Arthur Penn et Melanie Griffith sur le tournage Night Moves (La fugue) |
Arthur Penn (1922 - 2010) est un réalisateur américain qui connu de grands succès public et critique mais également quelques échecs. Il a fait tourner les plus grands acteurs : Paul Newman (Le Gaucher), Anne Bancroft (Miracle en Alabama), Jane Fonda & Robert Redford & Angie Dickinson (La Poursuite impitoyable), Warren Beatty & Faye Dunaway (Bonnie and Clyde), Dustin Hoffman (Little Big Man), Marlon Brando & Jack Nicholson (The Missouri Breaks).
Night Moves, film noir, amer et désenchanté, fait partie de cette catégorie qui n'avait pas réussi à rencontrer son public à sa sortie, en 1975. Il est vrai que l'intrigue (plus un prétexte qu'autre chose) met du temps à se mettre en place et que l'imbrication des affaires intimes du détective privé Harry (joué par Gene Hackman) pouvait en dérouter plus d'un. Côté action, il faudra attendre la dernière séquence maritime finale pour y trouver son compte, une dernière séquence néanmoins très réussie et qui mérite le coup d’œil.
Gene Hackman dans Night Moves (La fugue) d'Arthur Penn |
Mais pour le reste, l'intérêt est ailleurs, notamment dans les introspections du détective et les sous-intrigues plus psychologiques et sociales, que ce soit entre les protagonistes ou dans le propre passé de Harry, que du côté du regard peu amène du réalisateur envers la société américaine des années 70. Arthur Penn se permet même au passage une critique acérée du système hollywoodien, qui exploite (dans tous les sens du terme) les femmes jeunes et jolies, avant de les jeter comme de vulgaires produits périmés. Alcool, solitude, dépression et goût de lucre à l'arrivée (voir le personnage interprété par Janet Ward, une ex-actrice d'Hollywood aujourd'hui vieillissante et qui n'est autre que la mère de la jeune fugueuse Delly, jouée par Melanie Griffith). Il met en évidence également la société gouvernée par le fric et la déliquescence familiale et sociale (dans cette Amérique en manque de repère, tout le monde couche avec tout le monde, y compris un ex-beau-père avec son ex-belle-fille), ce qui donne lieu à un dialogue étonnant et dans lequel Gene Hackman se révèle, une fois de plus, excellent (ah il faut voir son regard qui en dit bien plus que de longs discours).
Melanie Griffith dans Night Moves (La fugue) d'Arthur Penn |
Gene Hackman accompagne par ailleurs excellemment les débutants que sont James Woods et Melanie Griffith. Fille de Peter Griffith et de l'actrice Tippi Hedren, Night Moves est l'un des premiers films dans lequel participe la jeune Melanie. Jouant une adolescente de 16 ans en manque d'affection aussi jolie que délurée et pas avare de ses charmes (= assez paumée et en voie de perdition), Melanie Griffith interprète dès ses débuts un rôle qui la catégorisera d'emblée dans celui des jeunes bimbos du septième art (Fear City d'Abel Ferrara, Body Double de Brian De Palma, Something Wild de Jonathan Demme). Son rôle dans Body Double lui permet d'être nommée au Golden Globes de la meilleure actrice dans un second rôle. Elle rafle en 1989 celui de la meilleure actrice pour son rôle dans la comédie Working girl de Mike Nichols. Elle connaîtra par la suite une certaine notoriété et elle apparaîtra au générique de nombreux films dans les années 90. Ces dernières années, il semblerait qu'on parle plus de l'actrice pour ses nombreuses chirurgies esthétiques et ses multiples divorces. Mais c'est encore sa fille, Dakota Johnson, qui semble prendre la relève avec la cul(cul)tissime série de films "Cinquante nuances de ..." . C'est la dure loi du système hollywoodien et Arthur Penn ne disait pas autre chose dans son film.
Réalisateur : Arthur Penn
Titre original : Night Moves (titre traduit : La Fugue)
Année de sortie : 1975
Pays : États-Unis
Scénario : Alan Sharp
Avec : Gene Hackman, Jennifer Warren, Melanie Griffith, Susan Clark, James Woods, John Crawford, Ed Binns, Harris Yulin.
Bonsoir Miss ;-)
RépondreSupprimerDe Penn, je te recommande si pas vu & si l'occasion se présente, Georgia (Four friends) quasi mon préféré chez l'ami Arthur.
Pas vu Night Moves.
