mercredi 14 décembre 2016

Mysterious Skin de Gregg Araki

Mysterious Skin de Gregg Araki
Avec Brady Corbet, Joseph Gordon-Levitt, Elisabeth Shue
Néerlandais, Américain - 2004

Synopsis

A huit ans, Brian Lackey (Brady Corbet) se réveille dans la cave de sa maison, le nez en sang, sans aucune idée de ce qui a pu lui arriver. Sa vie change complètement après cet incident : peur du noir, cauchemars, évanouissements... Dix ans plus tard, il est certain d'avoir été enlevé par des extraterrestres et pense que seul Neil Mc Cormick (Joseph Gordon-Levitt) pourrait avoir la clé de l'énigme. Ce dernier est un outsider à la beauté du diable, une petite frappe dont tout le monde tombe amoureux mais qui ne s'attache à personne. Il regrette encore la relation qu'il avait établie avec son coach de baseball quand il avait huit ans. Brian tente de retrouver Neil pour dénouer le mystère qui les empêche de vivre. 


Mon avis

Ce film traite d'un sujet ô combien délicat, j'ai nommé la pédophilie. Et il le fait de manière assez frontale, au point où le spectateur peut ressentir un certain malaise, avec ce qui parfois peut sembler prendre l’apparence d’un manuel du parfait pédophile. Attention, il ne s’agit pas ici d’assister à des scènes pornographiques, mais les scènes de sexe sont tellement explicites, y compris dans les commentaires et autres bruitages qui les accompagnent, qu’elles laissent décidément peu de place à l’ignorance : on visualise très bien ce qui est en train de se passer et certaines scènes heurteront inévitablement les spectateurs. Le parti pris du réalisateur peut aussi déstabiliser, dans la mesure où il ne porte aucun jugement sur le pédophile, même s’il condamne ses actes indirectement en révélant à quel point les abus sexuels sur les deux enfants perturberont à jamais leur vie. Voilà en quelques mots les aspects les plus dérangeants du film, du moins en ce qui me concerne.

Mais ce film possède aussi des qualités, et pas des moindres. D’abord il montre en quoi une famille défaillante peut amener son enfant à devenir une proie facile pour tout prédateur. Ensuite, il démontre à quel point l’impact du traumatisme peut être vécu différemment selon la personnalité de la victime, particulièrement à l'adolescence, ce passage de l'enfance à l'âge adulte : l’un, Brian Lackey, ne se souvient plus de rien mais souffre de phobies diverses ; l’autre, Neil Mc Cormick, est plus dans une conduite suicidaire en se prostituant dans des conditions telles qu’il risque d’y laisser sa peau à un moment ou un autre. Cette mise en tension permanente, qui va crescendo au fur et à mesure des rencontres ou plutôt des passes, est évidemment assez éprouvante pour le spectateur, que le réalisateur n’épargne pas. Pas plus lorsqu’il aborde un tabou entre tous, celui de l’attachement de l'un d'eux pour son abuseur, qui a pu instaurer à cette époque un climat de confiance en accordant toute son attention à un enfant qui en manquait cruellement à la maison. Cela n’enlève évidemment rien à la souffrance des enfants abusés devenus aujourd'hui adolescents, marqués à jamais par ce crime indicible.

Mysterious Skin est un film inconfortable, perturbant et difficile à voir, de par le sujet choisi mais aussi de par l’angle d’approche du réalisateur. Je le conseille néanmoins à toute personne travaillant dans le milieu de l’aide à la jeunesse. Aux autres aussi, car la mise en scène est soignée et les personnages sont très attachants, mais il vaut mieux avoir le cœur bien accroché. L'amitié, l'écoute, la compassion et le partage de la bande d'amis de Neil Mc Cormick font un bien fou aussi.

Mysterious skin est adapté du roman homonyme de Scott Heim. 

L'avis de Pascale, qui a beaucoup aimé le film également.



