mercredi 27 août 2008

Les Mémoires d’Elizabeth Frankenstein de Theodore Roszak

Quatrième de couverture

Recueillie par la baronne Frankenstein, la jeune Elizabeth est introduite dans le monde secret des sorcières et initiée à l'alchimie, aux lois de la nature et à celles du corps humain. De son côté, Victor, fils légitime de la baronne, tournant le dos à cet univers féminin respectueux de la «loi naturelle», est pris du vertige de la science. Il prétend pouvoir créer une vie meilleure, une vie qui ne serait pas née du ventre de la femme mais de la science, nouveau maître du monde.
Alors que Victor s'égare dans sa quête et crée un monstre, Elizabeth essaie de trouver sa place en pleine révolution scientifique... voire scientiste. Peu à peu, leur univers se délite jusqu'à leur tragique nuit de noces.

Théodore Roszak nous entraîne dans une folle aventure romanesque, riche en péripéties, mettant en scène une héroïne forte et complexe dans un monde dominé par la raison et l'intellect masculins. Cet émouvant portrait est à la fois un hommage à la féminité, un roman historique haletant et une réflexion passionnée et passionnante sur la science et ses dérives.


Mon avis

Professeur d'histoire, sociologue de la contre-culture américaine, écologiste, essayiste et romancier, Theodore Roszak fait de son érudition la substance même de ses romans. « Les Mémoires d’Elizabeth Frankenstein », deuxième roman que je lis de cet auteur, ne fait pas exception à la règle.

Qu’il passe du thriller sur le pouvoir des images et la magie noire du cinéma (cf « La Conspiration des ténèbres ») au classique Frankenstein, l’auteur s’interroge avant tout sur les dérives du pouvoir et les forces occultes en présence. En comblant les blancs laissés par Mary Shelley, qui selon l’auteur avait bridé sa féminité en confiant les voix principales de son roman aux personnages masculins, Theodore Roszak se propose de lui rendre hommage en lui octroyant une liberté de ton qui lui aurait manquée à son époque en prenant comme personnage principal Elizabeth Frankenstein, la sœur adoptée et future épouse de Victor Frankenstein, morte assassinée la nuit de ses noces. La voix et la vision d’Elizabeth Frankenstein se feront entendre par l’intermédiaire de son journal intime, mis à disposition de Robert Walton, l’explorateur narrateur déjà présent dans le roman original, après avoir négocié son obtention auprès du dernier membre vivant de la famille Frankenstein.

A travers la parole d’Elizabeth Frankenstein, c’est tout un univers féminin qui s’ouvre à nous : la nature, l’alchimie et le tantrisme, le paganisme, les croyances anciennes et les rites tribaux, les rêveries, le savoir des matrones et les mystères féminins. Ce monde féminin se meut en parallèle, côtoie pour ensuite se faire phagocyter par le développement des sciences et l’importance accrue de la raison chère au siècle des Lumières, prétexte à la transgression des lois de la nature pour mieux la dominer, avec les conséquences que l’on sait.

Lorsque Théodore Roszak met ses connaissances au service de la fiction, il n’hésite pas à nous mettre en présence des derniers soubresauts d’un univers féminin agonissant au profit d’un monde masculin éclairé par les sciences. Le tout se lisant comme un ultime hommage à la nature et à la féminité en général en interrogeant le pouvoir des sciences et les transgressions qu’elles génèrent suite à l’aveuglément qu’elles suscitent.

En un mot, j’aime suffisamment l’univers de cet auteur, si singulier et original, emprunt de mystères et de connaissances multiples, offrant un éclairage à ce qui demeure obscur à nos yeux en analysant ce qui se trame sous les apparences trompeuses, que je compte bien lire tous ses romans ! Son érudition me donne l’impression d’en savoir plus après ma lecture tout en me laissant emportée par l’aspect romancé, l’ensemble étant servi par une belle écriture, que demander de plus ?


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