samedi 5 décembre 2009

Boule de suif de Guy de Maupassant

Nous sommes en 1870, quelques mois après le début de la guerre franco-prussienne qui oppose le Second Empire français aux royaumes allemands unis derrière le royaume de Prusse.

Les Prussiens débarquent à Rouen tandis que l’armée française est en pleine débâcle. L’occupant s’installe et l’habitant résiste peu, plus soucieux de s’attirer les bonnes grâces du belligérant pour améliorer son quotidien que de s’insurger contre lui par civisme. Mais cette odeur d’invasion finit tout de même pas en incommoder quelques-uns, que ce soit par patriotisme ou par nécessité, le besoin du négoce commençant à tirailler certains commençants.

Après avoir reçu une autorisation de départ des autorités militaires allemandes, un groupe de dix personnes quitte la ville à bord d’une diligence tirée par six chevaux pour rejoindre le port du Havre, que l’armée française occupe toujours, en passant par les voies de terre à Dieppe.

Parmi les voyageurs, deux bonnes sœurs, un démocrate, un couple de marchands de vins en gros, un couple de bourgeois, le conte et la comtesse Hubert de Bréville et une jolie femme de petite vertu surnommée Boule de Suif pour son embonpoint.

Autrement dit, des personnes de classes sociales totalement différentes qui ne se seraient jamais côtoyées d’aussi près à la ville et qui se retrouvent bien malgré eux enfermées dans un espace très étriqué pendant la durée du voyage.

Le froid et la neige sur les routes rendant le transport particulièrement éprouvant et interminable, les langues finissent par se délier et on feint d’oublier quelques peu les différences sociales lorsqu’il s’agit de se sustenter au frais de Boule de suif, seule personne a avoir pensé à emporter un panier de victuailles.

Mais lorsque le groupe, qui a fait étape en descendant à l’auberge de Tôtes, se rend compte qu’ils sont retenus prisonniers par un officier prussien tant que Boule de suif n’accepte pas ses avances, les complaisances et le semblant de convivialité de la veille cèdent vite la place à la couardise et la conspiration pour amener Boule de suif à se sacrifier pour le bien-être du groupe en acceptant les conditions de l’ennemi…

Boule de suif est une des plus célèbres nouvelles de Maupassant et pour cause, tant la force et la pertinence qui se dégagent du récit reste d’actualité. Inspiré d’un fait divers, l’auteur décrit avec d’autant plus de justesse la débâcle de l’armée française face aux Prussiens qu’il en fut témoin lors de son affectation dans l’intendance de l’armée de la ville de Rouen. Récit où le cynisme et le pessimisme se disputent le peu de considération que l’auteur porte à la nature humaine, Maupassant nous présente une galerie de personnages typés et bien croqués, chacun occupant une place bien définie dans la hiérarchie sociale, que chacun feint d’oublier lorsque certaines circonstances l’imposent mais qui se rétablit très vite lorsqu’elles ne sont plus. Récit dans lequel la générosité et le sacrifice de l’un ne suffisent pas à masquer la cruauté, l’avidité, l’égoïsme, la lâcheté, l’hypocrisie et le mépris des autres, nous rappelant que les grandes principes de patriotisme et de résistance ne sont en général que de piètres leurres lorsque les réalités de la vie quotidienne sont le plus souvent faites de compromissions, bassesses et médiocrités diverses.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire