jeudi 10 novembre 2016

Le garçon de Marcus Malte

Début du roman

Même l'invisible et l'immatériel ont un nom, mais lui n'en a pas. Du moins n'est-il inscrit nulle part, sur aucun registre ni aucun acte officiel que ce soit.  Pas davantage au fond de la mémoire d'un curé d'une quelconque paroisse.  Son véritable nom.  Son patronyme initial.  Il n'est pas dit qu'il en ait jamais possédé un.  Plus tard, au cours de l'histoire, une femme qui sera pour lui sœur, amante et mère, lui fera don du sien, auquel elle accolera en hommage le prénom d'un célèbre musicien qu'elle chérissait entre tous.  Il portera également un nom de guerre, attribué à l'occasion par les autorités militaires en même temps que sa tenue réglementaire d'assassin.  Ainsi l'amour et son contraire l'auront baptisé chacun à sa façon.  Mais il n'en reste rien.  Ces succédanés aussi seront voués à disparaître à la suite de cette femme et de cette guerre et de l'ensemble du monde déjà ancien auquel elles avaient pris part.  Qui le sait ?  Pour peu qu'on daigne y croire, l'unique trace de son passage qui subsiste est celle-ci.

Mon avis

Marcus Malte, reconnu comme l'une des plus belles plumes du roman noir français, est l’auteur d’une dizaine de romans. Il se lance cette fois-ci dans une véritable épopée, en accompagnant les premiers pas dans la société d’un jeune garçon qui vient de perdre sa mère, avec laquelle il vivait jusqu’ici totalement isolé du monde.

Un garçon sans nom et sans paroles, sorte de figure innocente qui va se frotter à la civilisation et au monde des hommes, en découvrant tout ce qui en fait sa grandeur (l’amitié, la générosité, l'art, l’amour) mais aussi sa trivialité et sa férocité (l’ostracisme, la guerre, la maladie, la mort). Un jeune garçon qui servira de fil conducteur à une traversée de la première partie du 20e siècle, de 1908 à 1938 plus exactement.

Marcus Malte donne à son dernier roman une belle ampleur : ambitieux et très bien écrit, tant sa plume se révèle aussi tranchante et incisive que lyrique et passionnée. Une confirmation de son talent d'écrivain, que j'avais déjà aperçu à la lecture d'un précédent roman.

Les prix et autres récompenses ne sont pas toujours mes amis mais il faut reconnaître que Marcus Malte n’a pas volé son prix Femina 2016. Une jolie récompense également pour la maison d’édition Zulma, principalement dédiée à la littérature contemporaine française et internationale, que j’apprécie tout autant. Et je ne suis pas du tout étonnée que le jury du Prix Femina, qui rappelons-le est exclusivement féminin, ait primé ce roman dans la mesure où Marcus Malte nous fait un beau cadeau en nous offrant un personnage féminin romanesque en diable : amie, sœur, maîtresse, amante, femme aimée et désirée, aimante et désirante, intellectuelle, passionnelle, fidèle, charnelle, maternelle… Emma est tout cela à la fois et bien plus encore ! Un Prix Femina bien mérité et une belle réussite pour l'auteur.


Quatrième de couverture

Il n’a pas de nom. Il ne parle pas. Le garçon est un être quasi sauvage, né dans une contrée aride du sud de la France. Du monde, il ne connaît que sa mère et les alentours de leur cabane. Nous sommes en 1908 quand il se met en chemin, d’instinct. Alors commence l’épreuve du monde : la rencontre avec les hommes – les habitants d’un hameau perdu, Brabek, l’ogre des Carpates, lutteur de foire philosophe, Emma, mélomane et si vive, à la fois soeur, amante et mère. « C’est un temps où le garçon commence à entrevoir de quoi pourrait bien être, hélas, constituée l’existence : nombre de ravages et quelques ravissements. » Puis la guerre, l’abominable carnage, paroxysme de la folie des hommes et de ce que l’on nomme la civilisation. Itinéraire d’une âme neuve qui s’éveille à la conscience, émaillé d’expériences tantôt tragiques, tantôt cocasses, et ponctué comme par interférences des petits et grands soubresauts de l’Histoire, le Garçon est l’immense roman de la condition humaine.

Le garçon de Marcus Malte,  Éditions Zulma, Collection Littérature, 18 août 2016, 544 pages

Du même auteur, j'ai beaucoup aimé :

* Garden of love de Marcus Malte

12 commentaires:

  1. J'avais aimé moi aussi Garden of love. Et ce titre me fait très envie depuis sa sortie, je n'ai lu que des éloges à son sujet !

