Toujours, les hommes qui prétendent combattre pour Dieu sont les plus insociables de la terre ; parce qu’ils croient entendre des messages divins, leurs oreilles restent sourdes à toute parole d’humanité.
A propos de John Knox, Chapitre Retour en Écosse
Il est dans le caractère ardent et passionné de Marie Stuart de s’illusionner facilement. Les songe-creux de son espèce considèrent rarement les choses à leur vraie mesure ; ils ne les voient que telles qu’ils voudraient qu’elles fussent. Sans cesse balancés entre l’engouement et la déception, ces incorrigibles ne se dégrisent jamais complètement ; revenus d’une illusion, ils retombent aussitôt dans une autre, car l’illusion est leur véritable monde et non la réalité.
A propos de Marie Stuart, Chapitre Second mariage 1565
Marie Stuart, reine d'Écosse et reine consort de France, aurait pu prétendre également à la couronne d'Angleterre. C’est d'ailleurs en refusant de ratifier le traité reconnaissant les droits d’Élisabeth Tudor sur le royaume d'Angleterre qu’elle signa son arrêt de mort, dans la mesure où elle constitua jusqu’à la fin de sa vie une menace potentielle pour sa cousine, qui craignait de voir vaciller sa couronne, déjà si difficilement acquise. Mariée à trois reprises, Marie Stuart a l’art de se mettre dans des situations totalement rocambolesques, au point de devoir se réfugier auprès de sa rivale, Élisabeth Ire, qui la retiendra vingt ans captive avant de la faire condamner à mort pour trahison. En faisant exécuter à la hache Marie Stuart en 1587, celle qu’on disait criminelle (la reine d'Écosse aurait participé à l’élaboration du meurtre de son deuxième époux - Henry Stuart dit Lord Darnley - et ce avec l’aide de son amant le comte de Bothwell, avec lequel elle s’unira pour la troisième fois dès le forfait accompli) restera surtout dans les mémoires comme la martyre de la foi catholique qui affronta son destin avec courage et dignité. Si le décès de Marie Stuart inaugure d’autres décapitations à venir (Charles Ier Stuart, Louis XVI, Marie-Antoinette d'Autriche), elle n’en demeure pas moins l'ancêtre de tous les rois qui succédèrent à Élisabeth Tudor jusqu’en 1714.
Katharine HEPBURN dans Mary of Scotland de John Ford (1936) |
Ce destin tragique et diaboliquement romanesque inspirera de nombreux écrivains et cinéastes, et c’est assez naturellement que Stefan Zweig s’en emparera pour écrire sa biographie, même si de nombreuses zones d’ombres subsistent encore. Si j’ai déjà pu apprécier dans le passé d’autres biographies écrites par Stefan Zweig (comme Fouché, Érasme ou Amerigo), je ne peux pas m’empêcher de trouver que l’écrivain s’en sort cette fois-ci moins bien avec Marie Stuart. Manifestement entiché de la reine d'Écosse, une femme passionnelle au tempérament fougueux et entier mais finalement assez suicidaire, le biographe en perd parfois la mesure en se lançant de temps à autre dans ce que j’appellerai de la psychologie de comptoir. Ramener à plusieurs reprises la personnalité de Marie Stuart à son sexe (c’est une femme, entendez par là qu’elle est forcément gouvernée par ses sens au détriment de la raison) ou le conflit entre les deux reines à un crêpage de chignon, laissent tout de même assez perplexe. Je ne parlerai pas pour autant de misogynie de la part de Stefan Zweig, tant je pense que ces interprétations reflètent plus l’époque de son auteur qu’autre chose. A ces bémols s’ajoutent également quelques redites et autres partis pris suffisamment marqués pour en devenir un peu gênants.
Si cette biographie reste malgré tout intéressante dans son ensemble (j’ai appris pas mal de choses), j’en ai suffisamment gardé un gout de trop peu pour avoir envie de ne pas en rester là.
Note : 3 ½ sur 5
D'autres biographies romancées à découvrir sur ce blog :
* D. de Robert Harris
* Le roman de monsieur de Molière de Mikhaïl Boulgakov
* Fouché de Stefan Zweig
Toutes les biographies écrites par Stefan Zweig sont passionnantes. En particulier, celle sur Marie Antoinette.
RépondreSupprimerJe n'ai pas vraiment été passionnée par cette biographie, surtout si je la compare avec celle sur Fouché, nettement meilleure selon moi. Ceci dit, je compte bien poursuivre dans la veine biographie de Stefan Zweig : Émile Verhaeren, Balzac, Dickens, Dostoïevski, Kleist, Hölderlin, Nietzsche auront ma priorité, sans oublier Marie Antoinette, bien sûr :)
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