Hello Ronnie ! J'espère que tes vacances se sont bien passées, tu es revenu en grande forme en tout cas, sur le mode "je n'ai pas aimé" en commentaire sur nos blogs communs :-D
SupprimerPas vu Georgia, mais j'aimerais bien le voir, j'en prends bonne note donc ! Night Moves passe sur TCM en ce moment. Bonne soirée et à bientôt l'ami :-)
Je ne savais pas que "la fugue" de Penn s'intitulait en VO "Night Moves". J'ai donc cru qu'il s'agissait du film de Kelly Reichardt sur les écolo-terroristes.
RépondreSupprimerJe n'ai pas vu cette rareté d'Arthur Penn mais ton commentaire m'invite à ne pas le rater lorsque l'occasion se présentera. La présence d'une toute jeune (& jolie) Mélanie Griffith (fille de la dame aux "oiseaux" et mère de la fille au "sado") n'est pas pour me déplaire.
Ah tiens oui, je n'ai jamais vu Night Moves de Kelly Reichardt, donc je n'y avais pas pensé ;-)
SupprimerLe titre ferait référence aux déplacements des cavaliers aux échecs, « knight moves », un jeu qui fascine le détective, pourtant bien en peine de deviner à l'avance les coups foireux qui l'attendent (tout le monde ment dans cette histoire).
Je te le conseille bien volontiers, mais garde à l'esprit que l'intrigue n'est finalement qu'un prétexte pour aborder bien d'autres choses. Mélanie Griffith est très mignonne et toute juvénile (à peine 17 ans). Je ne m'y attendais pas et ce fut une bonne surprise, d'où le fait que j'en parle un peu longuement dans mon billet :)
Gene Hackman est excellent, mais j'ai été un peu déçue par l'interprétation de James Woods, qui était bien meilleur dans Les visiteurs d'Elia Kazan (sorti trois ans plus tôt). Il y était visiblement mieux dirigé. Et l'actrice (au physique particulier mais intéressant) Jennifer Warren y joue aussi. Elle a fait un passage éclair au cinéma mais je m'en souviens encore.
J'aime aussi beaucoup James Woods, ici encore bien jeune. C'est sûr qu'en matière de direction d'acteur Penn n'est sans doute pas Kazan, mais il fait montre d'autres qualités par ailleurs.
SupprimerJames Woods, je crois l'avoir vu la toute première fois (j'étais encore une très jeune adolescente) dans le film Vidéodrome de David Cronenberg, sorti en 1983. Avec Deborah Harry, du groupe Blondie (et dont j'étais très fan). Je me demande si le film n'a pas pris un fameux coup de vieux ? Il était assez cryptique aussi.
SupprimerRevu avec un grand plaisir La Fugue. Le film avec son intrigue décousue et les problèmes de couple de Gene Hackman possède cette atmosphère désenchantée
RépondreSupprimertypique de l'époque (Hustle de Robert Aldrich) et dont le Privé de Robert Altman
est le modèle ultime. Chandler sur le fond et le nouvel Hollywood pour la forme. Arthur Penn a été un grand espoir et une figure majeure du nouveau cinéma US (Bonnie & Clyde, Little Big Man) des sixties mais a sombré aprés Julia, son dernier bon film. Même Missouri Breaks (1976) est décevant.
Ce film s'inscrit bien dans une certaine mouvance du cinéma américain de cette époque, et de nombreux (et excellents) réalisateurs en émergeront. Sur le fond, on retrouve effectivement Chandler et tout le roman noir à connotation sociale et psychologique (remis à l'honneur dans le roman policier contemporain des pays nordiques, qui, ne l'oublions pas, sont aussi dans la lignée d'un illustre prédécesseur, qui n'est autre que Simenon). Pour revenir à Arthur Penn, j'ai vu presque tous ses films qui ont précédé Georgia (Four Friends), mais la plupart (à l'exception de Night Moves et The Miracle Worker, revu il y a quelques années), il y a fort longtemps. Je n'en garde du coup qu'un souvenir assez vague. J'aimerais d'ailleurs les revoir tous, et aller un peu plus loin dans la découverte de ce réalisateur, via des biographies ou autres. Pour notamment mieux comprendre les raisons de son déclin. Il m’intéresse en tout cas, en tant que personne également je veux dire.
