jeudi 20 février 2014

De Grandes Espérances de Charles Dickens


Quatrième de couverture

Elevé, à la mort de ses parents, par sa redoutable sœur, Pip semble promis à l’existence obscure d’un jeune villageois sans fortune.  Mais il a le privilège de vivre au milieu de créatures singulières dont l’existence seule accrédite la croyance au miracle : son beau-frère, le forgeron Joe Gargery au sourire débonnaire, Abel Magwitch, le forçat au grand cœur, émule de Jean Valjean et, surtout, la pittoresque Miss Havisham et son éblouissante protégée, Estella.  Estella au nom prédestiné, dont la froide et fascinante beauté exalte et désespère à la fois le jeune Pip.


Mon avis

L’écriture des Grandes Espérances, en 1860, marque un tournant dans la carrière de Charles Dickens. Après avoir écrit des œuvres plutôt sombres et moroses (Bleak House, Les Temps difficiles et La Petite Dorit), son public attend un retour vers le roman à la manière de David Copperfield, paru dix ans plus tôt. Des impératifs commerciaux, assurer la rentabilité de son périodique All the Year Round, constitue sa deuxième motivation pour se plonger dans l’écriture de ce roman, qui paraîtra initialement en trente-six feuilletons hebdomadaires, du 1e décembre 1860 au 3 août 1861.

Ce roman d’apprentissage, alliant le conte à la tragédie et au burlesque, d’un jeune orphelin quittant sa campagne pour la métropole londonienne, recevant un pécule pour couvrir toutes ses dépenses pendant ses années d’apprentissage par un mystérieux protecteur inconnu, est l’occasion de découvrir toute une galerie de personnages hauts en couleur, touchant toutes les couches sociales. Le narrateur, le jeune Pip, est une sorte d’anti-héros pouvant parfois paraître bien peu sympathique tant il commet de nombreuses erreurs de jugement et de mauvais choix, transformant progressivement la promesse de grandes espérances en perte des illusions et du paradis perdu.

Un roman que j’ai lu en deux phases, une première phase assez fastidieuse avec une réelle difficulté à apprivoiser le style et la manière, une deuxième phase franchement plus agréable et alerte dans la lecture. Entre les deux phases ? La lecture du Chardonneret de Donna Tartt, qui par une étrange coïncidence fait beaucoup penser au roman De Grandes Espérances de Charles Dickens. Comme si l’un m’avait permis de mieux appréhender l’autre. Et c’est avec grand plaisir que j’ai finalement terminé ma lecture de ce roman, dont les personnages me hanteront encore longtemps. Quelques scènes d’anthologie ne sont pas en reste, comme la rencontre de Pip et du forçat dans les marais, celle de Miss Havisham, éternelle fiancée en deuil qui l’utilisera pour assouvir sa vengeance sur les hommes, son amour impossible pour Estella, le maléfique Orlick qui veut le brûler vivant, sa fuite en compagnie du forçat sur la Tamise vaseuse…

Désillusion, désenchantement, démystification et un cheminement progressif vers la vérité et la prise de conscience, c’est à un véritable roman de formation auquel nous convie Charles Dickens.


Extraits, à propos de Miss Havisham
J’avais entendu parler de miss Havisham. Qui n’avait pas entendu parler de miss Havisham à plusieurs milles à la ronde comme d’une dame immensément riche et morose, habitant une vaste maison, à l’aspect terrible, fortifiée contre les voleurs, et qui vivait d’une manière fort retirée ?
[...]
Miss Havisham se tenait immobile comme un cadavre pendant que nous jouions aux cartes ; et les garnitures et les dentelles de ses habits de fiancée semblaient pétrifiées. Je n’avais encore jamais entendu parler des découvertes qu’on fait de temps à autre de corps enterrés dans l’antiquité, et qui tombent en poussière dès qu’on y touche, mais j’ai souvent pensé depuis que la lumière du soleil l’eût réduite en poudre.
[...]
Je vis que dans sa robe nuptiale, la fiancée était flétrie, comme ses vêtements, comme ses fleurs, et qu’elle n’avait conservé rien de brillant que ses yeux caves. On voyait que ces vêtements avaient autrefois recouvert les formes gracieuses d’une jeune femme, et que le corps sur lequel ils flottaient maintenant s’était réduit, et n’avait plus que la peau et les os. 

Première visite de Pip à Satis House, par John McLenan


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