vendredi 16 janvier 2015

Mr. Turner de Mike Leigh


Par quel mystère un sale bonhomme aussi bourru, misanthrope, grossier, solitaire, taciturne, bestial et égoïste a-t-il pu devenir ce peintre aussi génialement inspiré pour avoir produit autant de chefs-d’œuvre ?

C’est qu’il était tout cela et le contraire à la fois : doté d’une personnalité complexe, Mr. Turner pouvait également manifester de la générosité (il préfèrera léguer une grande partie de son œuvre à la National Gallery plutôt que de la vendre à un riche marchand), de la compassion, de l’humilité et même une certaine vulnérabilité. Il était également capable d’éprouver d’intenses fulgurances émotives, qui jaillissaient presque malgré lui telles les émissions de lave d’un volcan qu’on aurait pu croire éteint depuis longtemps. J'ai par contre nettement moins apprécié les multiples grognements  du personnage, beaucoup trop présents pour ne pas donner l'impression de surligner le caractère d'ours mal léché du peintre, au cas où nous l'aurions oublié (je me demande par quel miracle d'ailleurs).

Un homme entouré de son père (ancien barbier) et de sa gouvernante dévouée (qui lui sert occasionnellement d’exutoire sexuel), d’une ancienne compagne et de ses deux enfants (qu’il reconnait à peine), et qui terminera sa vie avec la charmante Mrs Booth (propriétaire d’une pension de famille en bord de mer). Le tout donnant lieu à un joli éventail de portraits de femmes de l’époque. 

Seront évoqués également ses relations parfois houleuses avec les peintres contemporains et la Royal Academy of Arts, les critiques d’art (qui donneront lieu à une séquence très ironique dans laquelle le réalisateur semble régler ses comptes avec les critiques de cinéma), les marchands d’art et l’aristocratie, mais aussi la pauvreté et les conditions de vie de la classe ouvrière.

Un film composé de très beaux paysages et d’un cadrage aussi lumineux que les toiles de ce peintre, qui aura beaucoup voyagé et dont l’obsession de toute une vie aurait pu se résumer dans l’art de vouloir capter la lumière.

Les avis du cinéphile m'étant conté, de Dasola et d'Alex.


Réalisateur : Mike Leigh
Acteurs : Timothy Spall, Roger Ashton-Griffiths, Robert Portal, Jamie Thomas King
Origine : Royaume-Uni
Genre : Drame
Public : Tout public
Date de sortie : 10/12/2014
Durée : 2h29

2 commentaires:

  1. Bonjour Sentinelle. Tu vas me faire regretter de l'avoir laissé filer ! ;-) Je dois dire que j'aime assez ce que je connais du travail de Mike Leigh et que j'ai été surpris de le voir aborder ce personnage. Mais pourquoi pas ?

    Finalement, je me rends compte que c'est assez fréquent que le cinéma nous offre des "biopics" autour des grands noms de la peinture. J'espère qu'il pourra ainsi contribuer à me faire connaître ces artistes.

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    1. Bonjour Martin,

      Ce film porte bien la marque de Mike Leigh : beaucoup de classes sociales sont abordées à travers le peintre : les petites gens, la pauvreté, les académiciens, les riches marchands, le monde de l'art, l'aristocratie, les critiques, le monde du spectacle et la satire...

      Concernant les biopics (bien que Mike Leigh s'en défende bien d'avoir réalisé un biopic) , la plus grande difficulté est de rendre compte de l'acte de création. Dans ce cas-ci, le réalisateur a opté pour quelque chose de très organique via le mélange des couleurs du père, les coups de pinceaux rageurs du peintre, ses sources d'inspirations diverses...

      Dans le genre biopic, un film que j'ai vu en 2013 et que je te conseille également : La Vie passionnée de Vincent van Gogh de Vincente Minnelli avec Kirk Douglas dans le rôle principal.
      http://livresque-sentinelle.blogspot.be/2013/12/la-vie-passionnee-de-vincent-van-gogh.html

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