SupprimerBonsoir, merci de votre réponse. J'ai vu aussi tous ses films jusqu'à Georgia sauf Alice's Restaurant. Cinéaste intéressant et inégal marqué par le cinéma européen et le théatre. Son déclin est parallèle à celui des cinéastes du Nouvel Hollywood et ne passent pas le cap des années 80 (voir John Frankenheimer, Mulligan ou Pakula par exemple)? Bravo pour votre palmarés de mars. Je n'ai toujours pas vu Solaris..
RépondreSupprimerMais de rien Alex, c'est toujours un plaisir d'échanger sur le cinéma (car dans "la vraie vie", cela ne m'arrive pas souvent). Les cinéastes du Nouvel Hollywood, c'est effectivement toute mon adolescence qui défile (des plus "classiques" comme Spielberg, De Palma, Coppola, Scorsese, aux autres comme George Lucas, George Miller, Ridley Scott, Cronenberg, Lynch, Alan Parker, Adrian Lyne, Tim Burton, Robert Zemeckis, Oliver Stone). Avec du recul, je me dis que j'ai eu de la chance.
SupprimerJe connais nettement moins bien John Frankenheimer ou Mulligan (le très réussi Une certaine rencontre, avec le couple Steve McQueen/Natalie Wood), mais je les garde bien au chaud dans un coin de la tête ;-)
Pour ce qui concerne Solaris, c'est la troisième fois que je le vois et je le trouve toujours aussi exigeant. Il garde aussi sa part de mystère et c'est sans aucun doute voulu par Tarkovski (savoir accepter les mystères de la vie, de l'amour et de la mort). Mais j'en reparlerai beaucoup plus longuement très prochainement !
SupprimerPour moi aussi les années 70 sont toutes ma jeunesse ainsi que mes années de formation au cinéma. Habitant Paris à l'époque, j'ai eu la chance de voir la plupart des films de ces cinéastes des 60'et 70's dans les salles du quartier latin, dans les salles Action ou à l'Olympic. Cette génération (Altman, Lumet Mulligan etc..)certains formés à la TV fin des années 50, est passionnante.Bon week end.
RépondreSupprimerC'est une grande chance, en effet ! Je vous souhaite de même un excellent week-end.
SupprimerL'Olympic, c'est l'Entrepot, la salle de frédéric Mitterrand dans le 13 ième.
RépondreSupprimerAu fait, je consulte aussi régulièrement le site de STRUM et je voulais vous dire que je partage totalement votre avis sur le film Loving de Jeff Nichols.
Merci pour la précision ! Je vous avais déjà entraperçu chez le Cinéphile Stakhanoviste, mais pas chez Strum.
SupprimerMa réflexion sur le film Loving de Jeff Nichols a continué à évoluer au fil du temps. Le couple est très digne et d'une modestie à toute épreuve mais je trouve que le réalisateur les fige aussi dans cette posture, les enfermant dans une figure de style très iconique et idéalisée. On regarderait presque cette fameuse photo comme une image pieuse : la bonheur simple, tranquille, malgré les adversités. Et c’est aussi ce qui touche le spectateur. Mais c’est aussi ce qui en fait sa limite, en ce qui me concerne en tout cas, avec ce regard très "évangélique".
Oui, je fréquente aussi le "stakanoviste" (lol). Chez Strum, je suis intervenu récemment au sujet de la Belle équipe de Duvivier.
RépondreSupprimertout à fait d'accord avec votre analyse sur Loving. la revue Positif oppose académisme et classicisme pour saluer le film mais je ne suis pas convaincu.
Bon week end.
Si vous êtes intervenu au sujet de la Belle équipe de Duvivier chez Strum, c'est sous un autre nom alors. J'ai beaucoup de mal à trouver la revue Positif dans nos librairies à Bruxelles, et c'est dommage.
SupprimerOui, je n'ai pas publié sous pseudo chez Strum mais de mon vrai nom Jean-Sylvain Cabot (via facebook). Dommage que vous ne puissiez trouver Positif en Belgique car cela reste, tout de même, une revue essentielle.Bon dimanche.
RépondreSupprimerAh mais oui, maintenant je vois "qui vous êtes", merci pour cet éclaircissement :-)
SupprimerPour être plus précise, on peut trouver la revue Positif mais c'est vraiment compliqué, car elle est tellement peu distribuée en Belgique que je tombe presque toujours dessus par hasard, n'arrivant jamais à mettre la main dessus lorsque je la cherche vraiment. En France, vous avez énormément de choix à ce niveau-là et je vous en félicite. Les "Cahiers du cinéma" sont par contre mieux distribués chez nous (ouf, c'est déjà ça).
Très bon dimanche Jean-Sylvain !