lundi 25 août 2014

Une aussi longue absence de Henri Colpi


Nous sommes en 1960, au lendemain de la fête du 14 juillet, à Puteaux, une banlieue proche de Paris. Thérèse (Alida Valli), une femme d’origine italienne, y tient un café modeste. Les vacances sont proches et le quartier se dépeuple peu à peu. Thérèse pense passer à son tour quelques jours de vacances auprès de son amant, un chauffeur routier. Mais des airs d’opéra italien qu’un clochard (Georges Wilson) chante en passant devant son bar depuis quelques jours l’intrigue. Et quand Thérèse voir enfin son visage, elle croit reconnaître son mari disparu en déportation depuis 16 longues années. L’homme est atteint d’amnésie et ne se souvient plus de son passé mais Thérèse, qui ne part plus en vacances et rompt immédiatement avec son amant, n’aura de cesse de tenter de raviver la mémoire de l’amnésique…

Cette histoire est basée sur un fait divers authentique : Mme Léontine Bourgade d’Aubervilliers, une femme de 58 ans, est persuadée d’avoir retrouvé son époux, disparu au camp de Buchenwald en 1944, dans la personne d’un clochard ayant perdu la mémoire. Marguerite Duras et Gérard Jarlot vont transposer cette histoire au cinéma en restant assez proche du récit que livraient les journalistes de l’époque.

Marguerite Duras est à ce moment-là au sommet de sa carrière : Moderato Cantabile a rencontré un beau succès critique et le film Hiroshima mon amour, réalisé par Alain Resnais, dont elle a écrit le scénario et les dialogues, est reconnu mondialement. La référence au camp de Buchenwald ne pouvait que la toucher personnellement, son ancien mari Robert Antelme ayant lui aussi été déporté dans ce camp nazi.

Cette histoire, à l’instar d’ Hiroshima mon amour, revient sur des thématiques similaires, à savoir le travail de la mémoire et de l’oubli, l’identité ou sa perte, le travail de deuil ou son incapacité à s’accomplir, la folie qui guette. La mémoire d’une femme qui butte contre l’oubli d’un homme qui ne la reconnait plus, et la difficulté de faire coexister les deux pour poursuivre une relation qui n’existe plus que dans les souvenirs de l'épouse.

Une tragédie très sobre et dépouillée, qui prend parfois des poses théâtrales, mais touchante et sensible, dont on retiendra particulièrement trois scènes fortes et émouvantes : la scène de l’air d’opéra au juke-box, la scène où Thérèse découvre la preuve physique de l’amnésie irrémédiable de cet homme dont elle ne cessera pourtant de vouloir ranimer la mémoire, et une des dernières scènes que je vous laisse découvrir. Mention spéciale pour l’interprétation remarquable des deux acteurs principaux, Alida Valli et Georges Wilson. 





Réalisation : Henri Colpi
Scénario et dialogues : Marguerite Duras, Gérard Jarlot
Collaboration : Alain Resnais
Photographie : Marceil Weiss
Son: René Breteau
Musique : George Delerue
Montage : Jasmine Chasney
Interprètes : Alida Valli, Georges Wilson, Jacques Harden, Paul Faivre, Catherine Fontenay
Production : France-Italie 1960 Procinex-Lyre, Galatea
Durée :94 min, noir et blanc

Prix Louis-Delluc 1961
Palme d'or du Festival de Cannes 1961, ex-aequo avec Viridiana de Luis Buñuel
Japon Kinema Junpo Awards 1965 : meilleur film étranger

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