Synopsis
Dans une plaine infinie balayée par le vent, Cochise et Gilou, deux inséparables chasseurs de prime, sont à la recherche d’un téléphone volé au contenu sensible. Leur chemin va croiser celui d’Esther et Willy, un couple en cavale. Et si c’était la fin du monde ? Dans cette petite ville perdue où tout le monde échoue, retrouveront-ils ce que la nature humaine a de meilleur ? Ce sont peut-être les derniers hommes, mais ils ne sont pas très différents des premiers.
Bouli Lanners et Albert Dupontel, outre le fait qu’ils soient tous les deux acteurs et réalisateurs, ont la particularité de porter en eux ce que j’appellerai une certaine angoisse existentielle. Une anxiété commune qu’ils partagent assurément, même si elle s’exprime de manière très différente dans leur filmographie respective : plus tendre, plus poétique, plus pudique, plus émouvant chez l’un, plus vif, plus grand guignol, plus retors, plus sarcastique chez l’autre. Quoi qu’il en soit, je les aime beaucoup tous les deux et c’est un grand bonheur de les retrouver ensemble dans ce film qui a tout du road-movie, même s’il emprunte souvent les sentiers du film noir ou du western crépusculaire, tout en évoluant allégrement dans une dimension spirituelle et parfois même religieuse. Attention, il ne s’agit pas ici d’être plus catholique que le pape, tant certaines personnes risquent de ne pas trouver à leur goût le Jésus de Bouli Lanners, qui n’hésite pas à jouer de la gâchette pour aider son prochain.
Les paysages désolés, les infrastructures abandonnées et les ciels plombés de la Beauce servent de magnifiques écrins à ce qui pourrait s’apparenter à la fin d’un monde, ou du moins la fin d’un cycle, à moins que ce soit la fin d’une vie. Une trajectoire qui pourrait sembler toute tracée si la vie n’était pas faite de rencontres ; un agencement d’individus à un moment donné, qui parfois sont comme des planètes qui se cognent assez durement que pour s’anéantir, qui d’autres fois sont comme des planètes qui se frôlent sans conséquence apparente, mais qui pourtant feront dévier sensiblement leur centre de gravité. Car si nous commençons le film dans un monde à l’agonie, dans lequel la solitude, la fugacité de la vie et le doute se font la part belle, ce n’est que pour mieux adopter ensuite une certaine forme de résilience et de rédemption dans son cheminement. Et si l’espoir et l’optimiste étaient possibles ? semble nous dire Bouli Lanners, qui signe ici son film le plus personnel (c’est lui qui le dit) et le plus abouti de sa courte filmographie (c’est moi qui souligne). Un très joli film, dans lequel même les silences sont habités.
Les premiers, les derniers de Bouli Lanners a remporté cette année le prix Europa Cinemas Labels et le Prix Oecuménique au Festival International du Film de Berlin.
Réalisateur :
Bouli Lanners
Acteurs :
Bouli Lanners, Albert Dupontel, Suzanne Clément, David Murgia, Max von Sydow, Michael Lonsdale, Serge Riaboukine
Origine :
Belgique
Année de production : 2015
Date de sortie en Belgique : 24/02/2016
Durée : 1h38
☆☆☆☆
Aaaaaaaaah ! Je l'attendais impatiemment, ta chronique ! Je suis une nouvelle fois ravi de nous voir à l'unisson sur ce chouette film, aussi noir que lumineux, finalement. Il y a plein d'aspects sur lesquels je suis d'accord avec toi: ce serait un peu fastidieux de les énumérer, mais j'en reparle bientôt...
RépondreSupprimerCe film est un exorcisme pour Bouli et ça le rend encore plus beau, je trouve. Et je suis bien d'accord pour dire qu'un vrai optimisme finit par percer les nuages, au point qu'on finisse par se demander qui sont les vrais inadaptés. Je retiens aussi la phrase de Michael Lonsdale: "Vivre, ce n'est pas seulement respirer".
Et puis, OK, Jésus a la gâchette facile, mais tu auras remarqué qu'en toute circonstance, il demande toujours les choses poliment !
Ah mais je l’aurais bien volontiers écrite plus tôt, si ce n’est que le film n’est sorti sur nos écrans que très récemment, je crois même qu’il y a un mois d’intervalle entre la sortie française et belge.
SupprimerIl y a finalement peu de paroles dans le film, mais certains dialogues nous marquent d’autant plus. Je retiens aussi le court dialogue entre Jésus et Gilou, à l’hôpital. Qui dit quelque chose dans le genre :
Jésus : « Tu es marié toi ? Tu as des enfants ? »
Gilou : « Euh non. Non. »
Jésus : « Mais alors, qui s’inquiète pour toi ? »
Gilou : « Et bien… j’imagine mes amis… »
Jésus : « Et toi, pour qui tu t’inquiètes ? Je veux dire, à part pour toi-même ? »
Gilou : « … »
Ah j’adore ce dialogue. Car il n’est évidemment pas question de stigmatiser les personnes qui ne sont pas en couple ou qui n’ont pas d’enfant (ce serait faire un affront à Bouli Lanners que de penser une chose pareille), mais de relever un des plus grands maux de notre époque, à savoir notre individualisme. Une société qui exploite magnifiquement bien notre propension à l’égoïsme et au narcissisme.
Et quel mimétisme entre Michael Lonsdale et Bouli Lanners, tous deux avec leur moustache et leur longue barbe. On pourrait penser que c’est voulu dans le film, une sorte de miroir l’un de l’autre, le premier et le dernier, le relais et la transmission. Mais pour les avoir vus « en vrai » côte à côte à la séance de présentation du cycle consacré à Michael Lonsdale à la Cinématek, on se rend compte que c’est leur apparence « normale », tant ils avaient exactement le même look que dans le film. C’était assez surprenant.
J’ai lu une interview intéressante, dans laquelle Bouli Lanners disait qu’il était très content de ce film mais qu’il avait l’impression d’avoir enfin déposé ses valises. Dans le sens où ce film était un film charnière, réalisé à un moment charnière de sa vie. Et qu’il sent qu’il y aura quelque chose de différent par la suite. Comme la fin d’un cycle et le commencement d’autre chose… L’avenir nous le dira, en tout cas, je serai fidèle au rendez-vous !
Pour terminer ce (long) commentaire, le fait que Bouli s’autorise à être optimiste est finalement aussi un soulagement pour le spectateur. Comme il le dit si bien, son film « va vers la lumière ».
Quoi qu’il en soit, au plaisir de lire prochainement ta chronique :)
J'ai jamais pu apprécier un film avec Dupontel, il me file trop l'angoisse rien qu'à le regarder et c'est comme ça sans doute qu'on rate de bons films dont celui-ci certainement selon ton commentaire.
RépondreSupprimerAh tu me fais rire Alex, mais oui, je te comprends, car l'angoisse chez Albert Dupontel est assez marquée sur son visage. Bizarrement, cela ne me pose aucun souci, car finalement je m'y retrouve aussi quelque part dans sa façon de voir les choses. Ceci dit, il semble avoir une personnalité assez torturée, du genre pas facile à vivre tous les jours. Il m'avait épatée la fois où il était venu à Bruxelles pour une interview, dans l'émission Hep Taxi !. Le jour où il a découvert Simenon, et bien il a tellement bien apprécié l'ambiance des romans de l'auteur qu'il a lu toute son œuvre d'une traite ! J'ai trouvé ça incroyable. Et puis en réfléchissant, je me suis dit que cela allait bien avec sa personnalité. Pas de demi-mesure avec Dupontel, et je crois que c'est aussi pour cela que je l'aime bien.
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