vendredi 24 octobre 2014

Augustine de Alice Winocour


Nous sommes à Paris, en 1885. Augustine (Soko), 19 ans, devient la patiente préférée du professeur Charcot (Vincent Lindon), qui étudie l’hystérie à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière. D’objet d’étude, elle deviendra peu à peu objet de désir…

L’ambition de la réalisatrice Alice Winocour était plus qu’honorable en abordant la condition féminine à travers la prise en charge de l’hystérie au 19e siècle. D’un côté, l’hystérie et ses multiples manifestations : paralysies, cécités, troubles de la sensibilité, crises de nerfs, convulsions et pertes de connaissance. De l’autre, les célèbres séances d’hypnose du professeur Charcot à l'Hôpital de la Salpêtrière, qui exigeait de ses patientes qu’elles reproduisent « la grande crise » (contractures, convulsions et état cataleptique) devant un auditoire exclusivement masculin, séances qui se terminaient par une valse d'applaudissements comme après un bon spectacle et dans lequel le voyeurisme prévalait.

Un professeur Charcot parfois hautain et grossier en exposant le corps de ses patientes comme des carcasses d’animaux dans une foire agricole, d’autres fois plus vigilant quand il prend au sérieux la maladie de ses patientes (rappelons qu’ au Moyen-Age, les hystériques étaient tout bonnement considérées comme des sorcières et envoyées au bûcher, il y a donc une évolution certaine dans la perception de la maladie et sa prise en charge), tantôt calculateur en voulant l’utiliser pour favoriser sa carrière, ou encore très humain quand il succombe au charme de sa belle patiente.

Un mal qui puise sa source dans l’inassouvissement des tensions sexuelles mais également dans une société extrêmement corsetée à tous points de vue pour la femme, que ce soit dans l’habillement qu’au niveau psychologique ou sociétal.

Mais  si Augustine s’écroule souvent lors d' une crise de convulsion, il ne fallait pas pour autant réaliser un film mou du genou. Car il faut bien avouer que la réalisation pêche par son académisme et sa mise à distance, empêchant toute émotion d’émerger en nous cantonnant essentiellement au rôle de spectateur.

Une intention très louable au départ mais un bilan plus mitigé en final. Il n’en reste pas moins très instructif pour ceux qui connaissent mal cette maladie et sa prise en charge à l’époque, très révélateur de la condition féminine dans une société extrêmement cloisonnée. Car quel avenir attend cette jeune fille pauvre, sans ressources et sans instructions une fois sortie de l’hôpital ? 



Réalisateur: Alice Winocour
Acteurs: Vincent Lindon, Soko, Chiara Mastroianni
Origine: France
Genre: Drame
Année de production: 2012
Durée: 1h42

 Note


Si vous voulez approfondir le sujet, je vous conseille le roman Blanche et Marie de Per Olov Enquist.  Cliquez sur la couverture pour accéder au billet correspondant.

http://livresque-sentinelle.blogspot.be/2008/04/blanche-et-marie-de-per-olov-enquist.html



2 commentaires:

  1. Bonjour, Sentinelle :)

    Je voulais voir ce film au cinéma, mais quelques critiques m'en ont dissuadé. Je pense que je le rattraperai lorsqu'il passera à la télé.

    C'est "amusant" que tu en parles aujourd'hui, car nous parlions avec un ami des films sur la prise en charge de maladies. Dans le genre, "L'enfant sauvage" de François Truffaut est un must qu'il me faudrait revoir pour en parler intelligemment. Mais je pense aussi à "L'énigme de Kaspar Hauser" de Werner Herzog, sur un thème similaire, me semble-t-il, d'un enfant autiste à l'époque où il ne faisait pas bon être simplement différent. La situation s'est un peu améliorée chez nous, heureusement. Pas assez sans doute...

    Oui, bref... j'espère quand même avoir l'occasion de voir "Augustine". Surtout que j'aime bien Vincent Lindon et Soko.

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    1. Bonjour Martin,

      Je comptais justement revoir "L'enfant sauvage" de François Truffaut, pour plusieurs raisons. Premièrement, je me suis fait un petit cycle Truffaut cette année, j’en ai vu sept jusqu’à présent mais il m’en reste encore pas mal à voir. Deuxièmement, "L'enfant sauvage" fut un film majeur pour moi durant mon enfance, que je revoyais à chaque passage à la télévision tant j’étais totalement fascinée par le sujet (et il passait souvent à l’époque, contrairement à aujourd’hui). Je pense d’ailleurs que ce film a contribué à l’envie de faire ensuite des études de psychologie, en étudiant notamment les processus d’apprentissage du langage et de la lecture en psychologie cognitive. Mais cela fait certainement plus de vingt ans que je n’ai plus revu ce film. D’un côté j’ai très envie de le revoir, de l’autre j’ai peur d’être déçue et qu’il ne corresponde plus à mes souvenirs. Mais ton commentaire est une excellente piqure de rappel, alors je pense qu’il sera mon prochain Truffaut, avec Les 400 coups, que je n’ai encore jamais vu.

      Je n’ai pas encore vu non plus "L'énigme de Kaspar Hauser" de Werner Herzog, encore un film à noter ! Quant à Augustine, je trouve qu’il a un côté didactique assez marqué, conjugué à un certain académisme qui nous laisse comme ‘en-dehors’. Si tu as déjà de bonnes connaissances sur le sujet, tu n’apprendras sans doute rien de plus. Dans le cas contraire, je trouve que ce film démontre pas mal de choses, dans le genre spectaculaire (suite à la ‘mise en spectacle’ des crises provoquées lors des séances publiques de Charcot), mais il sait aussi se montrer assez subtil en disant pas mal de choses à travers un geste, une attitude ou une parole échangée. Un exemple au hasard : à table, un simple échange entre Charcot et sa femme fait tout de suite comprendre que Charcot est d’origine modeste et que sa femme a une position sociale bien plus élevée, ce qui engendre une certaine tension dans le couple et qu’il lui est redevable, ce qu’il a du mal à accepter. Et s’il n’est donc peut-être pas le ‘maître’ dans son foyer, il l’est totalement avec ses patientes, d’où ce côté un peu frustre et brutal qu’il prend parfois avec elles, qui étaient souvent des femmes pauvres et sans éducation, pour bien marquer son territoire.

      Un film d’une belle ambition en tout cas même s’il ne remplit pas toutes ses promesses. Mais je pense que c’est le premier film de la réalisatrice, je suis donc curieuse de ce qu’elle nous proposera dans le futur.

      Bon, pour le coup, c’est moi qui suis bavarde aujourd’hui ;-)

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