samedi 14 juillet 2018

Le réalisateur Ingmar Bergman : 100 ans déjà

Persona (1966) d'Ingmar Bergman



« Ah, Bergman, pour te foutre le blues, c’est le chef d’escadrille. » 

 Le sourire de Claude Miller, avec  Jean-Pierre Marielle


« Tant de fantômes, de démons, d'êtres surnaturels sans nom, ni lieu, m'ont entouré depuis mon enfance. » 

« Oui, c'est vrai, j'ai de la tension, j'en ai depuis qu'il m'a fallu passer par une période d'humiliation et d'avilissement, les joues me brûlent et j'entends quelqu'un qui hurle, peut-être est-ce moi. »

Le cri (détail) d'Edvard Munch

« Fantômes, diables, démons, bons, méchants ou simplement contrariants. Ils m'ont soufflé au visage, bousculé, piqué avec des épingles, ils m'ont attrapé par le bout de mon chandail.  Ils m'ont parlé, sifflé, chuchoté : des voix claires, pas particulièrement intelligibles, mais impossibles à ignorer. »

Extraits de Laterna Magica d'Ingmar Bergman

Squelette arrêtant masques (1891) de James Ensor



« En se confrontant avec ses démons, il a fait un travail de catharsis. Il a, en fait, dansé avec ses démons. »

Liv Ullmann


«  Je n’ai jamais vu un auteur qui filme sa vulnérabilité avec tant de générosité. La grandeur de Bergman vient de sa vulnérabilité magnifique

Pour moi, et je pense que c’était le cas chez lui aussi, écrire un film est une façon de se battre avec soi-même et de retrouver momentanément, quand le film est écrit, une forme d’harmonie et de structure. »

Joachim Lafosse

«  Bergman n'est pas obscène, il est indécent.  »

 Jeanne Moreau



« Ce ne sont pas des films aimables. » 

Philippe Lioret 





Je ne contredirai pas Philippe Lioret à propos des films d'Ingmar Bergman, qui traitent tour à tour de thèmes aussi réjouissants que la famille et la transmission de ses névroses, du couple, de la femme, de l'amour, du désir, de la mort (Eros et Thanatos, très présents dans son œuvre), mais aussi de la maladie, de la religion, de la foi, de la perte et du retour vers le passé sans complaisance lorsque l'heure du bilan est venue.  Un cinéma exigeant, et de ce fait des films très peu diffusés à la télévision. Il faut se rabattre sur les DVD, les cinémathèques ou les divers festivals pour avoir la possibilité de voir ses films, tout en s'armant de courage et de volonté pour affronter la foudre bergmanienne, avec ses masques qui tombent et les vérités qui blessent.

Aujourd'hui, cela fait exactement cent ans que naissait Ingmar Bergman, à Uppsala. Des réalisateurs aussi prestigieux que Kubrick (The Shining), Tarkovski (Le sacrifice), David Lynch (Mulholland drive), Lars Von Trier ou Woody Allen l’ont cité pour modèle.  Ce qui frappe dans les films de Bergman est notre sentiment qu'il y a beaucoup de choses intimes et très personnelles dans son cinéma, bien sûr transformées, romancées, mensongères et manipulées, hystérisées même, mais le substrat est on ne peut plus authentique et sensible, tant la plaie semble encore à vif et à jamais incicatrisable. 


« Au lieu de visages, nous a-t-on donné des masques à porter ?  au lieu de sentiments, nous a-t-on inculqué l'hystérie ?  »  


« Pourquoi a-t-on fait de mon frère un infirme ? Pourquoi ma sœur a-t-elle été réduite à un cri ? Pourquoi ai-je vécu avec une blessure toujours infectée qui ne s'est jamais refermée et qui me transperçait tout entier ? »  


« (...) je tombe, je tombe et je traverse l'abîme de la vie sans pouvoir me raccrocher à rien.  Cet abîme est un fait.  De plus c'est un abîme qui n'a pas de fond, on ne se tue même pas en s'écrasant sur un rocher ou un miroir d'eau tout au fond.  » 


« Je prie Dieu, sans confiance. Il faudra, sans doute, se débrouiller tout seul, comme on pourra. » 

« (...) tu nais sans l'avoir demandé, tu vis sans sans que cela ait un autre sens que celui de vivre.  Lorsque tu meurs, tu t'éteins.  Tu étais un être, tu te transformes en non-être.  Il n'y a pas nécessairement un dieu qui régisse nos atomes de plus en plus capricieux.  
Ce savoir m'a donné une espèce de sérénité qui a résolument chassé en moi l'angoisse et le tumulte. » 


Extraits de Laterna Magica, autobiographie d'Ingmar Bergman


Le réalisateur Ingmar Bergman


Pour mieux connaître Ingmar Bergman, je ne peux que vous conseiller de lire son autobiographie Laterna Magica, publiée en 1987.  Il revient longuement sur la genèse de son œuvre à travers le vécu de son enfance et adolescence, fils d'un pasteur luthérien à la morale rigide et d'une mère dominatrice.  Un témoignage dans lequel il se flagelle volontiers, se présentant comme arrogant, égoïste, maladif, menteur et fabulateur, une personne dotée d'une imagination débordante pour mieux affronter ses fantômes du passé et qui a porté le choix de la schizophrénie  comme modèle de survie.  Coupé de ses sentiments en s'observant et se mettant en scène, « une maladie professionnelle qui m'a suivi impitoyablement à travers toute ma vie et qui a si souvent escamoté ou désagrégé mes expériences les plus profondes . »