Sur le même sujet, à lire :

* Courir avec des ciseaux d'Augusten Burroughs
* Père des mensonges de Brian Evenson
* Claustria de Régis Jauffret

Euh en fait, je n'ai pas vraiment apprécié ces romans...

A lire absolument :

* Lointain souvenir de la peau de Russell Banks (un roman que je n'ai malheureusement pas chroniqué mais que je vous conseille vivement)

10 commentaires:

  1. Un des films les plus difficiles et bouleversants que j'ai pu voir. Je l'ai vu il y a longtemps et je me sens incapable de le revoir.

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    1. Je te comprends Tina, je ne suis pas certaine non plus de vouloir le revoir un jour, mais je suis contente de l'avoir vu, car c'est un film 'fort'.

      Je copie un extrait d'une interview du réalisateur, à propos de ce film :

      "Je voulais vraiment que ce film atteigne durement les gens dans leur intimité. Pour moi, la meilleure chose qu’on puisse me dire à propos de ce film, c’est qu’après l’avoir vu on reste pétrifié. Sans pouvoir parler. On reste là, apaisé avec soi-même. Ou alors on décide de prendre un verre, d’aller faire un tour. Ce film reste avec les spectateurs. Ils n’arrivent pas à en décoller parce qu’il a un réel impact sur eux."

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    2. Alors, cher Gregg, tu as bien réussi ton coup !!

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    3. On peut dire ça :) Ce film me hante encore, preuve s'il en est...

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  2. Tiens, c'est amusant que tu parles de ce film, car j'en ai entendu parler il y a peu et je m'y suis intéressé. Ce n'est pas vraiment ce que j'ai envie de voir actuellement, mais bon... je note ça dans mes tablettes.

    Ce Gregg Araki a au moins le mérite de se frotter à des sujets compliqués et de ne pas ressasser sans cesse les mêmes sempiternelles histoires. Cela en fait à mes yeux un cinéaste intéressant, sinon à suivre.

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    1. Je connais assez mal les films de Gregg Araki mais ils sont visiblement assez "trash", tournant autour de l'adolescence, du sexe, de la drogue... et je t'avoue que ce genre de films ne m'attire pas des masses. Ce qui n'enlève rien au talent du réalisateur. Par contre, j'avais envie de voir Mysterious Skin depuis longtemps, mais il y a des films qui demandent un certain courage pour les voir, donc oui, je comprends tout à fait que tu n'aies pas vraiment envie de le voir actuellement. Car j'ai mis du temps aussi à trouver mon bon moment ;-)

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  3. Que j'ai aimé ce film !!!
    Et c'était le tout premier que j'ai chroniqué sur mon blog... il y a presque onze ans.
    J'y découvrais Joseph Gordon Levitt entre autre, époustouflant.
    Et cette histoire !!!

    Et Lointain souvenir de la peau est incontournable aussi.

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    1. Joseph Gordon Levitt est vraiment incroyable dans ce film, il imprime la rétine comme on dit. J'espère juste que le roman ne soit pas autobiographique, mais j'ai de gros doutes, tant cela sent le vécu. Et rien que d'y penser, cela fait encore plus mal.

      J'ai mis un lien vers ton billet. Je te rejoins tout à fait, ce film est terrible mais jamais voyeur, car le réalisateur privilégie avant tout les expressions du visage, ce qui provoquent chez le spectateur des sentiments très forts.

      Lointain souvenir de la peau est un roman remarquable sur un sujet casse-gueule au possible. Preuve s'il en est que Russell Banks fait partie des grands auteurs contemporains américains. Je te conseille également American Darling du même auteur, je crois qu'il te plairait bien aussi.

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  4. American Darling... je commande illico :-)

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    1. Excellente prochaine lecture ! C'était mon premier roman de Russell Banks et ce fut une rencontre littéraire très importante pour moi. Quel personnage féminin en plus...

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