Un lecteur fidèle de ce blog, qui se trouve également être un
collègue de travail, m’a demandé de lui conseiller un livre portant sur
l’ethnologie. Cette demande, à l’origine de ce billet, me
permet de revenir à ces quelques livres que j’ai lus il y a plus de
quinze ans. J’ai effectivement eu la chance de suivre un cours
d’ethnologie pendant mes études, cours qui est d’ailleurs devenu
rapidement un de mes préférés. Ces lectures obligatoires furent de
vraies découvertes et une ouverture aux mondes inconnus et mystérieux
que constituent ces « cultures diverses et multiples».
J’ai ajouté deux, trois livres à cette liste, livres que j’ai lus
par après, ainsi que deux références incontournables selon moi malgré le
fait que je ne les ai encore jamais lus ! Je ne peux que
te – vous souhaiter d’agréables découvertes :-)
Cet ouvrage relate les problèmes, difficultés et incompréhensions
diverses rencontrés par le père jésuite Eric de Rosny, missionnaire et
enseignant à Douala, qui décide d’aller à la rencontre des
nganga, guérisseurs au Cameroun. Nous voilà conviés à un étrange
voyage au pays de l’animisme, la sorcellerie, la divination et la
médecine traditionnelle. Récit très troublant, désarçonnant mais
également plein d’enseignement sur la richesse insoupçonnable de la
pensée magico religieuse de la culture africaine. Eric de Rosny compare
également ce système de pensée au christianisme et à
notre propre système de pensée occidentale. Passionnant et très
instructif.
Les yeux de ma chèvre: Sur les pas des maîtres de la nuit en pays
douala de Eric de Rosny, Editions Omnibus, Collection Terre humaine,
ISBN 2259185223, 474 pages
Le voyant-guérisseur Tahca Ushte (Cerf boiteux), né en 1903, raconte
à Richard Erdoes l'histoire de sa vie mouvementée non sans poser un
regard acerbe sur les aberrations de la société
occidentale, temple du dollar, cette misérable « peau de grenouille
verte ». Initié aux mythes fondateurs, au sacré, aux rites, à la
voyance, aux symboles, à la médecine traditionnelle
indienne, Tahca Ushte, l’homme médecine, nous convie aux sources de
la tradition amérindienne, qui malheureusement se meurt à petit feu...
Un récit très intéressant qui revient aux sources mais analyse également le présent et parle du futur de la nation indienne.
De mémoire indienne : La vie d’un Sioux, voyant et guérisseur de
Tahca Ushte et Richard Erdoes, Editions Pocket, Collection Terre
humaine, ISBN 2271067251, 1989
Ce récit raconte l’histoire d’Helena Valero, jeune fille enlevée en
1939 à l’âge de onze ans par des guerriers indiens du Brésil rebelles à
tout contact avec les blancs. Elle vivra vingt-deux ans
dans différentes tribus indiennes de la forêt équatoriale. Nous
sommes plongés dans un monde étrange qui nous fait penser aux premiers
âges de l’humanité : les guerres perpétuelles, la violence,
la survie quotidienne, le régime alimentation, les relations
sociales, familiales, l’autorité, le chamanisme, les hallucinogènes,
l’enlèvement des femmes des guerriers ennemis indispensables à la
survie de la tribu, le culte des morts…
Une mine d’informations qu’Helena Valero, retournée chez les siens
avec ses quatre fils, confiera au médecin E. Biocca, chef d’une mission
de recherche dans le Haut-Orénoque. Cette femme, qui
aura du mal à se réadapter à la société occidentale, en viendra à
regretter « cet enfer vert » qu’elle aura pourtant tenté de fuir pendant
des années.
Yanoama : Récit d’une jeune femme brésilienne enlevée par les
Indiens de Ettore Biocca, Editions Omnibus, Collection Terre humaine,
ISBN 225900170X, 461 pages
Attention, ce livre est une vraie mine d’or sur les phénomènes
chamaniques. Présent dans la plupart des sociétés humaines, le
chamanisme se retrouve des neiges de Sibérie à la forêt amazonienne.
Toutes les dimensions du chamanisme sont abordées : le monde du
chamane, l’initiation du chamane, les différentes traditions régionales,
le processus de guérison chamanique, les hallucinogènes,
les transes et extases, les nouveaux mouvements chamanistes mais
aussi l’étude de la dimension médicale, historique, ethnologique,
sociale, psychologique et psychiatrique. Quand je vous disais
que c’était une mine d’or !