S'il ne fallait ne voir que quelques films de Bergman, voici la liste des films conseillés : 

  • Le septième sceau (1957)
  • Les fraises sauvages (1957)
  • Persona (1966)
  • Scènes de la vie conjugale (1973)
  • Sonate d'automne (1978)
  • Fanny et Alexandre (1982)

Le septième sceau (1957) d'Ingmar Bergman


Les fraises sauvages (1957) d'Ingmar Bergman


Fanny et Alexandre (1982) d'Ingmar Bergman



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9 commentaires:

  1. Bel hommage, Sentinelle ! Merci de nous rappeler ces mots.
    Je dois dire qu'avec Bergman, j'en suis resté à "Persona", que j'ai eu la grande chance de découvrir au cinéma. Quel impact !

    J'ai un coffret assez riche de ses oeuvres. Un cadeau de mon père qui me fait la joie de titiller ma cinéphilie à chaque occasion (ou presque). Je ne m'y suis pas encore "frotté" réellement, malgré les encouragements d'un camarade cinéphile, en totale admiration pour le maître. Je finirai par le faire, c'est sûr... mais j'ai l'idée que Bergman fait partie de ses réalisateurs qui ne te sautent pas au cou pour t'accueillir.

    Ta chronique est une piqûre de rappel. Merci encore.

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    1. Merci à toi pour tes commentaires, Martin !

      Quelle chance d'avoir un coffret, enfin, je peux te souhaiter également un bon courage car Bergman n'est effectivement pas un réalisateur qui te saute au cou pour t'accueillir, belle image par ailleurs :-) Pour ma part, il a plutôt l'art de m'enfoncer la tête sous les sables mouvants.

      Ceci dit, l'oeuvre est - paraît-il - bien plus riche et diverse que je le mentionne, j'ai un peu eu la malchance de me frotter directement à ses films les plus éprouvantes (Cris et Chuchotements, Sonate d'automne et Saraband). Les fraises sauvages sont nettement plus digestes, il est bien possible d'ailleurs que j'en parle plus longuement dans les jours qui viennent.

      J'espère que tu n'attendras plus trop avant de te lancer dans l'aventure bergmanienne, j'ai hâte en tout cas de lire tes billets car je n'ai aucune idée si tu vas les apprécier ou pas.

      A bientôt, Martin, et très bonne fête nationale ! :-)

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  2. Immense, définitivement. Laterna Magica est le livre le plus fabuleux que j'aie lu sur l'enfance et la création. En fait j'ai vraiment découvert ses films tardivement. Il m'en reste une moitié à voir. On ne sait pas qu'il a parfois été (presque, et rarement) burlesque (Toutes ses femmes). Allez, j'en cite trois sur la quinzaine que je connais. Les fraises..., L'heure du loup, Cris et chuchotements. Mais c'est parfaitement arbitraire. Tu as une bonne idée de revenir ainsi sur les essentiels. A bientôt.
    PS. L'ami Martin va se régaler.

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    1. C'est ce qui me fascine le plus dans les films de Bergman, ce pont entre ses angoisses & ses traumatismes et l'aspect créatif, ce qu'il en fait et comment il le transforme en arrivant à le sublimer en une œuvre d'art à part entière. Il m'en reste beaucoup à découvrir. Il y a aussi quelques scènes cocasses entre Isak Borg et sa gouvernante dans Les fraises sauvages. A bientôt, Eeguab.

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  3. Bonjour Sentinelle, comme on en avait discuté, Laterna Magica est un livre formidable et émouvant qui m'avait réconcilié avec Bergman car il permet de mieux comprendre certains de ses films. J'étais sûr que tu allais aimé. Fanny et Alexandra est mon film préféré du cinéaste.

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    1. Pardon : que tu allais "aimer"...

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    2. Bonjour Strum,

      Le plus étonnant, en lisant le livre, c'est que tout ce qu'il disait de son enfance, de ses parents, de son entourage, et bien je l'avais déjà aperçu dans ses films. Mais les petits détails, qui ont toute leur importance aussi, et que je ne pouvais pas deviner, éclaire encore plus son œuvre.

      Pour ce qui est des fraises sauvages, je l'ai revu une deuxième, après avoir vu le complément du DVD, et je l'ai encore plus aimé. J'ai pris plein de notes, il n 'y a plus qu'à mettre tout cela au net et j'y reviendrai plus en détails prochainement ;-)

      Fanny et Alexandra sera probablement mon prochain Bergman.

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  4. Bonjour Sentinelle, merci pour cet hommage à un cinéaste qui aurait eu 100 ans en ce mois de juillet le 14. Et sauf erreur de ma part, en France avec le foot, il n'y a pas eu d'hommages ni quoi que ce soit. Merci pour cette évocation. Bonne après-midi.

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    1. Bonjour Dasola,

      Quel dommage ! Pas vraiment d'hommages à la télévision non plus chez nous, mais bien dans la presse. Et comme j'avais lu dernièrement son autobiographie, je me suis dit qu'il fallait en parler absolument pour l'occasion ;-)

      Bonne soirée, Dasola.

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