Ce court roman fait partie de ceux qui se lisent lentement, goutte à
goutte,
qui prennent le temps qu'il faut pour en venir à bout. Je l'ai lu
par cycles d'une vingtaine de pages avec de longues interruptions entre
deux lectures. Trop sombre, étouffant, j'avais
besoin de ces pauses pour reprendre un peu d'oxygène avant de me
replonger dans les grandes profondeurs, là où la lumière ne passe plus,
là où il fait sombre et froid. Car d'emblée nous savons,
dès les premières lignes, qu'un drame en gestation se prépare et
s'accomplira au bout du voyage.
« On avait pris le car, le dernier car du soir, pour que personne nous voie. Avant de partir les enfants avaient goûté, j'ai remarqué qu'ils finissaient pas le pot de confiture et j'ai pensé que cette confiture allait rester pour rien, c'était dommage, mais je leur avais appris à pas gâcher et à penser aux lendemains. »
Véronique Olmi nous submerge brutalement dans le monde hostile et
déprimant d'une mère de famille qui ne s'en sort plus, qui n'en peut
plus de la vie et qui décide, en pleine semaine d'école,
d'emmener ses deux enfants au bord de mer. Rien de va, le voyage est
difficile, il pleut, l'hôtel est minable, la boue colle aux souliers,
les vêtements sont trempés et la mer est houleuse et
grise. Pas d'argent ou si peu. Mais l'envie de montrer la mer aux
enfants est bien là, malgré les gens, malgré la pluie, malgré la vie.
« La pluie écrasait contre la vitre ses boulets de salive, de minuscules mollards transparents, pourquoi est-ce qu'on nous crachait dessus je savais pas mais j'étais sûre que si j'ouvrais la fenêtre j'aurais été salie des pieds à la tête. Est-ce que le mur d'en face en était plein, lui aussi ? Est-ce que les fenêtres de dessous avaient la même dose que nous ? Est-ce qu'on s'abritait tous des crachats du ciel ? Je voulais pas le savoir, non, ça m'intéressait pas, non, fallait plus y penser, j'y avais jamais pensé, non, non et non ! »
Un premier roman au sujet étonnant, dur et difficile, mené avec
talent. Cette mère de famille est de la même veine que Marie, présente
dans le roman A l'abri de rien d'Olivier Adam. La
comparaison se veut flatteuse, ayant bien aimé également ce récit.
Ecriture sans apprêt, à la ponctuation souvent absente, aucune
intellectualisation ; nous sommes avant tout dans le
ressenti, les émotions, les actes, nous assistons impuissants à une
descente aux enfers d'une mère aux abois.
« Stan sait déjà beaucoup de choses. Beaucoup trop. Comment j'ai fait pour en arriver là ? Il y a l'enfance. D'accord. Mais juste après il y a l'hostilité du monde. Il faut le savoir. Est-ce que Stan était déjà sorti de l'enfance ? J'espérais bien que non. Il jouait au grand mais il dormait comme un enfant sans jambes, un qui a peur encore, qui veut pas prendre trop de place et se faire remarquer. »
Un récit qu'on n'oublie pas, un auteur à suivre, aussi.
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