vendredi 16 octobre 2015

Le Château de l’araignée d’Akira Kurosawa


Akira Kurosawa, l’un des plus grands maître du cinéma nippon, est également considéré (parfois avec un certain mépris) comme le plus occidental des réalisateurs japonais. Et ce n'est pas cette adaptation de Macbeth de William Shakespeare dans le Japon médiévale du XVIème siècle qui le contredira. Une période propice à ce genre d’intrigue dans la mesure où ce fut une époque très instable dans l’histoire du pays, qui conduisît à l’ascension des samouraïs et à la naissance d'une société guerrière.

Dans un pays en proie aux guerres de successions entre seigneurs, les deux officiers Washizu (Toshirô Mifune) et Miki (Minoru Chiaki) sont sur le chemin de retour d’une bataille victorieuse. Venu rejoindre leur Seigneur qui veut les féliciter pour leur bravoure, ils finissent par se perdre dans le brouillard de la forêt. Ils y rencontrent un fantôme qui leur prédit un grand avenir : outre les honneurs, le spectre prophétise leur ascension sociale prochaine. Mais si Washizu deviendra le seigneur du Château de l'araignée, ce sera le fils de Miki qui lui succédera. Ne voulant croire à de tels prodiges, ils constateront avec effarement que les honneurs reçus par leur Seigneur confirment sa prédiction. Qu’en sera-t-il des autres ? Mise dans la confidence et telle son âme damnée, la femme de Washizu utilisera toute son influence pour encourager son mari à accomplir la partie de la prophétie qui avantage ce dernier…

Si je n’avais pas été démesurément enthousiaste à la vision des Sept Samouraïs (je ne nie aucunement ses qualités mais je l’avais trouvé très long), force est de constater que je m’y suis beaucoup mieux retrouvée avec Le Château de l’araignée, au rythme plus soutenu et sans aucun temps mort. Le personnage joué par la femme de Washizu est absolument effrayant de par son déterminisme et la froideur de son ambition. La folie et la culpabilité grandissantes qui guettent son époux maintiennent également toute l’attention du spectateur, qui pressent bien que tout cela finira mal (il n’y a pas de doute, nous sommes bien dans une pure tragédie). La scène finale est également ahurissante dans la mesure où la multitude de flèches tirées sur le personnage joué par l’acteur Toshirō Mifune étaient de vraies flèches, décochées par de vrais archers. Le réalisateur voulait que l’acteur exprime le mieux possible la terreur du personnage. Dans ces conditions, on image à quel point Toshirō Mifune n’a pas dû beaucoup se forcer pour satisfaire le réalisateur. J’ai beaucoup apprécié également le jeu des acteurs (et particulièrement celui de l’épouse), qui n’est pas sans rappeler le théâtre Nô, à la gestuelle stylisée et comme à l’arrêt, pour mieux souligner certaines accélérations du mouvement ou les mimiques faciales outrancières, plus présentes chez l’acteur. Sans oublier l’excellence de la mise en scène, des décors et des costumes.

Si Le Château de l’araignée fut réalisé en 1957 et gagna quelques prix, il ne sorti en France qu’en 1966, et ce dans l’indifférence générale. Réhabilité depuis, je ne peux que vous conseiller de voir ce film, qui est une belle réussite dans le genre. Je crois d’ailleurs que c’est bien la première fois que j’apprécie la transposition cinématographique d’une pièce de théâtre de William Shakespeare, tant je les trouve habituellement assez rebutantes et ennuyantes. Comme quoi, il ne faut jamais désespérer, merci Monsieur Kurosawa !

L'avis de Martin.




Titre original : Kumonosu-Jo
Réalisateur : Akira Kurosawa
Acteurs : Toshirô Mifune, Isuzu Yamada, Minoru Chiaki
Origine : Japon
Genre : Drame
Année de production : 1957
Durée : 1h50

6 commentaires:

  1. La première moitié du Château de l'araignée est peut-être ce que Kurosawa a fait de plus fort dans sa filmographie. J'étais aussi enthousiaste que toi à la première vision mais à la revoyure(s), la seconde moitié m'a paru un peu longue et ennuyeuse, en fait tout ce qui fait suite à la scène du repas où Mifune hallucine à propos de son ami qu'il vient de faire assassiner.

    Quant aux Sept Samouraïs, c'est je pense le meilleur Kurosawa (je ne suis guère original là-dessus :)), en tout cas c'est celui que j'aime le plus revoir bien que j'aime également beaucoup ses autres films. Pas follement enthousiaste quand je l'ai découvert tout comme toi, mais depuis je l'ai revu quatre ou cinq fois et j'aime tout le film sans réserve. Je le revois à chaque fois en deux fois, comme pour tous les films de plus 3h, car mon attention a tendance à décliner sur une longue durée, même s'il s'agit d'un grand film :))

    A bientôt :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et bien, quand tu aimes, tu ne comptes pas ! Car revoir un film quatre ou cinq fois, ce n’est pas à la portée de n’importe qui ;-) Il y a tout de même une des plus jolies scènes vers la fin du film, qui est celle de la forêt qui se met en mouvement vers le Château.

      J’avoue que je n’ai pas vu jusqu’au bout les Sept Samouraïs, pensant le voir également en deux parties, me disant qu’un petit entracte m'aiderait à en venir à bout (comme toi, ma concentration à tendance à décliner avec la durée d’un film sur petit écran). Mais je n’ai jamais eu le courage de le reprendre après cet entracte...

      Sur ce, à bientôt :-)

      Supprimer
  2. Hello Sentinelle ! J'avais beaucoup aimé ce film - je ne connaissais pas encore l'histoire au moment où je l'ai regardé. Kurosawa est grand ! Et je vais bientôt en reparler chez moi...

    Dommage que tu aies trouvé le temps long devant "Les sept samouraïs". Pour moi, c'est un très grand film. Bon, il faut dire aussi que j'ai eu la chance de le découvrir sur grand écran en copie intégrale et restaurée. Ma fascination pour les fresques de cinéma a fait le reste...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je suis curieuse de lire ton billet, qui paraîtra sans doute prochainement. La chaîne OCS Géant a eu la bonne idée de mettre à l'honneur Akira Kurosawa ce mois-ci, présentant un de ses films toutes les fins de semaine. Je connais assez mal ce réalisateur, n'ayant vu que très peu de ses films jusqu'à présent. Ce sera donc l'occasion ou jamais de me rattraper.

      Je n'ai pas pu apprécier comme il se doit les Sept Samouraïs, et le voir sur petit écran n'a sans doute pas aidé non plus. Curieusement, je lui préfère "Kagemusha, l'Ombre du guerrier", assez long également (153 minutes) mais qui ne m'a jamais semblé long, alors que je l'ai vu également sur un petit écran.

      Bref, si jamais les Sept Samouraïs passe un jour au cinéma en version restaurée, je tenterai quand même de le revoir ;-)

      Supprimer
    2. Hum.. à toutes fins utiles, je précise que c'est d'Akira Kurosawa dont je parlais en disant que j'en reparlerai bientôt. "Le château de l'araignée" fait déjà l'objet d'une chronique publiée ;-)

      Autre chose: comme toi, je me réjouis qu'OCS diffuse plusieurs films du maître japonais. J'en ai regardé ce soir et j'y ai pris beaucoup de plaisir. C'est donc à suivre très prochainement...

      Supprimer
    3. Ah oui, effectivement, je ne l'avais pas totalement compris comme cela, merci de la précision ;-)

      Supprimer