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    1. Tant mieux, car j'ai eu l'impression qu'on n'en parlait pas tant que cela avant son prix. Je te le conseille en tout cas :)

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  2. Comment peut on savoir tout ça sur un inconnu que l'on ne connaît ni d'Adam ni de Eve et qui plus est écrire sa biographie?. Il est bien gentil le père Marcus; aurait-il côtoyé Dieu en Personne ? Et la femme comment elle a fait pour le faire enregistrer sur le registre d'Etat civil pour qu'il en reste une trace? Autant de questions qui énervent un lecteur qui se demande comment un éditeur a pu imprimer 544 pages sur l'histoire de l'inconnu du 11 novembre et le mettre sur le dessus de la pile de livres du jury du Femina? Sonnez l'armistice! :)

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    1. Comment peux-tu critiquer un roman alors que visiblement tu ne l'as pas lu Alex ? D'abord Marcus Malte est un écrivain, et donc un créateur qui a tous les droits sur ses personnages et en cela, on peut dire qu'il est en quelque sorte omniscient. Quant à ta référence à une biographe de l'inconnu du 11 novembre, mais qu'est-ce qu'il vient faire ici celui-là ? Cela n'a absolument rien à voir, le garçon qui n'a pas de nom est purement un personnage de fiction. D'ailleurs il ne meurt pas à la fin de la première guerre, puisqu'il décède en 1938, beaucoup plus tard.

      Je le redis, je trouve ce roman très bon et il a mérité selon moi son Prix Femina. Maintenant, libre à toi de vouloir le lire ou pas, de l'apprécier ou pas, mais il y a visiblement maldonne dans ton approche du roman.

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    2. L'Humour (noir de ce 11 novembre couleur bleu horizon)est quelque chose de libérateur, il épargne de la dépense nécessité par la douleur que la souffrance des réalités extérieures impose. C'est l'ennemi mortel de la sentimentalité (quelque chose comme ça)-FREUD -

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    3. OK Alex, j'ai hésité un moment mais tu avais tellement l'air d'y croire à cet inconnu du 11 novembre que je pensais vraiment qu'il y avait un malentendu ! Et je me suis demandée ce que j'avais pu écrire pour t'induire en erreur. Bon, pour la peine, tu me liras ce roman et tu reviendras m'en parler ici (je plaisante). Le 11 novembre est un jour triste et gris en Belgique, comme souvent ...

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    4. content que tu n'ais pas mal pris mon humour de 11 novembre. Je pense que je ne lirai pas "le garçon" mais pour me faire pardonner, je veux bien t'envoyer le livre que je viens de faire éditer: "le galet "RIEN" météoritique" qui te donnera un aperçu de 100 livres que j'ai lu dont certains auteurs auraient mérités plus que le Femina; mais j'ai besoin de ton adresse
      amitié
      alex
      alexandre.bertussi@orange.fr

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    5. Oh pas de souci Alex, c'est juste que c'est compliqué parfois l'humour par écrit. Là, j'avoue, je suis passée à travers, même si j'ai eu un doute. D'un côté, cela m'a vraiment surprise, euh d'un autre cela m'a fait rire aussi car je n'ai jamais fait le lien entre l'inconnu du roman et le 11 novembre. Bah, je suis une grande naïve aussi, je me fais très facilement avoir quand on me raconte des carabistouilles. Genre celles du 1e avril par exemple.

      J'accepte avec plaisir ta proposition. Je t’envoie mon adresse via mail.

      Amitiés itou :)

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  3. L'auteur a un physique intéressant... :-)

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    1. Ah oui, il a une tronche comme on dit, intéressant et particulier. J'aime bien aussi :)

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  4. Je vais peut-être commencer par son "Garden of love" qui a été aussi traduit en polonais.

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    1. Le garçon de Marcus Malte est plus facile à lire que Garden of love, il vaut mieux que tu choisisses bien ton moment pour le commencer, car il demande beaucoup d'attention. Il est d'ailleurs suffisamment compliqué pour ne plus en garder de souvenirs bien précis, même si je me rappelle de l'avoir bien aimé et d'avoir eu l'envie de poursuivre avec l'auteur. Quand je relis ma critique de l'époque, j'étais visiblement très enthousiaste après ma lecture en tout cas :)

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