vendredi 18 décembre 2015

Extrait : La langue de ma mère de Tom Lanoye


[p. 7] Elle a d’abord perdu la parole, ensuite la dignité, ensuite le battement de son cœur.

[p. 8 et 9 ] Et j’aimerais vous avertir, lecteur. Si vous n’aimez pas les écrits qui reposent en grande partie sur la vérité et vous laissent imaginer les parties manquantes, si vous êtes déçus par les romans qui, de l’avis de beaucoup, ne sont pas des romans parce qu’il leur manque une tête convenable, une belle queue en panache et un tronc adéquat, et qu’ils n’ont pas, en guise de viscères, un récit proprement cohérent, et si vous êtes indisposé par les textes qui sont à la fois une lamentation, un hommage et un juron grinçant, car ils parlent de la vie même mais présentent en même temps un seul personnage, un parent chéri par l’auteur, alors… Alors le moment est déjà venu pour vous de fermer ce livre.

Reposez-le sur la pile dans la librairie où vous vous trouvez, remettez-le entre les autres ouvrages sur l’étagère de votre club, de votre maison de retraite, de votre bibliothèque publique, du salon de vos amis ou de la maison que vous êtes venu cambrioler.

Achetez autre chose, empruntez autre chose, volez autre chose.

Et passez-vous de l’histoire de ma mère.

La langue de ma mère de Tom Lanoye, traduction d'Alain van Crugten, Éditions de la Différence, Collection Minos,‎ 2012 (réimpr. 2015), 456 pages.

Un conseil de lectrice : ne passez surtout pas à côté de l'histoire de la mère de Tom Lanoye, ce roman est un véritable coup de cœur.

☆☆☆☆☆

A découvrir également :

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6 commentaires:

  1. VOUAH! il n'y vas pas par quatre chemins le fiston! Seul le nombre de pages me rebute un peu mais je suppose qu'avant de sombrer cette dame a dû faire des choses extraordinaires pour susciter de la part de son fils cette idée de roman?

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    1. Effectivement, cette mère, qui était aussi femme de boucher et actrice amateur, était vraiment un personnage haut en couleur. Cocasse, drôle, fantasque, un foutu caractère mais terriblement attachante. Elle peut être fière de son fils en tout cas, car ce livre lui fait vraiment honneur. Et contrairement aux apparences (vu le nombre de pages), il se lit assez vite. Ce livre est aussi un bel hommage à une certaine belgitude.

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    2. ça m'étonnerait qu'elle n'ai pas aussi un peu d'humour bien de chez vous?

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    3. Ah ce fameux humour belge, ce bel arbre qui cache la forêt... tant il est vrai qu'il s'exporte très bien en France. Et pourtant, j’ai toujours pensé que ce sens de l’autodérision, du burlesque et du surréalisme camouflaient surtout une profonde mélancolie. Sais-tu par exemple que le taux de suicide en Belgique est bien plus élevé que la moyenne mondiale ? Alors oui, il y a sans nul doute de l’humour bien de chez nous, mais surtout beaucoup d’autres choses, comme la perte, le deuil, le déclin, la maladie, la déchéance, la mort.

      On retrouve d’ailleurs souvent ces thématiques chez les auteurs belges. Pour ne citer que quelques-uns (tous chroniqués sur ce blog) : Sortilèges de Michel de Ghelderode, Bruges-la-Morte de Georges Rodenbach, La grande nuit d'André-Marcel Adamek, Le chagrin des belges de Hugo Claus, Les marais de Dominique Rolin ou Le Boulevard périphérique de Henry Bauchau. Sans oublier Georges Simenon, qui a écrit quelques romans noirs très durs et extrêmement sombres.

      Mais on préfère en rire qu'en pleurer ;-)

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  2. Quoi est-ce la belgitude ? :-)

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    1. Ahah voilà un mot bien de chez nous, il est vrai ! La belgitude peut se résumer en trois questions : Qui suis-je ? D'où je viens ? Où vais-je ? La belgitude, c'est notre fameuse identité bâtarde et multiple, qui se définit plus volontiers en creux qu'autre chose. Et dans lequel l'humour tente tant bien que mal de colmater les pièces manquantes de notre (trop) grand puzzle identitaire ;-)

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