lundi 27 février 2017

Moonlight de Barry Jenkins

Moonlight de Barry Jenkins
Avec Trevante Rhodes, Naomie Harris, Janelle Monáe, Mahershala Ali, Shariff Earp, Duan Sanderson 
Etats-Unis,  Date de sortie : 01/02/2017 

Adapté d’une pièce de théâtre (franchement, je n’avais pas remarqué, ce qui est un bon point pour le film), le deuxième long métrage du réalisateur Barry Jenkins (37 ans au compteur) raconte le parcours de Chiron, un jeune garçon noir homosexuel élevé dans le ghetto de Liberty City, à Miami. Divisé en trois chapitres (l’enfance, l’adolescence, l’âge adulte), l’histoire commence avec le jeune Little, persécuté par ses copains de classe. Entre une mère accro au crack et un dealer-protecteur, Little n’a sans doute pas toutes les cartes en main pour sortir de son milieu social. Coincé dans une vie et un corps gouverné par des désirs qu’il a bien du mal à assumer, confronté à l’intolérance, l’humiliation et la violence de son entourage, Chiron va progressivement trouver refuge dans la solitude pour mieux se protéger du monde qui l’entoure.

Minorité (mais peut-on encore réellement parler de minorité dans ce cas-ci, j'avoue trouver le terme peu adéquat mais à défaut d'en trouver un autre) et homosexualité, deux sujets peu traités au cinéma. Les ellipses dans le temps sont suffisamment bien amenées pour passer aisément d’un acteur à l’autre sans que cela perturbe la fluidité du récit. J'ai trouvé ce film intéressant malgré ses faiblesses : la musique est parfois un peu trop présente, les personnages secondaires ne sont pas du tout exploités alors qu'il y avait matière (mais après tout, c'est aussi le droit du réalisateur de vouloir se concentrer entièrement sur son personnage principal, pourquoi pas même si on se sent un peu frustré) et quelques effets de style sont un peu trop voyants. Ce film peut également décontenancer dans la mesure où c'est essentiellement un film d'atmosphère, beaucoup de choses sont abordées de manière un peu fugitive, sans profondeur apparente. Le fait que le personnage principal s'exprime peu et reste volontairement en retrait et comme en dedans de lui-même peut également constituer une barrière pour le spectateur, qui peut rester extérieur aux événements et aux tourments du jeune héros. Mais je me suis laisser prendre par ce portrait sensible et plein de pudeur de ce jeune garçon, que l’on voit évoluer sur une quinzaine d’années. Un film qui laisse une large place à la gestuelle, aux regards échangés, au sentiment de solitude, aux silences et aux non-dits. Mention spéciale pour la toute dernière scène du film, particulièrement bouleversante. Je retiens également l’interprétation de l’acteur Trevante Rhodes, qui offre à son personnage une belle fragilité derrière sa montagne de muscles.


J'apprends ce matin que Moonlight de Barry Jenkins est présent par trois fois au palmarès des oscars 2017 : le prix du meilleur film, le prix du meilleur scénario adapté pour Barry Jenkins et Tarell Alvin McCraney  et le prix du meilleur second rôle masculin pour Mahershala Ali.

11 commentaires:

  1. l'Oscar du meilleur film pour un truc aussi superficiel que mal écrit, je dis chapeau. ;-)
    Une recommandation en passant, 'L'homme qui défiait 'infini', admirable je trouve rien d'autre à dire.
    Bonne journée Miss.

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    1. Oh tu exagères Ronnie ;-) Ceci dit, j'aurais bien eu du mal à départager la plupart des nommés, je suis trop nulle à ce jeu-là. MAIS je suis très contente pour Casey Affleck, tant il nous a livré une interprétation impeccable dans Manchester By the Sea de Kenneth Lonergan. Maintenant, il m'a semblé aussi déprimé que dans son film :/

      Merci pour le conseil, je ne connaissais pas du tout ce film en plus. Je le note et le verrai très prochainement ! Je repasserai par ici pour en dire un mot.

