Idylle en exil est le deuxième tome de la trilogie Étincelles dans l'abîme, qui fait suite au premier tome, Le Fils du fils prodigue. A la fin de ce premier tome, nous avions laissé le jeune citadin viennois Alfred rejoindre la terre de ses ancêtres, en compagnie de son oncle Welwel et du fidèle régisseur du domaine Jankel. Revenir sur les traces de son père sera l’occasion de renouer avec la spiritualité et l’apprentissage du judaïsme avec son oncle, de faire l’apprentissage de la vie rurale en compagnie du régisseur Jankel, de découvrir les joies de l’amour avec la belle villageoise Donia, et enfin de faire la connaissance avec le petit Lipouch.
Mais cet exil campagnard demeurera-t-il jusqu’au bout idyllique ?
Mais cet exil campagnard demeurera-t-il jusqu’au bout idyllique ?
Pour rappel, nous sommes en Galicie Orientale, une région de l’Europe de l’Est ayant appartenu à l’empire austro-hongrois, avant de devenir polonaise après la première mondiale. Une région dans laquelle se côtoient tant bien que mal de multiples ethnies (les Polonais, les Juifs et les Ruthènes), le plurilinguisme (le yiddish, le polonais, l’allemand et l’ukrainien) et les religions (chrétienne et judaïque). Un multiculturalisme qui, loin d’engendrer une ouverture à l’autre donnant lieu à des concessions mutuelles, attise au contraire les suspicions, défiances et mises à distance. Alfred tentera bien de relier les deux communautés par des pratiques culturelles partagées mais la propension de l’être humain à la violence, l’intolérance et au sectarisme auront vite raison de ses efforts. Car l’art d’attiser les haines et les différences prédominera toujours sur celui d’apaiser les conflits et d’accorder les extrêmes…
L’auteur Soma Morgenstern (Galicie orientale, 1890 - New York, 1976), peut-être le dernier écrivain juif de langue allemande de l'Europe centrale, évoque la montée du fanatisme et de l’antisémitisme en prenant tout le temps qu’il faut pour nous familiariser à notre tour à la vie rurale et au judaïsme, nous faisant partager la vie spirituelle des juifs mais aussi leurs coutumes et autres rituels. Mais ce ne sera que pour mieux nous faire ressentir la tragédie qui se prépare, terminant ce deuxième tome dans l’atrocité d’un crime qui vous marquera assurément encore longtemps. Nous retrouverons sans nul doute, dans le troisième tome qui clôturera la trilogie, le jeune Alfred transfiguré par cette expérience douloureuse, qui signe tout simplement la fin de l’innocence et des illusions.
J’ai beaucoup aimé ce roman, pour les personnages que nous y rencontrons et la façon de nous les présenter, pour l’humour disséminé jusqu’au moment tragique, pour la beauté et la simplicité de l’écriture. Enfin pour l’humanité qui s’en dégage, dans tout ce qu’elle a de meilleur et de plus abject. Un roman finalement très contemporain dans notre difficulté du vivre ensemble.
Idylle en exil, Étincelles dans l’abîme tome 2 de Soma Morgenstern, traduit de l’allemand par Denis Authier et Christian Richard, Éditions Liana Levi, Collection Piccolo, 446 pages, octobre 2014.
A découvrir également :
* Le Fils du fils prodigue de Soma Morgenstern, premier tome de la trilogie Étincelles dans l’abîme
* Extrait : Le testament du fils prodigue de Soma Morgenstern (troisième tome)
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