samedi 8 novembre 2008

Best Love Rosie de Nuala O’Faolain

Décédée cette année à l’âge de 68 ans à Dublin, l’écrivaine irlandaise Nuala O’Faolain est l’auteur de cinq romans dont le dernier « Best Love Rosie ». Elle a notamment obtenu le prix Fémina du roman étranger pour L’histoire de Chicago May, chroniqué sur ce blog.

Récits d’inspiration le plus souvent biographique et autobiographique, Nuala O’Faolain se dévoile beaucoup dans ses romans, que ce soit au sujet du poids des traditions et de la religion dans la très catholique Irlande, de son alcoolisme, de sa sexualité, de sa défense des droits de la femme, de la nécessité de s'exiler de son Irlande bigote tant houspillée pour revenir malgré tout à son Irlande tant aimée aussi. En définitive, Nuala O’Faolain nous parle avant tout des problèmes auxquels sont confrontés les femmes irlandaises de sa génération, nées au début des années quarante, tout en demeurant très actuelle dans ses questionnements intimes et ses tâtonnements, doutes et craintes diverses. Un exercice d’introspection sans fards dans lequel de nombreuses femmes se reconnaissent sans difficultés. « Best Love Rosie » ne fait pas exception à la règle.

Rosie, la cinquantaine bien entamée et quasi célibataire depuis que son amant a le moral en berne, décide de tirer avantage de sa vie d’indépendante sans mari ni enfant et de la fin de son contrat pour rentrer en Irlande après avoir vécu une vie bien remplie aux quatre coins du monde. Sa vieille tante Min, cette femme qui l’a élevée depuis la mort de sa mère et qui s’enfonce jour après jour un peu plus dans l’alcool et dans la dépression, a plus que jamais besoin de ses soins et de toute son attention. Mais le retour au bercail est douloureux : les souvenirs ressurgissent, la solitude afflige, les doutes émergent. Pour échapper à la morosité, Rosie décide d’échafauder un projet de manuel de développement personnel pour cinquantenaires avec l’aide de son vieil ami Markey. Aujourd'hui libraire à Seattle, Markey fut l’homme pour lequel elle avait éprouvé tant d’amour... elle ne comprit d’ailleurs jamais pourquoi celui-ci n’avait jamais répondu à ses attentes jusqu’au jour où elle découvre qu’il préfère les garçons ! Rosie a toujours eu un don pour les amours impossibles…

Rosie, qui aimerait discuter de son projet avec Markey, décide de se rendre pour un court séjour en Amérique, tout en ayant placé auparavant sa tante Min dans une maison de retraite jusqu’à son retour. Mais une surprise de taille l’attend lorsqu’elle apprend que Min, qui a fait une fugue, s’est mise en tête de la rejoindre à Manhattan. Très vite les rôles s’inversent : la vielle Min, qui se sent galvanisée par sa découverte de l’Amérique, décide de rester dans la patrie de l’oncle Sam afin d’y trouver du travail au noir et des logements insalubres en compagnie de ses nouveaux amis, clandestins tout comme elle. Alors que Min trouve une seconde jeunesse en Amérique, Rosie rentre plus seule que jamais en Irlande…

C’est avec beaucoup d’humour, de sensibilité et de tendresse que Nuala O’Faolain nous présente l’histoire de ces deux femmes, l’une en fin de vie qui décide de brûler ses dernières cartouches dans un feu de joie, l’autre dans un tournant de sa vie de femme, en pleine crise de l’âge mûre que la vieillesse angoisse, l’âge où le corps décline alors qu’il est toujours aussi désirant tout en étant de moins en moins désirable.

On peut présenter le thème majeur du roman comme celui de la difficulté d’être une femme et de vieillir tout en demeurant séduisante et désirable, mais ce ne serait pas lui faire justice en n’allant pas au-delà, puisqu’on y parle également d’exil, de nostalgie, de solitude, du sentiment maternel, des tourments de l’âme, d’amitié, du manque, des hommes…

« Je répétais à mon cœur : Cesse de brûler, cesse de me faire mal, calme-toi, il n’y a aucun remède à ton angoisse et tes regrets.  Je savais que le sexe était bon pour le moral et que je pouvais m’estimer heureuse, parce que beaucoup de célibataires – et sans doute de personnes mariées – de mon âge n’avaient que trop peu d’occasions de faire l’amour.  Et j’appréciais pleinement ma chance.  Mais le Temps s’était invité dans le lit avec nous – mon ventre mou sur la hanche anguleuse de Leo, son bras osseux autour de moi.  Et, à présent, la dure leçon du Temps sur l’impuissance d’autrui à apaiser notre souffrance se rappelait à moi.  Je ne pouvais pas dire à Leo : Désole-toi avec moi que les amants vieillissent.  Je ne pouvais pas lui dire : Me retrouver si près de toi me fait sentir encore plus cruellement ma solitude ordinaire.
 
Chacun doit grandir sans importuner les autres.
 
C’était mon problème.  Moi seule trimballait le souvenir de ce qui avait été – la gloire du monde tel que je l’imaginais quand j’étais jeune, quand la passion semblait me faire accéder à un immense royaume, quand, parfois, j’avais l’impression de quitter la Terre pour m’élancer dans l’univers et y scintiller de tout mon être.  Quand je ne me posais aucune question sur moi-même.  Quand j’avais foi en tout.
 
Oh, rendez moi cela ! ai-je supplié la pièce obscure et silencieuse.  Oh, rendez-le moi ! Que je puisse revivre ma vie avec ce que je sais maintenant ! Rendez-moi un commencement ! »

Il y a décidément beaucoup de chaleur humaine qui se dégagent de ces pages, sans oublier des personnages pour lesquels, nous lecteurs, ne pouvons que ressentir beaucoup d’empathie et de sympathie.
Une belle humanité pour un dernier au revoir… quant à moi, je vous dis à bientôt Madame Nuala O’Faolain, dans la mesure où je compte bien de pas en rester là puisqu’il me reste encore à découvrir trois de vos romans.

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