mardi 10 avril 2012

L'oreille interne de Robert Silverberg

Quatrième de couverture
 
David Selig, Juif new-yorkais d'une quarantaine d'années, se considère comme un raté. Il est pourtant télépathe et pourrait profiter de ce don pour faire fortune, conquérir - et garder ! - les plus belles femmes... Mais non, rien à faire, il estime être un monstre tout juste bon à faire le nègre sur des devoirs d'étudiants, incapable de réussir sa vie. La dernière preuve en date : ce talent qu'il déteste tant, mais qui est finalement son seul lien avec le reste de l'humanité, est en train de le quitter ! Apeuré à l'idée de se retrouver seul avec lui même, Selig nous conte sa misérable existence. Grand roman psychologique, plein d'humour et de mélancolie, L'oreille interne est peut-être le plus beau livre de Robert Silverberg et à coup sûr un chef-d'œuvre de la science-fiction.
 
Je suis passée à côté de L’oreille interne alors qu’il a en général très bonne presse et même considéré comme un des romans incontournables de Robert Silverberg. Comme je n’ai pas lu d’autres romans de cet auteur, je ne sais pas trop si Robert Silverberg n’est tout simplement pas un auteur pour moi (je compte lire prochainement L’homme dans le labyrinthe pour m’en faire une meilleure idée) ou si cela tient principalement du fait que j’ai trouvé le personnage principal agaçant au possible : toujours à se plaindre et à larmoyer sur son sort, un coup je suis télépathe et ça me déprime, un coup je ne le suis plus et ça me déprime tout autant, bref le genre de gars qui se complait dans un dénigrement perpétuel de lui-même et qui a le don de m’agacer plus qu’autre chose. Mais rien à redire côté écriture, qui tient plus que la route :
 
Je suis au point mort. Encalminé, statique, à l’ancre. Ou plutôt non, c’est un mensonge, ou bien si ce n’est pas un mensonge, il s’agit tout au moins d’une inexactitude bénigne, d’un groupe de métaphores erronées. Je reflue. Je reflue tout le temps. Ma marée est en train de baisser. Je me retrouve nu, vaseux, recouvert de mousses et d’algues brunes encore dégoulinantes et tendues vers le flot qui se retire. Des crabillons me parcourent en tous sens. Oui, je reflue, c’est-à-dire que je baisse, que je décline.
 
Le sujet principal pose la question sur la place qu’occupe une faculté dans l’existence d’un individu, sur la mauvaise utilisation de cette faculté mais aussi la dépendance et l’angoisse de la perte : qui suis-je sans ce pouvoir qui m’a été donné ? Le questionnement et le doute quant au talent, au « don » d’écriture pour Robert Silverberg, au « don » de télépathie pour David Selig ? On ne peut effectivement pas s’empêcher de penser que l’auteur ait mis beaucoup de lui-même dans son roman, y compris ses doutes existentiels quant à son talent d'écrivain.
 
Mais pourquoi David Selig tient-il à retrouver un pouvoir ? Pourquoi ne pas le laisser s’éteindre ? Il a toujours été une malédiction pour lui. Il l’a coupé de ses semblables, il l’a voué à une vie sans amour, laisse tomber, Duv. Laisse-le partir. Laisse-le te quitter. Mais d’un autre côté, sans ton pouvoir, qu’est-ce que tu es ? Sans cet unique, sans ce faible, sans ce périssable, sans cet inconsistant moyen de contact avec eux, comment pourras-tu les atteindre ? Ton pouvoir te relie à l’humanité, pour le meilleur et pour le pire, et c’est la seule attache que tu aies. Avoue-le. Tu ne peux pas te permettre de le laisser filer. Tu l’aimes et tu le méprises en même temps, ce don que tu possèdes. Tu as peur de le perdre, malgré tout le mal qu’il t’a causé. Tu es prêt à te battre pour te raccrocher à ses derniers lambeaux, même si tu sais d’avance que le combat est perdu. Lutte donc. Relis Huxley. Essaie l’acide, si tu l’oses. Essaie la flagellation. Essaie au moins le jeûne. Je renonce au chow mein. Je renonce au rouleau de printemps. Glissons une nouvelle feuille dans la machine et attaquons-nous à Ulysse en tant que symbole de la société.
 
Reste ces petites dissertations littéraires et scientifiques qui émaillent ici et là le récit et qui sont peut-être les seuls moments où le personnage s'exprime vraiment, où il y a enfin de la vie, de la passion, de l’implication.
 
Je pense que ma lecture aurait été tout autre si le personnage ne s’était pas autant auto-apitoyé sur lui-même.  Cet anti-héros ne suscitant aucune sympathie de ma part, j’ai lu ce roman avec un certain désintérêt et détachement au point où j’ai longtemps hésité à l’abandonner à son triste sort. Finalement je l’ai terminé sans trop bien savoir si j’avais bien fait de prendre sur moi tant tout me semblait insipide du début à la fin. Quand je vous disais que j’étais passée à côté.

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