lundi 16 novembre 2015

Pépé le Moko de Julien Duvivier


Aidée par la police locale, dont l'inspecteur Slimane, la police française tente désespérément de mettre la main sur Pépé le Moko, un caïd parisien qui se cache dans la casbah d’Alger après avoir commis de graves délits en France. Protégé par les habitants et chef d’une bande peu recommandable, Pépé le Moko vit avec la jeune métisse Inès. Fuyant une nouvelle fois la police, il fait la rencontre de Gaby, une demi-mondaine parisienne en quête de sensations fortes et dont il tombe éperdument amoureux. Au point de vouloir abandonner sa cachette et de quitter la casbah pour embarquer avec elle en direction de Marseille. Mais c’est sans compter sur l'inspecteur Slimane, qui lui tend un piège en utilisant Gaby, qui ignore tout du complot.

Pépé à Slimane : "Avoir une tête de faux jeton à ce point-là, cela devient de la franchise".

Vingt-cinquième film interprété en moins de cinq ans par Jean Gabin (qui venait de tourner « La Belle Equipe » du même réalisateur et « Les Bas-Fonds » de Jean Renoir), Pépé le Moko lui permet de camper un mauvais garçon au grand cœur qui connaîtra un destin tragique. Un personnage issu du peuple et exilé dans un univers on ne peut plus exotique, ce qui ne l’empêche pas d’évoquer sans cesse la métropole, dont la présence de Gaby ne fait que raviver le souvenir. A ce propos, la casbah fut entièrement reconstituée en studio à Paris, et seuls quelques raccords furent réellement tournés à l’extérieur (Alger, Marseille et Sète). Cet espace enclavé, composé de toiles peintes et de fausses ruelles, associé au magnifique clair-obscur du chef opérateur Jules Kruger, influencé par le cinéma expressionniste allemand, donnent tout le cachet à ce film qui exploite à merveille cette atmosphère moite et suffocante.

Ce film connaîtra à sa sortie un succès public et critique. Deux remakes américains seront réalisés : Algiers de John Cromwell (1938) et Casbah de John Barry (1948).







Titre du film : Pépé le Moko
Réalisateur : Julien Duvivier
Assistant réalisateur : Robert Vernay
Auteur de l'oeuvre originale : Roger d' Ashelbé
Adaptateurs : Julien Duvivier, Roger d' Ashelbé, Jacques Constant
Dialoguiste : Henri Jeanson
Société de production : Paris-Films Production
Producteurs : Robert et Raymond Hakim
Directeurs de la photographie : Jules Krüger et Marc Fossard
Acteurs : Jean Gabin, Mireille Balin, Line Noro, Fréhel, Marcel Dalio
Origine : France
Année de production : 1936
Durée : 1h33



Quelques mots sur le réalisateur et scénariste Julien Duvivier, qui tournera 70 films. Pouvant compter sur une carrière allant de Feuillade à l’avènement de la seconde vague, il connaîtra un immense succès populaire avec Le Petit Monde de don Camillo (1952) et Le Retour de don Camillo (1953). Son meilleur film, considéré comme un chef-d’œuvre du film noir, est « Panique » d’après Simenon, avec Michel Simon. Souvent décrié à la fin de sa carrière par la jeune critique, il n’en demeure pas moins un réalisateur important du cinéma français. Orson Welles n’a d’ailleurs jamais caché l’admiration qu’il portait aux films de Duvivier…


L’actrice Mireille Balin, au visage si particulier et qui joue la demi-mondaine Gaby, connaîtra quant à elle un destin tragique. Née à Monte-Carlo, devenue mannequin après un revers de fortune avant d’épouser un milliardaire, elle sera remarquée par Pabst. Jouant volontiers la garce, la femme fatale ou la diva déclassée devenue prostituée par amour, le public ne lui pardonnera pas d’avoir tourné un film commandé par Mussolini ni de s’être affichée avec un officier viennois pendant la guerre. Appréhendée à la libération, elle sera violée et mise en prison. Elle décèdera dans la misère et l’indifférence en 1968. 





2 commentaires:

  1. Bonsoir Sentinelle. Et merci pour ton image samedi.

    "Pépé le Moko", je l'ai laissé passé plusieurs fois, mais ta chronique (et ses anecdotes) me donnent envie de le rattraper à la prochaine occasion. Merci.

    C'est "amusant" de prendre ainsi connaissance du triste sort de Mireille Balin, alors même que je viens de voir "Le corbeau", un autre film auquel on a reproché une trop grande complaisance avec l'occupant nazi après guerre.

    Je te dis à bientôt !

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    1. Bonjour Martin,

      Quand l’émotion est trop grande, je trouve mes mots tellement dérisoires que je n’ai donc pu qu’afficher une image. Depuis lors, des informations supplémentaires nous sont parvenues sur les événements, avec la commune de Molenbeek en point de mire. Il y aurait beaucoup à en dire mais ce n’est pas vraiment le propos de ce blog. Puis cela ne change rien à mon premier sentiment, à savoir que nous sommes tous concernés et que toutes les démocraties devront s’unir pour combattre ce fléau, en se donnant les moyens et la politique nécessaire pour y parvenir.

      Pour en revenir au film, je ne te cacherai pas que le scénario de Pépé le Moko a vieilli, mais la photographie est absolument superbe (merci au chef opérateur Jules Kruger). J’ai découvert l’actrice Mireille Balin avec ce film et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir son destin brisé. J’ai toujours été fort sensible à ce lynchage des femmes « ayant fauté avec les allemands » à la libération. Rasées, violées, violentées et condamnées. Un sujet abordé également dans un excellent roman lu récemment, « Je vous écris dans le noir » de Jean-Luc Seigle, à propos de l’histoire de Pauline Dubuisson, qui a également inspiré le réalisateur Henri-Georges Clouzot pour son film La vérité. La vie, la littérature et le cinéma ne cesseront sans doute jamais de s’influencer et d’interférer entre eux. Je viens de voir également "Le corbeau", qui a connu aussi bien des déboires après la guerre, pour avoir été produit par la Continental. Je te renvoie à ce propos vers mon billet « Les inconnus dans la maison» par Henri Decoin, dans la mesure où j’y fais référence. Ce film-là connu aussi des difficultés à la libération, il fut notamment accusé d’antisémitisme, mais j’y reviendrai plus longuement lorsque j’aborderai le film « L’inconnu dans la maison » de Georges Lautner. La comparaison entre le roman écrit par Simenon et les deux adaptations françaises est assez intéressante en tout cas, et très éclairante sur leur époque respective.

      A bientôt Martin !

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