vendredi 16 décembre 2016

Nos années sauvages de Karen Joy Fowler

Extrait

Dans la plupart des familles, il y a un préféré.  Les parents le nient, et peut-être n'en sont-ils réellement pas conscients, mais pour les enfants, c'est flagrant.  L'injustice perturbe beaucoup les enfants.  C'est dur d'être toujours le second.

C'est dur également d'être le préféré.  Mérité ou non, le favoritisme est un fardeau.

J'étais la préférée de notre mère.  Lowell était le préféré de notre père.  J'aimais notre père autant que notre mère, mais c'est Lowell que je préférais.  Fern préférait notre mère.  Lowell aimait Fern plus qu'il ne m'aimait.

Lorsque j'énumère ces faits, ils paraissent relativement bénins.  Chacun a sa part, après tout.  Plus qu'il n'en faut pour tout le monde. 


Mon avis

Rosemary était une petite fille si bavarde que ses parents lui disaient de commencer au milieu lorsqu’elle racontait une histoire. Mais cela ne l’empêchera pas de s’enfermer volontiers dans le silence après la disparition de sa sœur, pas vraiment… hmm comment dire… pas vraiment comme vous et moi. Je ne suis pas très claire ? C’est voulu. Mais il est important de ne pas dévoiler les dessous de l’intrigue et de respecter la démarche de l’auteur. Aussi, il faudra parvenir à la cinquantième page avant de comprendre qui était réellement Fern, la sœur de Rosemary, et lire une cinquantaine de pages supplémentaires pour bien cerner tous les enjeux du roman. C’est également le nombre de pages qu’il m’a fallu lire pour comprendre pourquoi l’auteur citait systématiquement en exergue, à chaque début de chapitre, un extrait du Rapport pour une académie de Frank Kafka. Sachez également que Rosemary entamera l’histoire de sa vie en respectant la consigne de ses parents, c’est-à-dire en commençant sa narration par le milieu, avant de reprendre par le début et de poursuivre ensuite par le dernier tiers.

Comment parler d’un roman que j’ai beaucoup aimé sans trop dévoiler l’intrigue ? En restant volontiers dans le vague, tout en révélant quelques thèmes majeurs du récit, comme la rivalité fraternelle et l’importance de la fratrie dans le développement de la personnalité, les jeux de miroir et d’identification dans la construction de son identité, la mémoire sélective, le mensonge, la culpabilité, les non-dits, la perte. La révolte et le recours à la violence en réponse à la violence dans le traitement de ceux qui nous sont différents. Car il est aussi question de droit, de justice, de l’importance de l’action pour lutter contre une certaine injustice. Sans oublier l'empathie que nous ressentons pour tous les membres de la famille, notamment envers Rosemary,  qui a souvent le sentiment de n’être jamais à sa place ni de trouver un endroit où être soi, avec son côté « vallée dérangeante » pour avoir grandi dans une famille pas comme les autres, en donnant toujours l’impression d’avoir un truc qui cloche, de "pas normal".

 

Ce roman est un coup cœur ! Intriguant au début, émouvant par la suite, le tout porté par une écriture fluide, vive et non dénuée d’humour. Amateur de roman psychologique, n’hésitez plus.

Ce roman sera adapté en mini-série pour la télévision et ce sera Natalie Portman qui jouera le rôle principal. Autant dire que je ne la louperai sous aucun prétexte.

 


L'avis d'Ingannmic.


Quatrième de couverture

« Je n'avais que cinq ans lorsqu'elle disparut de ma vie, mais je me souviens d'elle. Je me souviens d'elle avec précision : son odeur, son contact, des images morcelées de son visage, ses oreilles, son menton, ses yeux. Ses bras, ses pieds, ses doigts. »

Il était une fois deux sœurs, un frère et leurs parents qui vivaient heureux tous ensemble. Rosemary était une petite fille très bavarde, si bavarde que ses parents lui disaient de commencer au milieu lorsqu'elle racontait une histoire. Puis sa soeur disparut. Et son frère partit. Alors, elle cessa de parler... jusqu'à aujourd'hui. C'est l'histoire de cette famille hors normes que Rosemary va vous conter, et en particulier celle de Fern, sa soeur pas tout à fait comme nous...


Présentation de l'auteur

Diplômée en Sciences Politiques, Karen Joy Fowler a exercé de multiples métiers avant de devenir écrivain de SF et de Fantastique. Elle est surtout connue comme l'auteur du best-seller The Jane Austen Book Club (2004), qui a été adapté au cinéma par Robin Swicord en 2007. En 2008, elle a remporté le Prix Nebula du Best Short Story 2007 pour son récit Always.  Elle obtient le prix PEN/Faulkner Award 2014 pour son roman Nos années sauvages (We Are All Completely Beside Ourselves).  Le National Book Award l'a élue "auteur de l'année 2014".

Source : http://www.babelio.com 


Nos années sauvages de  Karen Joy Fowler, traduit par Karine LALECHERE,  parution le 21 avril 2016,  368 pages

6 commentaires:

  1. Cela fait envie... je note !

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    1. Je serais curieuse en tout cas de connaître ton avis, ne sachant pas trop si tu vas autant l'apprécier que moi. Car pour le coup, l'écriture est assez banale mais elle est vive, très proche de l'oralité. J'ai aussi été touchée par cette histoire car elle aborde un sujet d'étude qui m'a toujours interpellée, et qui a d'ailleurs été l'objet d'un de mes cours à la fac. Je trouvais ces études tellement intéressantes mais en même temps il y avait quelque chose qui me perturbait. Et je comprends mieux pourquoi maintenant. C'est même assez choquant. Coïncidence, ARTE a programmé très récemment une série de reportages à ce sujet, mais je n'ai pas encore eu le temps de les voir.

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    2. De passage à la librairie cet après-midi, je n'ai pas pu me retenir... je pense le lire très bientôt car tu suscites ma curiosité..

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    3. Je n'ai plus qu'à te souhaiter une excellente lecture, en espérant que tu l'apprécieras autant que moi :)

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  2. J'ai lu beaucoup d'avis contradictoires sur ce roman. Il m'intrigue depuis sa sortie mais je n'ai pas encore pris le temps de le lire. Pourtant, ce n'est pas l'envie qui me manque.

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    1. J'y suis allée les yeux fermés, sans rien connaître du roman ni des critiques, pour la bonne raison que j'avais gardé un excellent souvenir de son précédent roman, Le Club Jane Austen (2005). Depuis ma lecture de son dernier roman, j'ai lu plusieurs critiques, et j'ai été très étonnée de lire des avis très contradictoires. Mais après tout, c'est vrai qu'il est assez original dans sa construction, en commençant au milieu de l'histoire de Rosemary, puis ensuite revenir au début de son histoire, et poursuivre par la fin. On reste aussi dans le flou pendant pas mal de temps mais j'ai plutôt aimé ça en fait, être prise par surprise par un sujet auquel je ne m'attendais pas du tout et qui m'intéresse beaucoup qui plus est. Je fais en tout cas partie de ceux qui l'ont beaucoup aimé et je pense que tu pourrais t'y retrouver également.

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