dimanche 7 décembre 2014

Come To My Voice de Hüseyin Karabey


Nous sommes dans un petit village du Kurdistan turc, situé au milieu des massifs montagneux dans la partie orientale de la Turquie, près du lac de Van, un des plus grands lacs salés du pays. Tous les habitants du village sont réunis autour de ce que nous pourrions appelés trois bardes, mal ou non-voyants : ce sont des dengbêjs, des conteurs qui accompagnent leurs histoires par des chants traditionnels et parfois des instruments de musique. Ils sillonnent d’un bout à l’autre le territoire kurde pour rencontrer les villageois et sont tout simplement un des maillons essentiels de la transmission de la langue et de la culture kurde. 

Le plus âgé des trois bardes, le vieux Dengbej Muhsin Tokcu, prend la parole et raconte l’histoire de la grand-mère Berfê et de sa petite-fille Jiyan : dans un village de montagne, un officier en chef est informé que les villageois dissimuleraient des armes. Fouillant les habitations, les militaires ne trouvent rien mais décident de garder en détention arbitrairement tous les hommes du village jusqu’à ce que leurs familles remettent les armes en échange, même s’ils savent que ces armes n’existent probablement pas. Désespérées, la grand-mère et sa petite-fille entament un périple pour trouver une arme contre laquelle échanger Temo, fils et père des deux femmes. 

Le réalisateur Hüseyin Karabey aborde subtilement la question kurde en Turquie et la répression militaire à travers le road-movie d’une grand-mère et sa petite-fille. Un film aux allures de conte pour rendre hommage à la tradition orale à travers ces bardes poètes qui vont à la rencontre des villages pauvres et isolés des hauts plateaux d'Asie centrale, pour propager l’essence même de leur culture. La nature a également la part belle tant les paysages montagneux et les vues sur le lac salé sont tout simplement grandioses. Un film poétique qui dénonce tout en douceur et dans lequel l’humour, l'absurde et l’ironie percent discrètement au détour d’une parole ou d’un regard. La musique kurde traditionnelle tient aussi une place très importante dans le film, une musique de plus en plus reconnue et qui se propage depuis quelques années dans tout le pays. 



Titre original : Were Dengê Min
Réalisateur : Huseyin Karabey
Acteurs : Tuncay Akdemir, Selim Bulut, Sabahettin DAG
Nationalité : Turquie/France/Allemagne
Année de production : 2014
Durée : 1h45

D'autres films du Festival Cinéma Méditerranéen à découvrir également :

•   Halima’s Path de Arsen Anton Ostojic
•   Circles de Srdan Golubovic
•   Loin des hommes de David Oelhoffen


5 commentaires:

  1. Bonjour Sentinelle :)

    Il a l'air bien, ce film, dis donc. Si je le vois, j'aurais l'occasion d'ajouter un drapeau à ma collection "blog". Je ne suis pas sûr d'avoir le temps et l'occasion, mais qui sait ? Merci pour cette chronique, en tout cas.

    Je connais très mal la situation de cette communauté kurde dont on parle tant. C'est vraiment bien que le cinéma s'y intéresse, je trouve, parce que ça peut nous amener d'autres images que celles des médias. Le tout étant complémentaire à mes yeux et une double opportunité de s'ouvrir aux autres.

    Bonne journée.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Coucou Martin,

      Il serait en effet bien dommage de passer un côté d’un film turc d’un réalisateur kurde, d’autant plus qu’il aborde la question kurde avec beaucoup de finesse. Je dois bien avouer de m’être bien renseignée après avoir vu le film, histoire de ne pas raconter n’importe quoi dans mon billet et de mieux cerner la région (j’avais par exemple pris le lac de Van, le plus grand lac salé d’origine volcanique du pays, pour la mer oups). Bref ce film suscite beaucoup de questions et j’étais un peu frustrée du peu de temps donné au réalisateur pour discuter de son film, vu le retard pris à la projection. Je me rends compte que j’ai pas mal abordé la Turquie ces derniers temps, après la très intéressante émission L’Europe des écrivains – la Turquie. Emission qui m’a bien aidée à la vision de ce film pour mieux comprendre le passé (assimilation des minorités sous la république de Turquie) et les enjeux actuels. Je vais prochainement rendre compte également d’un auteur turc rencontré lors de la projection d’un documentaire sur son œuvre, toujours dans le cadre du festival, et qui lui aborde plus la question arménienne. La Turquie est vraiment un pays complexe et fascinant. Et très beau qui plus est. Très bonne journée Martin !

      Supprimer
    2. Je voulais ajouter que vivant dans un pays dans lequel les problèmes communautaires sont loin d'être absents, je suis d'autant plus sensible à cette problématique et à la façon dont une nation peut y faire face, à une époque où le replis sur soi est légion. Un travail et une remise en question pour accepter l'autre dans sa différence sans discours nationaliste ou propos discriminatoires.

      Supprimer
    3. C'est intéressant, ce que tu dis en faisant référence à la Belgique. Le fait est que, même si je ne l'aurais pas forcément exprimé de cette façon, la France elle aussi traverse des problèmes communautaires. Le truc étonnant étant de voir que nous avons fait cette année un triomphe à un film qui se moque du "racisme ordinaire" (drôle d'expression) tout en permettant à un parti d'extrême-droite d'être notre premier représentant au Parlement européen.

      Je ne sais pas si le cinéma peut vraiment avoir un impact et faire évoluer les consciences vers plus de tolérance ou d'attention aux autres. Je l'espère, parfois, mais je ne suis pas sûr que ce soit réellement le cas. En tout cas, c'est une chance pour nous, Belges et Français, d'avoir accès à la culture d'autres pays pour nous ouvrir un peu. De très nombreuses personnes dans le monde entier n'auront jamais cette opportunité.

      Supprimer
    4. Je pense que tous les arts, y compris le cinéma, permettent de faire avancer les choses, même si cela prend du temps. Car la culture nous ouvre aux autres, et nous permet de mieux cerner leur complexité, nous éloignant des discours simplificateurs des politiciens. Bien sûr cela demande du temps, de la volonté et de l'effort. Raison pour laquelle il est plus facile d'adhérer à des discours simples et populistes, qui ne demandent aucun effort et confortent nos instincts les plus primaires.

      Nous vivons également dans un pays que j’appellerais schizophrène, avec des partis populistes qui stigmatisent l'autre communauté et qui remportent largement les élections. Alors que nous vivons et travaillons ensemble tous les jours. D'un côté, on vote contre une communauté, de l'autre on lui sert la main, on lui fait la bise et on discute gaiement ensemble. Comme si dans nos têtes, il y avait une différence entre l'idée qu'on se fait d'une communauté et la connaissance que nous en avons réellement, comme si ces personnes, que nous apprécions, ne seraient finalement que des exceptions à la règle. C’est très étrange comme comportement.

      Supprimer