Quatrième de couverture
Qu'elle mette en scène (De cape et de larmes) le destin tragique
de deux sœurs dont l'une voit son homme envoyé au goulag et l'autre
part s'installer à Paris avec son père, qu'elle évoque (Le
Roseau révolté) le destin de deux amants séparés par la guerre ou
qu'elle raconte (Le Mal noir) l'exil vers Les Etats-Unis d'un Russe
émigré dont la compagne est morte pendant un bombardement en
France, Nina Berberova n'a de cesse qu'elle ne rende dans ses plus
subtiles variations la détresse profonde de ces immigrés de la première
génération, dépouillés de leur langue, de leurs
affections, de leur territoire. Avec le premier volume des Récits
de l'exil, voici donc réunis dans Babel l'ensemble des " petits romans "
écrits de 1934 à 1959 sur ce thème par la
romancière russe.
Recueil lu une première fois en 1993, j’avais gardé le souvenir
d’une lecture un peu languissante et très mélancolique, avec
l’impression d’être passée à côté de quelque chose. Après l’avoir
sagement remis sur mes étagères, je m’étais promise de le relire un
jour, plus tard…
Et voilà que ce plus tard arrive 17 ans après.
Et là, miracle, j’ai beaucoup aimé ! Je crois que les années passant,
je suis devenue plus sensible à son style, un brin désuet mais à
l’émotion contenue derrière une apparente sobriété
des mots.
Récits sur l’exil, le renoncement, la rupture, l’éloignement, la
déliquescence et la solitude, j’ai particulièrement apprécié Le Roseau révolté
: on ne sait pas très bien où
Berberova veut nous mener au cours de son récit mais elle nous y
mène avec finesse et une telle élégance que nous arrivons à son terme
encore tout songeur et méditatif. J’ai eu plus de mal avec
Le mal noir, plus évaporé et plus diffus mais qui
rend si bien ces moments de désillusions et de découragements, proches
d’un à quoi bon périlleux lorsqu’on a le sentiment de
porter en soi depuis toujours ce mal de l’exil quoi que l'on fasse
et où que l'on aille.
Je suis très contente d’avoir enfin relu ce recueil et je n’ai qu’un
seul regret, celui d’avoir attendu tout ce temps avant de revenir vers
Nina Berberova mais peut-être que ce temps là était
nécessaire, allez savoir !
[De cape et de larmes] Il y avait chez lui ce je ne sais quoi d'usé que l'on trouve chez les Russes, cette usure particulière née de l'exil, et qui ne pouvait finir qu'avec lui. N'y échappent que de rares bons vivants ou des voyous, les autres étant à jamais marqués de son sceau, à commencer par le dos luisant de leur veston, les aiselles malodorantes, et jusqu'aux manchettes trouées, aux cravates en fin de parcours, aux mouchoirs gris.
[Le Roseau révolté] Je cours vers la sortie pour arriver jusqu'à cette porte, pour lui crier : Einar ! Adieu ! Sois heureux sur la terre ferme, ici nous nous noyons, nous allons bientôt couler, et même si nous en réchappons, nous ne serons plus les mêmes...
[Le mal noir] Puisque même les morts ressuscitent parfois, alors pourquoi pas moi, qui suis vivant ?