La robe de chambre avait, aux yeux d'Oblomov, des vertus inestimables : elle est douce, flottante, on n'y sent plus son corps ; telle une esclave docile, elle se prête à tous les mouvements...
Chez lui, Oblomov ne portait jamais ni cravate ni gilet, car il aimait la liberté et l'espace. Ses pantoufles étaient longues, moelleuses et larges ; lorsqu'il sortait de son lit, ses pieds, sans même qu'il les regardât, s'y glissaient tout seuls...
La position allongée n'était pas pour Oblomov un besoin, comme elle l'est pour un malade ou quelqu'un qui a sommeil. Ce n'était pas non plus une volupté, comme elle peut l'être pour un paresseux : c'était l'état normal.
L’auteur Ivan Gontcharov, né en 1812, mettra dix années à rédiger son chef d’œuvre intitulé Oblomov, publié en 1859. Ce roman connaîtra un tel succès que son personnage principal donnera naissance au néologisme russe oblomovchina, une étrange maladie de l’âme proche de la rêverie conduisant à l’incapacité de prendre la moindre décision, tout en demeurant continuellement dans l’apathie, l’inertie et la nostalgie de l’enfance, sorte de paradis perdu. Avec un tel personnage aussi lâche que languissant, le lecteur peut légitimement craindre de s’ennuyer à la lecture de ce roman. Il n’en fut rien, tant il est difficile de ne pas éprouver malgré soi une certaine sympathie pour ce doux rêveur qui a pour seule ambition le renoncement à tout ce qui pourrait entraver sa tranquillité, ne souhaitant que la douceur de vivre dans la répétition et l’absence de passions. Divisé en quatre parties, c’est la première partie, basée sur le comique de répétition, qui se révèle la plus drôle. La tension dramatique dans les parties suivantes s’attache plus particulièrement à sa relation amoureuse avec Olga et à sa situation matérielle mise en péril par une arnaque dont il est victime par son entourage. En contrepoint à la passivité d’Oblomov, l’auteur introduit son ami d’enfance Stolz, un homme énergique, solide et résolument tourné vers l’action. Bref, on ne s’ennuie jamais à la lecture d’Oblomov de Ivan Gontcharov, qui manie l’humour et la dérision avec l’élégance du désespoir. Une écriture étonnement fluide et très agréable à lire, ce qui est important à souligner car il n’en est pas toujours de même pour tous les romans de la littérature russe traduits en français.
Le roman a été adapté au cinéma par le réalisateur Nikita Mikhalkov, en 1979 et sous le titre de Quelques jours dans le vie d'Oblomov.
Quatrième de couverture
Partisan de la position allongée, Oblomov ne trouve le bonheur que dans le sommeil. Ni son ami Stolz, incarnation de l'énergie et de l'esprit d'entreprise, ni la belle Olga avec qui se nouera l'embryon d'une idylle, ne parviendront à le tirer de sa léthargie. Entreprendre et aimer sont décidément choses trop fatigantes. Grand roman de mœurs, Oblomov offre une satire mordante des petits fonctionnaires et des barines russes. La première partie du texte constitue un véritable morceau de bravoure, irrésistible de drôlerie, décrivant les multiples tentatives toutes vouées à l'échec d'Oblomov pour sortir de son lit. La profondeur du roman et la puissance du personnage d'Oblomov n'ont pas échappé à des philosophes comme Levinas. L'inertie du héros est moins une abdication que le refus farouche de tout divertissement. L'humour et la poésie sont au service d'une question que Gontcharov laisse ouverte : et si la paresse, après tout, était moins un vice qu'une forme de sagesse?
Oblomov de Ivan Gontcharov, Traduit du russe par Arthur Adamov, Édition de Pierre Cahné, Collection Folio classique (n° 4481), Gallimard Parution : 08-03-2007, 576 pages
Bonjour Sentinelle, content qu'Oblomov t'ait plus ! :) Un des grands romans russes, très agréable à lire en effet, avec un passage progressif au cours de la lecture du comique de situation à une réflexion sur le sens de l'existence.
RépondreSupprimerStrum
Bonjour Strum,
SupprimerOh oui, j'ai vraiment apprécié cette lecture, et j'encourage d'autant plus les lecteurs passant par ici à ne pas hésiter à se lancer dans ce roman de Ivan Gontcharov, tant j'ai trouvé ce texte d'une étonnante fluidité. Chapeau au traducteur Arthur Adamov, qui y est certainement pour beaucoup également. Ce roman propose très certainement une réflexion importante sur le sens de l'existence mais je suis assez inculte en philosophie (à mon grand mécontentement d'ailleurs), du coup j'ai eu le sentiment qu'il me manquait certaines clés pour bien saisir toutes les nuances du message, même si je pense avoir saisi l'essentiel ;-)
A mon avis, nul besoin d'avoir fait de la philo pour apprécier ce livre, dont tu me parais avoir parfaitement saisi la substance dans ton résumé. :)
RépondreSupprimerStrum
Tout à fait d'accord sur ce point : nul besoin d'avoir fait de la philo pour apprécier le roman. Aucune difficulté majeure non plus pour comprendre son approche sociologique ou psychologique. Mais pour ce qui est de comprendre l'approche philosophique, qu'aborde Pierre Cahné dans la préface, c'est autre chose ! Je cite en vrac : une espèce de nausée pré-sartrienne, Oblomov s'inscrit dans le monde romantique de Kierkegaard, l'eudémonisme à portée d'homme, la paresse, vue par les moralistes, il cite encore Diogène, Épicure, l'ataraxie stoïcienne, ou encore la phénoménologie de la paresse d'Emmanuel Levinas qui ouvre son ouvrage De l'existence à l'existant. Mieux, Oblomov serait un Platon en robe de chambre. En un mot, Pierre Cahné m'embrouille !!!
SupprimerJe corrige donc ce que j'ai dit dans mon commentaire précédent, en précisant qu'il faut surtout avoir fait de la philo pour comprendre la préface et non le roman à proprement dit ;-)
Enfin, Pierre Cahné termine sa préface par une phrase nettement plus compréhensible pour moi : "Le paresseux est un hypersensible qui se méfie du monde". Là, ça me va tout de suite mieux :)
ça donne envie dis donc.
RépondreSupprimerMais bouboubouhhh il est pas beau le Gontcharov.
Je n'ai pas vu le film non plus.
Dois-je comprendre que tu n'es pas sensible aux moustaches tombantes ? ;-)
SupprimerPas plus que le balai à chiottes qu'il a autour du menton !
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