Nous sommes en 1819, à Rouen. Jeanne, une jeune aristocrate de 17 ans, vient juste de sortir du couvent dans lequel elle avait été tenue cloîtrée depuis ses 12 ans.
Elle semblait un portrait de Véronèse avec ses cheveux d’un blond luisant qu’on aurait dit avoir déteint sur sa chair, une chair d’aristocrate à peine nuancée de rose, ombrée d’un léger duvet, d’une sorte de velours pâle qu’on apercevait un peu quand le soleil la caressait. Ses yeux étaient bleus, de ce bleu opaque qu’ont ceux des bonhommes en faïence de Hollande.
Son père, le baron Simon-Jacques Le Perthuis des Vauds, voulait « qu’on la lui rendît chaste à dix-sept ans pour la tremper lui-même dans une sorte de poésie raisonnable ». C’est que monsieur le baron est un disciple enthousiaste de J.-J. Rousseau et son principal objectif est celui d’ouvrir l’âme pure de sa fille aux joies de la nature, de la contemplation enchantée des champs et des bois à la tendresse simple des animaux. Aussi Jeanne - enfin libre, radieuse et pleine de sèves - se sent prête à saisir tous les bonheurs de la vie dont elle rêvait depuis si longtemps. Et ce bonheur, elle compte bien y accéder dans la propriété familiale des Peuples, un vieux château de la famille planté sur la falaise auprès d’Yport, espérant y découvrir l’amour, le seul et l’unique :
Comment serait-il ? Elle ne le savait pas au juste et ne se le demandait même pas. Il serait lui, voilà tout.
Mais que valent les rêves et les idéaux d’une jeune fille sans expérience face aux turpitudes de la vie ?
Roman sur les désillusions, la déchéance et la perfidie des hommes. A travers le destin de Jeanne, Maupassant témoigne de la condition assez déplorable de la femme au XIXe siècle : de la jeune femme tenue dans une méconnaissance totale des choses de la vie à l’épouse soumise à l’égoïsme et l’autoritarisme de son époux, il n’y a qu’un pas que de nombreuses femmes franchissent allégrement. Se retrouvant sans beaucoup de possibilités de s’affranchir de son mariage malheureux, peu d’échappatoires s’offrent à Jeanne si ce n’est fermer les yeux sur les infidélités et les ignominies de son époux et jeter son dévolu sur les joies de la maternité. Jeanne tente bien à un moment donné de trouver un soutien auprès de la religion mais là aussi, ce ne seront que désillusions et désenchantements qui l’attendent lorsque l’église elle-même se retrouve entachée par le fanatisme et la démesure du nouveau curé de la paroisse. Certains lecteurs reprocheront à Jeanne son indolence et sa passivité, mais j’ai été quant à moi plus touchée par sa naïveté, sa pureté et sa crédulité.
Une histoire simple et peut-être sans grands reliefs si ce n’est que l’écriture de Maupassant arrive sans aucun mal à transcender les banalités du quotidien. J’ai particulièrement aimé les passages sur les joies simples qu’offre la nature et l’amour de la terre natale, se révélant finalement les seuls réconforts lorsque tout part à vau-l’eau…
La vue d’une marguerite blottie dans une touffe d’herbe, d’un rayon de soleil glissant entre les feuilles, d’une flaque d’eau dans une ornière où se mirait le bleu du ciel, la remuait, l’attendrissait, la bouleversait en lui redonnant des sensations lointaines, comme l’écho des ses émotions de jeune fille, quand elle rêvait par la campagne.
Mais laissons le mot de la fin à la domestique Rosalie :
La vie, voyez-vous, ça n’est jamais si bon ni si mauvais qu’on croit.
Je le lirai :-)
RépondreSupprimerSuper ! Bonne lecture alors :)
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