Louvre Éditions et Futuropolis, le 21 novembre 2014
Traduit du japonais par Ilan Nguyên
Quatrième de couverture
Au terme d'un voyage collectif en Europe, un dessinateur japonais fait étape en solitaire à Paris, dans l'idée de visiter les musées de la capitale. Mais, cloué au lit de sa chambre d'hôtel par une fièvre insidieuse, il se trouve confronté avant tout à une forme de solitude absolue, celle des souffrants en terre étrangère, privés de tout recours immédiat au coeur de l'inconnu. Alors que le mal lui laisse quelque répit, il met son projet à exécution, et se perd dans les allées bondées du Louvre. Très vite, il va découvrir bien des facettes insoupçonnées de ce musée-monde, à la rencontre d'oeuvres et d'artistes de diverses époques, au cours d'un périple oscillant entre rêve et réalité, qui le mènera pour finir à la croisée des chemins entre tragédie collective et histoire personnelle.
Mon avis
Les différents chapitres de l'album, qui ont pour ambition de nous présenter le Musée du Louvre, s’enchaînent plus au moins maladroitement en nous faisant voyager dans le temps et dans l’espace par un artifice scénaristique fourre-tout et un peu trop commode pour convaincre vraiment : le personnage principal est sous l’emprise d’une fièvre/rêverie/hallucination/divagation (on ne sait pas trop bien au juste), ce qui lui permet de replonger dans le passé du musée en compagnie d’une figure tutélaire, qui n’est rien d’autre que la Victoire de Samothrace.
Se retrouvant « dans les limbes oniriques de son imagination », le narrateur arpente en sa compagnie les couloirs du Louvre, cet « étrange dédale », pour mieux aller à la rencontre de quelques œuvres illustres (La Joconde, La Vénus de Milo), tout en s’octroyant la possibilité de sortir « du cadre » afin de rejoindre quelques artistes. Ce sera la forêt de Camille Corot (admirez son splendide Souvenir de Mortefontaine ci-dessous) ou encore le jardin de Daubigny à Auvers-sur-Oise, en compagnie de Vincent van Gogh (j'en ai parlé ici également).
Souvenir de Mortefontaine de Camille Corot, Salon de 1864 |
Nous ferons ensuite un ultime bon dans le temps et dans l'espace pour
rejoindre Paris en 1939, l'année où la majorité des œuvres d'art du
Musée du Louvre ont été évacuées pour les préserver de la guerre et du
nazisme.
Tout cela est bien plaisant à regarder (les dessins de Jirô Taniguchi sont toujours aussi réussis) mais le lien qui relie les chapitres est si ténu (le fameux FFffuuii pour nous signaler que le narrateur est passé dans une autre dimension/époque/endroit) et la présentation des artistes si convenue qu'il est bien difficile d'être totalement enthousiaste.
Notons malgré tout quelques agréables moments de poésie, quand par exemple Victoire de Samothrace confie au narrateur que chaque œuvre d’art, de l’Antiquité au 19e siècle, serait habitée par un esprit qui continuerait de protéger les lieux.
Ce qui m’a finalement le plus intéressé (bien que malheureusement trop vite survolé à mon goût), ce sont certains liens révélés entre les peintres français et les artistes japonais. Ainsi Camille Corot, qui fut exposé plusieurs fois au Japon et qui était plus reconnu là-bas qu’en France (le courant paysagiste de l’histoire de l’art en Extrême-Orient, désigné sous le terme générique « peinture de montagne et d’eau », est incontournable au Japon). Le jeune écrivain Tokutomi Roka, lui-même paysagiste amateur, lui a d’ailleurs consacré un texte intitulé « Un poète du silence. Le peintre Corot », écrit en 1897 et paru dans son recueil d’essais « La nature et la vie ». Nous découvrons ensuite Asai Chû, un peintre japonais qui deviendra l’un des pionniers du mouvement pictural ouvert sur l’esthétique occidentale. Ce sera l’occasion d’entrevoir l’écrivain Natsume Soseki, qui s’exprimera à son propos lors de la sixième exposition de peinture occidentale du pacifique, et pour laquelle les dernières toiles d’Asai Chû étaient présentées à titre posthume. On appréciera également l’intérêt très vif de Vincent van Gogh pour les arts graphiques japonais (j'en ai déjà parlé ici), tels que Hiroshige ou Hokusai.
Ce qui m’a finalement le plus intéressé (bien que malheureusement trop vite survolé à mon goût), ce sont certains liens révélés entre les peintres français et les artistes japonais. Ainsi Camille Corot, qui fut exposé plusieurs fois au Japon et qui était plus reconnu là-bas qu’en France (le courant paysagiste de l’histoire de l’art en Extrême-Orient, désigné sous le terme générique « peinture de montagne et d’eau », est incontournable au Japon). Le jeune écrivain Tokutomi Roka, lui-même paysagiste amateur, lui a d’ailleurs consacré un texte intitulé « Un poète du silence. Le peintre Corot », écrit en 1897 et paru dans son recueil d’essais « La nature et la vie ». Nous découvrons ensuite Asai Chû, un peintre japonais qui deviendra l’un des pionniers du mouvement pictural ouvert sur l’esthétique occidentale. Ce sera l’occasion d’entrevoir l’écrivain Natsume Soseki, qui s’exprimera à son propos lors de la sixième exposition de peinture occidentale du pacifique, et pour laquelle les dernières toiles d’Asai Chû étaient présentées à titre posthume. On appréciera également l’intérêt très vif de Vincent van Gogh pour les arts graphiques japonais (j'en ai déjà parlé ici), tels que Hiroshige ou Hokusai.
En conclusion, je n’étais pas totalement convaincue au terme de ma lecture de cet album, qui est vraisemblablement une œuvre de commande. Mais à force d’en parler et de le commenter (c'est tout moi ça), je suis arrivée à me convaincre moi-même qu’il y avait tout de même de bonnes choses à prendre, même si trop vite survolées. Disons qu'il faut un peu fouiller, revenir en arrière et prendre le temps de relever certains détails pour mieux l'apprécier, quitte à poursuivre ses investigations par la suite (Quelques repères pour aller plus loin par Ilan Nguyên, présentés à la toute fin de l'album, nous y aident d'ailleurs beaucoup). Petite précision qui s’impose : la lecture se fait de droite à gauche, comme pour les mangas.
Ce roman a été chroniqué dans le cadre de la sélection des Prix CL 2017, dans la catégorie Bande Dessinée.
Ce roman a été chroniqué dans le cadre de la sélection des Prix CL 2017, dans la catégorie Bande Dessinée.
Aaaaaaaaaaaaah c'est l'auteur de Quartier Lointain ! Tu as lu j'imagine.
RépondreSupprimerDonc c'est pas terrible mais c'est beau.
Moi aussi il m'arrive de penser que je suis déçue et finalement que c'était pas si mal, voire plutôt bien.
Oui, je l'ai lu mais j'aimerais quand même le relire ! C'est très beau, mais ça survole beaucoup et c'est un peu tiré par les cheveux. Mais en grattant un peu, il y a de bonnes choses quand même mais toujours trop peu approfondies. Disons que je suis contente de l'avoir emprunté à la bibliothèque, car j'aurais sans doute davantage râlé si je l'avais acheté.
Supprimerça me donne quand même envie de l'acheter :-)
RépondreSupprimer:D
SupprimerBon, tu connais déjà ses défauts, mais les dessins sont magnifiques, comme toujours avec Jirô Taniguchi. Puis je ne pouvais pas passer à côté de cet album (même s'il fait partie de la sélection du Prix CL 2017, il était sur ma liste à lire bien avant).
De cet auteur, je ne connais que "Quartier Lointain", sublime œuvre d'évasion qui laisse entrevoir ce que son âme d'artiste pourrait faire avec celles du Louvre. La pointe de déception dont tu fais part n'aura sans doute pas raison de ma curiosité.
RépondreSupprimerEt bien tant mieux alors, d'autant que tu es prévenu ;-)
SupprimerJe ne peux que te souhaiter une excellente prochaine lecture !
Pas lu celui-ci, mais ton compte-rendu laisse effectivement deviner que Taniguchi n'a pas été très inspiré pour transfigurer la commande. Dans la même série d'albums dédiés au Louvre, la contribution de Marc-Anthoine Mathieu est particulièrement réussie.
RépondreSupprimerE.
Merci du conseil, je le note ! Ce n'est pas la première fois que je trouve Taniguchi peu inspiré (Le Gourmet solitaire m'avait moyennement convaincue, alors que l'idée de base était bonne, mais peut-être pas pour tout un album).
Supprimer"Mais à force d’en parler et de le commenter (c'est tout moi ça)..." C'est bien normal, plus on y réfléchit plus on est susceptible de s'en imprégner. Tombez sentinelles ! Et laissez-vous imprégner par cette imperceptible nourriture livresque ! (je m'envole un peu là)
RépondreSupprimerTiens, c'est drôle, mais mon blog s'intitulait précédemment Livresque Sentinelle. Et puis à force de parler d'autres choses que de la littérature...
SupprimerBah, je le relirai bien volontiers aussi finalement :)