Synopsis
Trente ans se sont écoulés depuis que Marianne et Johan, le couple de Scenes de la vie conjugale se sont perdus de vue. Sentant confusément qu'il a besoin d'elle, celle-ci décide de rendre visite au vieil homme dans la maison de campagne où il vit reclus. Entre eux, la complicité et l'affection sont réelles, malgré toutes ces années passées sans se voir. Marianne fait la connaissance du fils de Johan, Henrik, et de la fille de ce dernier, Karin, qui habitent dans les environs. Tous deux pleurent encore Anna, l'épouse d'Henrik disparue...
J'ai toujours beaucoup de mal à me lancer dans un film de Bergman : je
sais que je vais vivre des moments très éprouvants et je me dis à
chaque fois que je dois être un peu cinglée de m'infliger une telle
souffrance. Bergman a souffert de grandir dans une
famille rigoriste très croyante mais j'ai toujours moi-même l'impression de
faire pénitence en regardant ses films, un peu comme si j'allais subir
une séance de flagellation consentante.
Visionner un film de
Bergman, c'est me laisser couler dans une eau noire, en tapant du pied une fois que j'ai touché le fond pour reprendre un peu d'oxygène, avant de me
laisser à nouveau emporter par les bas-fonds. J'avais déjà eu cette impression avec Cris et Chuchotements et Sonate d'automne. Sarabande n'a pas fait exception à la règle, hélas.
Comme
souvent, je me retrouve un peu comme dans une pièce de théâtre filmée,
avec de gros plans sur le visage des acteurs, visages qui trahissent
toutes une gamme d'émotions. Le contenu est très dense : la vieillesse, la mort, la famille et les rapports conflictuels, les rancœurs, la honte, les vexations, l'inceste, les chantages
affectifs, les humiliations, la culpabilité, le suicide, l'amour, la haine
et surtout la rupture et la perte (perte de l'innocence, perte d'un être
cher, perte de ses illusions).
Deux scènes m'ont particulièrement touchée dans
Sarabande : la mise à nu des deux protagonistes au crépuscule de leur
vie et la
dernière scène où Marianne (Liv Ullmann) vient rendre visite à
sa fille dans un hôpital de santé. Le visage
figé de sa fille, qui l'espace de quelques secondes s'illumine de vie
lorsqu'elle ouvre les yeux avant de replonger peu après dans sa léthargie
habituelle, est très émouvant. Comme si la vie n'était qu'un long chemin de croix, parfois illuminée par des moments forts et intenses, avant de replonger dans le néant de l'infini.
Voilà pourquoi je ne peux pas dire
que j'aime les films de Bergman, malgré le fait qu'ils me touchent terriblement : ils sont trop pénibles et douloureux à voir, et ses personnages sont trop monstrueux dans leur humanité sans fard. Reste une Liv Ullmann lumineuse, comme toujours.
Dans le Making off du film, Bergman nous dit
qu'il savait que Sarabande serait sa dernière création et qu'il n'en
ferait pas d'autres, qu'il avait prévenu les acteurs qu'il serait très
exigeant envers eux comme il le serait envers lui-même et que cette
dernière aventure serait très éprouvante pour tout le monde. : il
mettrait toute autre considération de côté et ne serait loyal qu'envers
son œuvre.
J'aime beaucoup aussi les commentaires de Jeanne Moreau, à propos du réalisateur : "Bergman n'est pas obscène, il est indécent". Selon elle, pour être "bergmanien", il faut accepter de se laisser guider tel un
spéléologue pour aller dans les grandes profondeurs. Je pense qu'elle a totalement raison. Et visionner un film d'Ingmar Bergman ne soigne visiblement pas ma propension à la claustrophobie : ses films m'étouffent et me laissent pantelante.
