pas seulement, ce qui complique la donne et rend ‘la pêche’ plus difficile. Diane Blanco, meilleur appât en activité à ce jour et ultime arme secrète d’une méthode ultraconfidentielle du gouvernement, part sur les traces du meurtrier d’autant plus volontiers que sa jeune sœur, appât débutant, vient de se faire enlever.
 
Faux-semblant, manipulations psychologiques, règne de l’apparence et des masques, mensonges, impostures, magouilles et dérives en tous genre, l’auteur s’amuse et nous avec, enfin surtout pendant les ¾ du récit. Car le dernier quart va un peu trop dans tous les sens : de rebondissement en rebondissement, on finit malheureusement par passer du grand théâtre Shakespearien au Grand-Guignol tant il abuse des retournements.
 
L’appât de José Carlos Somoza est un roman qui arrive à insuffler un certain malaise si pas une certaine fascination par son inventivité et le côté subversif et provocateur de la méthode utilisée. Un régal dans son genre, haletant et très prenant. Je retire une étoile pour le final excessif.



 Note

2 commentaires:

  1. vu ce que tu écris , cela m'étonnerait si on ne voyait pas un jour une adaptation au cinéma.

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    1. C'est exactement ça, et c'est d'ailleurs ce que je me suis dit en lisant le bouquin, tant les images foisonnent et que nous nous faisons déjà notre propre film en le lisant. Un roman très original en tout cas, j'en ai gardé un excellent souvenir et j'espère que si film il y a, il sera à la hauteur du livre.

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