      Bonne journée à toi cher ami. J'espère que vous avez un meilleur temps qu'ici : à l'instar de Noé, je me demande si je ne vais pas bientôt me construire une arche, au cas où...

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  2. Enfin vu ce film, franchement je ne comprends pas son Oscar du meilleur film en dehors de motivations politiques. Je n'ai pas trouvé le film mauvais mais pas non plus spécialement bon. Le sujet est assez fort, les acteurs sont bons, quelques scènes sont louables mais ça ne m'a guère passionnée et les ellipses ne m'ont pas toujours paru très pertinentes dans le sens où dès que les scènes deviennent intéressantes, on nous enlève cet instant. Du coup j'ai aussi eu du mal à m'attacher à Chiron et des personnages sont trop mis de côté. Et justement, pour ma part, même s'il n'a pas a priori un aspect théâtral, pour ma part je l'ai ressenti (et je ne savais pas que c'était tiré d'une pièce).

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    1. Bah comme tu dis... les motivations politiques ont évidemment beaucoup joué, et c'est bien là le souci, je veux dire par là que bien d'autres considérations que purement cinéphiles sont prises en compte lors des remises de prix, raison pour laquelle je ne leur accorde - à titre personnel - qu'une importance très relative. Pour le reste, c'est certain que cela compte et fait la différence pour le film et toute l'équipe qui a participé à son élaboration.

      Je n'ai pas été totalement enthousiaste non plus, je l'ai bien aimé mais sans plus, il m'a manqué aussi quelque chose, sans savoir bien quoi d'ailleurs. Maintenant, pour l'aspect théâtral, je n'ai rien vu venir et je l'ai appris après ma vision du film, ce qui m'avait étonnée.

      Perso, j'ai préféré les films Les figures de l'ombre, La la Land, Premier Contact, Comancheria et Manchester by the Sea (je n'ai pas vu Fence, Lion, Tu ne tueras point).

      Mais bon, le critère politique ? Pourquoi pas. Je ne sais pas si c'est une bonne chose ou pas, il y a du pour et du contre. Même chose avec Le meilleur film étranger (Le client d'Asghar Farhadi). Très politique comme choix, là également. Idem avec Zootopie (pas le meilleur pour moi non plus).

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  3. Sans plus donc le "film qui a failli ne pas avoir l'Oscar alors qu'il l'avait gagné". Bon je crois que je vais le garder pour plus tard. En même, ce que je lis sur les effets esthétiques un peu lourds, n'aide pas à le remettre sur mon chemin. Ceci dit, en la matière, ça ne peut franchement pas être pire que "tu ne tueras point" ("mais tu riras beaucoup" si t'es comme moi) ;-)

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    1. Oh ce sont juste de "petits effets esthétiques", rien de bien grave non plus. Je serai plus nuancée, je ne le conseille ni le déconseille mais je suis contente de l'avoir vu car il est intéressant, même si je lui trouve quelques faiblesses. Il lui manque quelque chose pour être totalement enthousiaste, mais quoi exactement ? Je ne sais pas trop. Il est peut-être un trop dans la retenue, du coup on reste trop souvent en retrait ? Je crois que je suis restée dans une position d'observation, car le personnage principal ne se livre jamais, tout est dans la pudeur, la distance. C'est en cela que j'ai trouvé la dernière scène très émouvante, car il parle enfin et ce qu'il nous dit est troublant/triste/poignant. Mais c'est un petit peu long avant d'arriver à cette scène, et en même temps, c'est aussi - je pense - ce qui en fait toute sa force. Franchement, je pense qu'il pourrait te plaire (finalement, j'ai autant de réserve avec ce film qu'avec Loving, que tu as beaucoup aimé).