Titre original : Saraband
Réalisateur : Ingmar Bergman
Acteurs: Liv Ullmann, Erland Josephson, Börje Ahlstedt, Julia Dufvenius , Gunnel Fred
Origine : Suède
Année de production: 2003
Date de sortie: 02/02/2005
Durée: 1h47
Bonjour, sentinelle. C'est une très belle critique du film testament de Bergman. Je voudrais juste dire que son cinéma n'est pas aussi univoque que ce que l'on a tendance à dire souvent. Ces premiers films sont d'une veine néo-réaliste (Il pleut sur notre amour, Ville portuaire, ...), il a filmé des comédies, ironiques (Leçons d'amour) ou nostalgiques (Les fraises sauvages), réalisé des films "symboliques" qui devraient plaire à une admiratrice de Tarkovski (Le septième sceau), ou encore mis en scène la montée du nazisme de façon très réaliste (L'oeuf su serpent). Tout cela pour montrer que Bergman est multiple (comme Bunuel, par exemple) et souvent mélancolique et émouvant (Sourires d'une nuit d'été, Fanny et Alexandre).
RépondreSupprimerBonjour Alain. Je n'ai effectivement vu que ses films les plus âpres visiblement, et ce n'est sans doute pas un hasard non plus. Mais je ne m'attendais pas à tant de violences psychologiques. J'ai vu ce film il y a déjà quelques années maintenant, et je n'ai repris ce commentaire du forum dans lequel je l'avais publié que parce que Martin me l'avait remis en mémoire dans un précédent post. Je n'ai plus rien vu de Bergman depuis lors, tant j'ai franchement trouvé ce film traumatisant. Mais j'ai toujours su aussi que je reviendrais un jour vers ce réalisateur. Mais dans quelque chose de plus léger. Je prends donc bien note de ces références :-)
Supprimertu as plus de courage que moi; il y a longtemps que j'ai renonçé a voir un film de bergman c'était trop tordu pour ma petite cervelle
RépondreSupprimerTu me fais rire. Mon premier film de Bergman fut "Cris et Chuchotements", vu il y a plus de quinze ans sur grand écran à la Cinémathèque, et je pense vraiment que ce n'était pas du tout le bon film pour commencer son œuvre. Je crois que mon mari, qui m'avait courageusement accompagnée pour voir ce film, ne pourra jamais me le pardonner. En tout cas, je n'arriverai plus jamais à le tirer avec moi pour voir un film de Bergman :-D
SupprimerBergman sait aussi faire preuve d'humour (le rarissime L'Oeil du diable, le scolaire La Flûte enchantée), de sensualité (Un été avec Monika, Sourires d'une nuit d'été), de tendresse (Ville portuaire, Fanny et Alexandre), sans compter ses lumineux et inoubliables portraits de femmes ; une facette souvent méconnue de son œuvre : la peur, qui trouve en L’Oeuf du serpent, situé dans l'Allemagne de Weimar, son illustration la plus éprouvante, et fait de lui, aussi et à sa façon, un grand réalisateur de films d'horreur, d'ailleurs adoubé par un certain Tobe Hooper, le "père" de Massacre à la tronçonneuse...
RépondreSupprimerhttp://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/07/luf-du-serpent-lenfer-est-lui.html?view=magazine
Merci pour ces précisions Jean-Pascal :-)
SupprimerComme je le disais à Alain, je n'ai pas tiré un trait définitif sur ce réalisateur mais je vais tout de même essayer de voir un de ses films réputés plus tendres comme Fanny et Alexandre par exemple, histoire de ne plus en ressortir traumatisée comme dans le passé !
Hello ici aussi ! :)
RépondreSupprimerBon, effectivement, ce cinéma a l'air de te marquer - je dirais même de t'éprouver. Il faut vraiment que je m'y mette. Je n'ai pas "Saraband" dans ma collection de DVD, mais plein d'autres... on va y aller doucement. Et je vais donc commencer par découvrir "Persona" au cinéma.
Je ne trouve personne pour regarder mes autres Bergman avec moi :D
Tu m'étonnes :D
RépondreSupprimerJe vais probablement en voir un dans les semaines qui viennent, mais moins éprouvant si possible !