lundi 23 juillet 2018

Le Septième Jour de Yu Hua

« J'étais conscient de l'importance de ce jour : c'était le premier jour depuis ma mort.  »

Yang Fei vient de mourir dans une explosion.  Il déambule dans un sorte d'entre-deux, errant dans un endroit où sont les morts sans sépulture. Sur le chemin de sa mémoire, il revient sur les fragments de son passé, tout en remontant le cours du temps à l'aide des personnes qu'ils l'ont marqué, d'une manière ou d'une autre, et qu'il croise sur sa route. Des morts qui ont tous été, d'une façon qu'ils leur appartiennent, victimes du monde moderne. 

Car la société qu'a quittée Yang Fei est une société malade, violente, immorale, gangrenée par la recherche du profit à tout prix.  Une société qui s'effondre, comme en témoigneront ceux qu'il rencontre, revenant sur les circonstances de leur mort et qui sont autant de témoignages d'une société qui s'égare : destruction forcée des habitations, affaissement de terrain, dissimulation, corruption et malversation des autorités, qui fuient leurs responsabilités. L'auteur ne ménage pas son époque, énumérant l’indécence des scandales (médicaux, politiques, environnementaux, financiers) d'une société dans laquelle l'argent divise et sépare, jusqu'aux membres d'une même famille ou d'un couple. Des morts sans sépulture condamnés à porter leur propre deuil car personne ne portera un brassard noir pour eux : famille décomposée, perdue de vue, en brouille ou tout simplement inexistante.

L'Enfer est-il sur terre ? Tout de même pas, car des liens d'amour existent et subsisteront,  par delà la mort. Comme l'amour entre une jeune fille et un jeune garçon, ou encore l'amour d'un fils,  notre (anti-)héros Yang Fei, pour son père adoptif.  Il ne renoncera jamais à l'idée de retrouver son père sur l'autre rive, un monde de l'entre-deux où ceux qui n'ont pas de sépulture sont condamnés à vivre éternellement, mais dans lequel la haine n'a pas franchi la frontière qui sépare la vie de la mort : elle a été retenue dans le monde qu'ils avaient quitté. Ne serait-ce pas cela le paradis ?

« Assis dans ce cercle silencieux, j'entends le bruit du feu, un bruit de frétillement ; j'entends le bruit de l'eau, un bruit de battement ; j'entends le bruit de l'herbe, un bruit de bercement ; j'entends le bruit des arbres, un bruit de mugissement ; j'entends le bruit du vent, un bruit de frottement. C'est comme si ces bruits se confiaient à nous. »
Une sorte de conte philosophique porté par une voix d'outre-tombe sereine et comme apaisée. 

Le Septième Jour de Yu Hua, traduit du chinois par Isabelle Rabut et  Angel Pino pour les Éditions Actes Sud. Parution dans la Collection Babel en avril 2018, 272 pages.

2 commentaires:

  1. Ah, zut, nous aurions pu faire une lecture commune, je l'ai acheté récemment ! Tu as lu d'autres titres de cet auteur ? J'ai l'impression que ce titre est un peu différent de Brothers, par exemple, dont le propos est tragique mais le ton très cocasse...

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    1. Ah tiens, moi aussi je venais de l'acheter récemment ! Oui, j'ai lu Brothers, que j'avais beaucoup aimé. Et j'ai Le Vendeur de sang dans ma PAL. Le ton ici est très différent de Brothers, effectivement. Un point commun : la paternité et toute l'importance de l'amour d'un père, qui est très présent également dans ce roman. Il n'y a pas beaucoup d'humour non plus, quelque chose de triste et d'apaisant à la fois. Sur un ton assez distancié, nous ne sommes jamais dans le mélodramatique. Un peu de longueurs sur la fin mais j'ai bien aimé l'ensemble.

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