« L’expérience chamanique n’est pas un simple voyage de découverte
mais un service rendu à la communauté. L’épreuve initiatique permet au
chamane de ressentir les souffrances et les besoins des
autres. En fait, l’état de chamane est probablement le métier le
plus ancien assument les rôles que dans les sociétés industrielles
tiennent pous le médecin, le psychothérapeute, le soldat, le
diseur de bonne aventure, le prêtre et le politicien. »
« Le pouvoir thérapeutique du dialogue. Dans le traitement
chamanique, il peut être nécessaire qu’un dialogue s’établisse entre le
patient et quelqu’un d’autre – le chamane ou un esprit. Cela
peut prendre autant de temps chez les Saora que dans la cure
psychanalytique qui est de même un traitement par la parole. Le malade
saora parle aux morts par l’intermédiaire d’une spécialiste,
alors que le patient psychanalysé parle au spécialiste d’autres
personnes absentes. »
Les chamanes de Piers Vitebsky, Editions Evergreen, Collection Sagesses du monde, ISBN 3822813419, 01/2001, 184 pages
Ce livre nous raconte l’histoire du jeune Minik qui, en 1897,
accompagne son père et quatre Esquimaux Polaires du Groenland partis à
destination de l’Amérique. Ceux-ci ont accepté l’invitation
d’accompagner sur le chemin du retour Peary, illustre explorateur
conquérant du pôle Nord, au Museum of Naturel History de New York. Les
adultes mourront rapidement de tuberculose et le jeune
orphelin, âgé de huit ans à l’époque, sera adopté par un
administrateur du Muséum qui voudra en faire un vrai petit Yankee.
Minik, qui connaîtra la misère lorsque son protecteur perdra son poste
au Museum, gardera un ressentiment qui sera aggravé lorsqu’il
découvrira le squelette de son père étiqueté dans une vitrine du musée.
Il sera renvoyé au Groenland mais trop tard : ne connaissant
pas la langue ni les coutumes de ses ancêtres, il s’y retrouvera
aussi étranger qu’en Amérique.
Témoignage poignant du déracinement et des difficultés de
l’appartenance à deux cultures, dénonciation de l’establishment
new-yorkais et de la prétention à la découverte du pôle Nord, la société
occidentale colonialiste ne sort pas grandie de cette histoire vraie
très émouvante.
Minik, l’Esquimau déraciné "rendez-moi le corps de mon père !" de
Kenn Harper,Editions Pocket, Collection Terre humaine, ISBN 2266098225,
363 pages
Et enfin deux grands classiques de la littérature ethnologique que
je n'ai malheureusement pas lus mais que je ne peux pas ne pas citer :
Les derniers rois de Thulé et Tristes tropiques. Je les
cite donc simplement en ajoutant la quatrième de couverture.
Quatrième de couverture
Véritable trésor ethnologique, ce livre constitue d'abord une
somme d'informations irremplaçable sur les Inuits du Groenland. Mais son
succès international, jamais démenti au cours de ses
multiples rééditions depuis 1951, tient aussi au talent de conteur
de Malaurie qui sait immerger le lecteur, jusqu'au plus infime détail,
avec une patience et un souci de vérité infinis, dans la
vie de ce grand Nord mythique, de cette "Ultima Thulé" des anciens.
Ce géographe et géologue de formation qui cite Rimbaud ("Quelle
sorcière va se dresser sur le couchant blanc ?") fait revivre dans un
style alerte chasses au morse et à l'ours, festins
de viande crue, soirées de fête dans la nuit polaire, grands raids
en traîneaux par moins 60 °C sur la banquise et les glaciers, levers de
soleil dans le blizzard, songes, légendes et
séances de sorcellerie.
Formidable leçon d'humanisme, ce chef-d'oeuvre inclassable est
également l'occasion d'une réflexion approfondie sur la fragilité d'un
environnement et d'une culture menacés.
Les Derniers rois de Thulé. : Avec les Esquimaux polaires face à
leur destin de Jean Malaurie, Editions Pocket, Collection Terre humaine,
ISBN 2266115502, 2001
Quatrième de couverture
Pourquoi et comment devient-on ethnologue ? Comment les
aventures de l'explorateur et les recherches du savant s'intègrent-elles
et forment-elles l'expérience propre à l'ethnologue ? C'est à
ces questions que l'auteur, philosophe et moraliste autant
qu'ethnographe, s'est efforcé de répondre en confrontant ses souvenirs
parfois anciens, et se rapportant aussi bien à l'Asie qu'à
l'Amérique.
Plus encore qu'un livre de voyage, il s'agit cette fois d'un
livre sur le voyage. Sans renoncer aux détails pittoresques offerts par
les sociétés indigènes du Brésil central, dont il a
partagé l'existence et qui comptent parmi les plus primitives du
globe, l'auteur entreprend, au cours d'une autobiographie
intellectuelle, de situer celle-ci dans une perspective plus vaste :
rapports entre l'Ancien et le Nouveau Monde ; place de l'homme dans
la nature ; sens de la civilisation et du progrès.
Claude Lévi-Strauss souhaite ainsi renouer avec la tradition du
"voyage philosophique" illustrée par la littérature depuis le XVIe
siècle jusqu'au milieu du XIXe siècle, c'est-à-dire avant
qu'une austérité scientifique mal comprise d'une part, le goût
impudique du sensationnel de l'autre n'aient fart oublier qu'on court le
monde, d'abord, à la recherche de soi.
Tristes tropiques de Claude Levi-Strauss, Editions Pocket, Collection Terre humaine, ISBN 2266119826, 2001
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