L'Autre rive (Gagma Napiri, 2009) de George Ovashvili ****
Avec Tedo Bekhauri, Galoba Gambaria, Nika Alajajev
Suite
à l'effondrement de l'Union Soviétique, les géorgiens ne sont plus les
bienvenus en Abkhazie, qui déclare son indépendance de la Géorgie en
tant que République en 1992. Cette indépendance n’est toujours pas
reconnue par la Géorgie.
Le
jeune Todo et sa mère, qui ont fuit les combats faisant rage dans la
région, se sont réfugiés depuis plusieurs années à Tbilissi, la
capitale. Ils vivent dans un taudis, Todo ne va pas à l'école,
travaille chez un garagiste et ramasse un peu d'argent en se livrant à
de menus larcins, pour dissuader sa mère de se prostituer. Lorsqu'il
la surprend avec un client au lit, il décide de quitter la ville et de
passer le pont, zone frontière entre la Géorgie et l'Abkhazie, pour
retrouver son père malade, et de ce fait resté dans la région depuis
leur départ. Un périple semé d'embûches l'attend, fait de bonnes et de
mauvaises rencontres, un retour aux origines à
travers un pays meurtri par un conflit ethnique, et qui a laissé des
traces visibles dans le paysage.
Ce
premier long métrage du réalisateur géorgien George Ovashvili impose le
respect. Un film d'une belle ampleur, intimiste et sociétal à la fois,
porté par un jeune garçon souffrant de strabisme, ce qui lui confère une
présence étrange, décalée, à part, comme s'il était également exilé
au-dedans, avec l’œil gauche comme tourné vers l'intérieur et l’œil
droit qui vous regarde bien en face. Avec parfois le besoin de fermer
fort les yeux pour ne plus voir ce qui s'impose à lui ou ce qu'il devine
et qui adviendra. L'enfance meurtrie, c'est la terre natale du
réalisateur qui saigne, amputée d'une partie de son territoire. Très bel
hommage du réalisateur à la Géorgie.
La Terre éphémère (Simindis kundzuli, 2014) de George Ovashvili ****
Avec İlyas Salman, Mariam Buturishvili, Irakli Samushia
Sur
le fleuve Inguri, frontière naturelle entre la Géorgie et l’Abkhazie,
des bandes de terres fertiles se créent et disparaissent au gré des
saisons. Un vieil Abkhaze et sa petite fille cultivent du maïs sur une
de ces îles éphémères. Le lien intense qui les lie à la nature est
perturbé par les rondes des garde-frontières.
George
Ovashvili confirme tous les espoirs placés en lui avec ce deuxième long
métrage, tout aussi réussi que le premier. Mais cette fois, nous ne
sommes pas avec les géorgiens exilés dans leur propre pays mais avec les
abkhases. Il est malgré tout toujours question de frontière, de
conflits ethniques et de méfiances réciproques, de communication
difficile par usage de langues différentes, sans oublier le parcours
initiatique déjà présent dans L'autre rive, sauf qu'il s'agit ici d'une
jeune fille. Si les images étaient âpres et tristes dans L'autre rive,
La Terre éphémère impressionne par la beauté de ses paysages, un rappel
de la nature indomptable que l'homme s'approprie de manière très
éphémère par l'entremise d'un dur labeur. Une façon comme une autre de
le remettre à sa juste place. Il y a quelque chose d'orgiaque dans ce
cycle des saisons. George Ovashvili utilise une nouvelle fois son
langage cinématographique qui se passe de paroles inutiles, et on ne
peut s'empêcher de penser qu'il y a de la grandeur dans ces
images-là.
Je ne connaissais pas du tout ce réalisateurs et ces films.
RépondreSupprimerMerci de la belle découverte je me les note.
Bon week end
Merci de ton passage, Laura.
SupprimerJe te les conseille bien volontiers. Il a déjà tourné un troisième film, mais que je n'ai pas encore vu, raison pour laquelle je n'en parle pas dans ce billet.
Très bon we à toi également.
Hello. Moi je n'ai vu que le troisième, Khibula, excellent lui aussi.
RépondreSupprimerBonjour Eeuguab,
SupprimerVoilà une bonne nouvelle ! J'espère avoir l'occasion de le voir prochainement et je t'encourage de voir ses deux premiers films :)
Bon dimanche.
Merci pour cette double chronique, Sentinelle. Je viens avec un autre cas de figure: moi, j'ai vu "La terre éphémère" (que j'avais bien aimé) et "Khibula" (qui m'avait moins convaincu).
RépondreSupprimerJ'ai très envie de voir "La terre éphémère" pour compléter ma pseudo-collection, mais ce n'est pas facile d'attraper un tel film. Sauf si mes chaînes cinéma se bougent !
D'une manière générale, j'ai l'impression qu'il y a aussi de belles choses à voir dans le cinéma de l'est de l'Europe, un peu trop rare peut-être sous nos latitudes francophones. Est-ce indiscret de te demander comment tu as eu l'occasion de découvrir George Ovashvili ?
J'ai lu aussi que son troisième film, Khibula était moins convainquant que les deux autres, mais j'aimerais beaucoup le voir quand même. Le problème, c'est de tomber dessus car ce sont tout de même des films difficiles à trouver. Je crois d'ailleurs qu'ils ne sont jamais sortis dans les grandes salles en Belgique, hors festival du moins.
SupprimerRho, tu me fais faire une petite remontée dans le temps. J'ai eu l'occasion de découvrir George Ovashvili par un ami cinéphile qui était ressorti de sa séance avec grand enthousiasme. C'était pour La terre éphémère, vu au festival de la Rochelle. Je ne l'ai pas oublié mais cela m'a mis du temps de tomber dessus. Je me demande s'il n'a pas été diffusé à la télévision belge, à une heure très tardive. L'autre, je l'ai téléchargé. Et je n'ai pas encore trouvé Khibula. Il faut être patient quand on aime les films qui sortent des circuits habituels !
J'ai retrouvé ton billet et je l'ai mis en lien. C'est comique car tu as l'historique de ma découverte du film dans tes commentaires :-)
SupprimerC'est certain que la patience peut payer, parfois. D'ailleurs, je dois bien dire qu'elle peut être utile en d'autres circonstances. La preuve: tout à ma frénésie, je me rends compte que j'ai écrit "J'ai très envie de voir La terre éphémère", alors que, bien sûr, c'est "L'autre rive" qui manque à l'appel pour moi...
RépondreSupprimerMoi, c'est grâce à mon association que j'ai découvert le réalisateur.
Pas de souci, je pensais bien qu'il s'agissait de L'autre rive, moins vu sans doute que La terre éphémère.
SupprimerJ'ai mis ton billet à l'honneur et j'ai relu nos commentaires échangés à ce propos (voir mon commentaire au-dessus).
Merci beaucoup ! :-)
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