Entre le Sud paisible, rural et conservateur et le Nord industriel, besogneux et âpre de l’Angleterre du XIXe siècle, la jeune Margaret Hale regagne le presbytère familial dans un village du sud de l'Angleterre après un long séjour à Londres chez sa tante. Pasteur de la petite paroisse rurale d’Helstone, le père de Margaret se met à douter de sa foi et décide de quitter son ministère pour des raisons de conscience. Il décide d’installer sa famille dans une ville industrielle du Nord afin de gagner sa vie en tant qu’enseignant. Margaret va devoir s'adapter à cette nouvelle existence dans ce monde industriel rude et poisseux. Elle méprise profondément cette classe de nouveaux riches sans éducation que sont les manufacturiers. La conscience sociale de Margaret s'éveille à travers les relations qu’elle noue avec certains ouvriers des filatures locales et les rapports difficiles qui l'opposent à leur patron, le sombre et redoutable John Thornton, également élève favori et ami de son père. L’hostilité affichée de Margaret à son égard n’empêchera pas John de tomber sous son charme…
Elizabeth Gaskell (1810-1865), fille et femme de pasteur, est une digne représentante de la littérature victorienne de son époque : le romantisme toujours présent se conjugue au réalisme social en pleine révolution industrielle. Réflexion sur la foi et l’engagement, évolution des mœurs et des relations sociales, exploitations ouvrières, misère grandissante dans les métropoles, puritanisme ambiant, féminisme émergeant, toutes les conventions du genre sont respectées dans ce roman fleuve paru initialement en vingt épisodes hebdomadaire dans une revue éditée par Charles Dickens, avant sa publication remaniée en 1855. Cette fresque sociale opposant le Nord industriel au Sud rural joue tout de même sur un registre plus subtil qu’une opposition nette et tranchée : si l’auteur nous parle avec compassion des mauvaises conditions de travail imposées aux ouvriers ainsi que de la vie précaire des femmes à cette époque, elle n’en oublie pas moins le point de vue des patrons, cette nouvelle classe sociale émergente de manufacturiers sans beaucoup d’instructions mais qui ont appris rapidement sur le tas en prenant parfois de grands risques pour développer leur entreprise malgré le regard dédaigneux des grandes familles aristocratiques. Et si l’histoire d’amour est cousue de fil blanc (un homme et une femme que tout oppose mais qui s’attirent irrémédiablement), les personnages secondaires ne manquent pas de sel et les différents points de vue sont bien rendus.
Nord et Sud est un roman victorien plaisant, qui se lit très vite malgré son épaisseur. A conseiller donc aux aficionados du genre.
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