C’est la lecture du roman « Le
voile noir » de Rick Moody qui m’a menée irrésistiblement
vers l’auteur Nathaniel Hawthorne : tout le récit de Rick Moody
s’articule effectivement autour de son conte « Le voile noir du
pasteur ». Ce conte relate l’histoire d’un pasteur qui, du jour au
lendemain, couvrit son visage d’un voile noir jusqu’au jour de son trépas, et
ce afin d’expier ses fautes passées. L’analyse du poids de cette culpabilité
morbide mais aussi les réactions d’effroi et de peur de la communauté à la vue
de ce voile noir font de ce conte une petite merveille que je vous encourage
vivement de découvrir à votre tour. Il se trouve que l’homme qui inspira
ce conte à Nathaniel Hawthorne n’était autre que Joseph Moody, que Rick Moody
pense être son ancêtre suite aux confidences de son grand-père paternel. Je me
suis déjà longuement attardée sur les difficultés que j’ai éprouvées à la
lecture du récit de Rick Moody, mais je ne saurais jamais trop le remercier
d’avoir attisé ma curiosité quant à cet excellent auteur qu’est Nathaniel
Hawthorne ! « Le voile noir du pasteur » faisant partie d’un
recueil intitulé tout simplement « Contes et récits », c’est tout
naturellement vers celui-ci que mon choix s’est porté pour aller à sa rencontre.
Nathaniel Hawthorne, né en 1804 à Salem et décédé en 1864 à Plymouth, est le
père fondateur de la littérature nord-américaine. C’est effectivement à la
publication de « La lettre écarlate » que l’Amérique assiste à
la naissance d’une nouvelle forme de littérature, qui n’est plus une
simple excroissance coloniale de la littérature anglaise mais une littérature
nord-américaine distincte, puisant sa source et son inspiration dans sa propre
histoire.
Le recueil de ses « Contes et récits », qui précède la publication
de son illustre roman « La lettre écarlate », marque le
début de cette mutation. Nathaniel Hawthorne puise effectivement son
inspiration dans l'histoire de la Nouvelle-Angleterre
en remontant deux siècles plus tôt, à savoir l’époque des premiers puritains
installés à Salem, qui ont fuit l’Angleterre dans laquelle ils n’étaient plus
les bienvenus pour devenir ce qu’ils ignorent encore, à savoir les pères
fondateurs d’une future nation indépendante.
Revenir aux origines de l’Amérique, c’était également revenir aux sources de
sa propre histoire puisque Nathaniel Hawthorne comptait, parmi les premiers
pèlerins et leur descendance directe, deux ancêtres illustres qui
participèrent activement - en tant que pasteur puritain et juge - aux guerres
punitives indiennes et au jugement lors du procès des “sorcières” de Salem.
Nathaniel Hawthorne n’oublie pas qu’il est aussi le fils de cette Amérique
là : une Amérique qui, pour parvenir à son indépendance, n’a pas hésité à
faire preuve de bravoure et de courage, mais aussi de violence et d’oppression,
à l’image des puritains de l’époque qui firent preuve d’intolérance et
d’extrémisme.
Est-ce pour expier la faute de ses ancêtres que Nathaniel Hawthorne, hanté
par la culpabilité et la dépravation héréditaire de l’âme, revient sur les
différentes étapes qui jalonneront la naissance de ce nouveau monde sans
en omettre les épisodes les moins glorieux ? Qu’importe les raisons initiales,
il n’en reste pas moins que ces récits sont de véritables petits bijoux
d’intelligence, de finesse et de justesse : Nathaniel Hawthorne revient
sur les premiers balbutiements d’une nation sous forme de contes, de paraboles
et d'allégories morales en n’omettant aucun épisode cruciaux de l’histoire
de la
Nouvelle-Angleterre, que ce soit la vie rude des premiers
pèlerins à l’intransigeance des puritains en passant par les guerres
d’indépendances, les attaques punitives contre les indiens, la
persécution des Quakers ou la chasse aux sorcières.
L’édition de ce recueil a eu la très bonne idée de présenter ces contes dans
l’ordre chronologique de l’histoire de la Nouvelle-Angleterre
qu’ils déploient, afin d’assurer une totale cohérence dans l’enchainement des
récits. Je vous conseille d’ailleurs vivement cette édition, car non seulement
l’excellente préface de Pierre-Yves Pétillon, portant sur la biographie de
Nathaniel Hawthorne et les débuts de la littérature nord-américaine, est des
plus intéressantes mais la postface en fin du recueil ne l’est pas
moins ! Nous y trouvons plusieurs pages explicatives du contexte
historique de l’époque des récits, qui complètent parfaitement les écrits de
Nathaniel Hawthorne dans la mesure où elles apportent une compréhension
et un éclairage supplémentaires des plus bienvenus.
Ces contes faisant référence à l’histoire de la Nouvelle-Angleterre
ne constituent pas la totalité des contes et récits : nous y retrouvons
d’autres contes imaginaires très riches en fantaisies et analyses psychologiques,
sans oublier deux récits autobiographiques qui n’ont rien à envier aux contes
imaginaires du recueil.
J’ai passé d’excellents moments de lecture en compagnie de ces « Contes
et récits » de Nathaniel Hawthorne, raison pour laquelle je le mets sans
hésitation dans la catégorie « mes coups de cœur littéraire ».
Et je n’ai qu’une seule hâte, à savoir me replonger dans son univers en
découvrant son œuvre majeure, « La lette écarlate », qui connut
un grand succès dès sa publication.