      Euh je ne crois pas que je verrai "Tu ne tueras point", il ne me tente pas du tout :-/

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    2. Je voulais ajouter que ce n'était pas non plus un film "psychologisant", c'est plus un film d'atmosphère, du coup on peut lui trouver un manque de profondeur car beaucoup de choses sont menées de manière assez vaporeuse. Bon, je vais m'arrêter là car je me connais bien et si je continue à creuser, je vais finalement le trouver très bien ce film mdr

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  4. Je n'ai pas du tout aimé ce film et les récompenses sont une fois de plus à mon sens plus d'ordre "moral" que vraiment artistique. Quant au thème de la minorité et de l'homosexualité, trouves-tu vraiment que ces sujets soient peu traités?

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    1. Comme j'en parlais à Tina (voir commentaire plus haut), le fait de lui avoir attribué l'Oscar du Meilleur Film est clairement un choix politique. Ceci dit, je l'ai trouvé plutôt bon. L'année passée, la France n'était pas en reste non plus en attribuant le César du Meilleur Film pour Fatima de Philippe Faucon, qui était un bon petit film mais sans plus (et là, pour le coup, je l'ai trouvé moins bon que Moonlight). Là aussi, le choix politique a clairement prévalu. Mais est-ce une si mauvaise chose en soi ? Je n'ai pas de réponse catégorique à cela. Je peux le comprendre en tout cas, et si c'est pour la bonne cause, ma foi, à défaut d'être spécialement pour, je ne suis pas contre non plus. Ce que j'ai plus de mal, c'est d'attribuer un prix non pas pour privilégier des valeurs morales mais parce qu'on "est entre amis", ce qui malheureusement n'est pas exceptionnel (et certainement plus courant que de donner un prix pour des valeurs morales). Personnellement, je ne crois pas aux critères purement cinématographiques, l'industrie du Cinéma étant ce qu'elle est, c'est l'argent qui gouverne et là où l'argent a une telle importance, les magouilles sont forcément présentes dans ce genre de cérémonie, d'une façon ou d'une autre. Alors le critère moral, c'est presque un moindre mal j'ai envie de dire.

      Ta question me surprend. Car oui, j'ai vraiment le sentiment que les films traitant de l'homosexualité et de la minorité noire des ghettos en Amérique (ou musulmane pour prendre un autre exemple) sont peu présents au cinéma. J'ai le sentiment qu'il est déjà plus traité dans le cas des minorités latino par exemple. Et traiter ce sujet avec autant de pudeur, de retenue et de sensibilité me semble encore plus rare. Tu n'as pas cette impression ? Peut-être que des films majeurs ne me viennent pas en tête. Dans ce cas, tes connaissances sur le sujet sont les bienvenues eeguab, n'hésite surtout pas à me donner quelques titres de référence, tant je suis curieuse de les connaître à mon tour.

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    2. Merci pour votre critique. En effet, les sujets de minorités et homosexualité sont très peu traités au cinéma, et restent dans un circuit niche. Voir Moonlight percer au-delà de son public festivalier et du circuit indépendant est un exploit en soi. Et le film arrive très bien à toucher à l'universel avec les thèmes de l'aliénation, de la tolérance, de l'estime de soi, et la présence de modèles, sans compromettre son sujet. Une perle qui traite de minorité et homosexualité qui m'a marquée récemment est "Pariah" de Dee Rees.

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    3. Merci à vous pour votre commentaire et votre retour sur le film. Je vous rejoins tout à fait sur ce point, à savoir que c'est finalement un exploit qu'il sorte du circuit des films indépendants et dépasse le cadre du public festivalier. Je ne m'attendais d'ailleurs pas à cette façon d'aborder cette thématique, et il m'a fallu du temps pour l'apprécier comme il se doit. Mais plus j'y pensais, plus je le trouvais finalement très intéressant. Et j'en garde un souvenir ému. Je ne connaissais pas du tout le film Pariah de Dee Rees mais je le note avec beaucoup d'intérêt.

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